Friday , 29 March 2024
Irfan Abdool Rahman

Irfan Abdool Rahman : «Des élections générales parfaites n’existent pas»

Le Commissaire électoral, Irfan Abdool Rahman, revient dans l’entretien qui suit sur les événements qui ont suivi la tenue des élections générales le 7 novembre dernier. S’il admet que l’erreur humaine est bien réelle, il soutient aussi que des élections générales parfaites n’existent aucune part ailleurs dans le monde.

Les critiques sur la Commission électorale ont commencé avec les gens qui n’ont pu voter. La Commission a-t-elle le droit d’enlever le nom d’une personne du registre électoral ?
Je dois vous dire que ce n’est pas la première fois que la Commission électorale fait face à des critiques. Maurice n’est aussi pas le seul pays où il existe ce genre de problèmes après des élections. Au départ, on nous a même critiqués parce que des Bangladais avaient le droit de voter. Or, c’est prévu dans la Constitution de Maurice. D’ailleurs, seuls 45 Bangladais figurent sur le registre et non 5000 comme faisaient croire des internautes. On ne sait même pas s’ils ont voté ou pas.

Pour revenir à votre question, il est important de savoir ce que la loi prévoit en ce sens. La section 2 de l’article 42 de la Constitution (Ndlr : Qualifications of electors) stipule clairement qu’une personne n’a pas le droit d’être enregistré dans plus d’une circonscription ou dans une circonscription dans laquelle elle n’est pas résidente à la « prescribed date » qui est le 1er janvier de chaque année. Comme vous le savez, chaque année, la Commission a l’obligation légale de publier un nouveau registre le 16 août.

Pensez-vous que les canvasseurs aient pu oublier certaines personnes ?
Le rôle du canvasseur est de déterminer si une personne est éligible à voter. Ce n’est pas son rôle d’enregistrer une personne. Ce sont dix officiers de la Commission électorale qui décident si une personne est éligible pour être électeur. Chaque année, avant le 16 mai, nous établissons une liste provisoire de personnes éligibles en tant qu’électeurs. Cette année, 2533 canvasseurs ont couvert l’ensemble pays et ils ont touché 298 000 maisons. Lorsqu’ils n’arrivent pas à rencontrer les habitants, ils leur laissent un mémo. Sur les 4807 mémos délivrés, seuls 1140 personnes ont répondu. Les autres n’ont pas trouvé utile de se tourner vers la Commission.

Seuls 45 Bangladais figurent sur le registre et non 5000 comme faisaient croire des internautes.»

La Commission a pris l’engagement de contacter les 6813 Mauriciens qui n’ont pu voter. Quand démarre ces rencontres ?
C’est en début de l’année prochaine que nous allons les rencontrer. Nous allons mener notre enquête afin de connaître les raisons pour lesquelles ces personnes n’étaient pas inscrites sur la liste électorale. Vers le 12 janvier de chaque année, la Commission débute les exercices de porte-à-porte pour connaître si une personne est éligible à voter.

Les 6813 personnes sont celles qui se sont officiellement manifestées auprès de la Commission. Mais y-a-t-il la possibilité que d’autres Mauriciens n’ont pu voter mais qui ne se soient pas rendus à la Commission ?
Exactement. Je suis en mesure de vous dire que 400 autres Mauriciens n’ont pu voter et ils ont déjà notifié la Commission. Là encore, nous devons établir les raisons pour lesquelles leurs noms ne figurent pas sur nos registres. Je lance un appel aux autorités compétentes pour que la procédure d’enregistrement des électeurs soit un exercice continu.

Une vaste campagne a eu lieu avant les élections. Diriez-vous qu’elle n’a pas eu les résultats escomptés ?
Certainement. Nous avions mis le paquet sur cette campagne avec la distribution des flyers et la mise en service du système de SMS pour permettre aux Mauriciens de vérifier s’ils étaient enregistrés pour pouvoir voter. Pendant deux semaines, nous avions intensifié la campagne avec le soutien des compagnies d’autobus qui ont affiché gratuitement nos messages sur leurs autobus.

Par ailleurs, comment deux bulletins peuvent-ils se trouver en dehors du centre de vote ?
Un bulletin en dehors du centre de vote, c’est déjà un bulletin de trop. Maintenant, on en a retrouvé deux ! Il y a une enquête policière en cours et je préfère attendre l’issue avant de me prononcer davantage sur le sujet. Mais, c’est certainement inadmissible que deux bulletins se retrouvent en dehors.

Cette année, 2533 canvasseurs ont couvert l’ensemble pays et ils ont touché 298 000 maisons.»

Vous avez dit que des sanctions seront prises contre les fonctionnaires s’ils sont trouvés coupables. Cela veut-il dire qu’il y a eu la possibilité que certains officiers aient pu agir en dehors du cadre légal ?
Je ne dirais pas cela mais si un fonctionnaire est trouvé coupable à l’issue de l’enquête policière, il ou elle doit assumer les conséquences. Mais je dois aussi attirer l’attention sur le bon travail qu’a accompli l’ensemble des fonctionnaires au cours des dernières élections générales. Je saisis l’occasion pour leur rendre un vibrant hommage. D’ailleurs, on a dû préparer ces élections dans un court délai et changer 40 centres de vote en raison de la tenue des examens de Cambridge. Vous savez l’erreur humaine existe et il est bon de faire ressortir que des élections générales parfaites n’existent pas dans le monde. Même aux Etats-Unis, il existe des manquements lors des législatives.

Dans certains centres de vote, on a pu constater un grand nombre d’agents politiques qui agissent comme counting agents. Or, la plupart du temps ils étaient en dehors des counting stations et faisaient pas mal de bruit. N’est-il pas temps de revoir tout le fonctionnement ?
Le Returning Officer est le seul maître à bord. Il a la responsabilité de faire régner l’ordre et la discipline dans le centre de vote ou de dépouillement. Les counting agents n’ont pas le droit d’être en dehors de la salle de classe.
La photo d’une urne avec des bulletins bien rangés fait le buzz sur le net. Y-a-t-il une explication rationnelle à cela ?
Laissez-moi vous expliquer le déroulement entourant ces événements. Le jour du vote à 6h50, les candidats de cette circonscription ont vérifié les urnes. Une alliance politique a voulu mettre ses propres scellés sur les urnes. Après 18h, lorsque les urnes ont été acheminées vers les Guard Rooms, un agent politique a attiré l’attention sur les bulletins « bien rangés ». Les candidats, surtout ceux de l’alliance politique qui ont mis leurs propres scellés sur les urnes, ont accepté les explications des officiers de la Commission électorale. Le lendemain, la boîte en question avait toujours les scellés numérotés de la Commission ainsi que ceux de ladite alliance politique. Dites-moi à quel moment quelqu’un aurait pu tamper avec ces bulletins ? C’est impossible !

Certaines personnes accusent la Commission d’avoir pratiqué l’ethnic profiling. Une accusation très grave, n’est-ce pas ?
C’est grotesque, impensable et même blessant de dire que nous avons pratiqué l’ethnic profiling. Pa gagn droit mem fer sa.

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