En moins de 8 heures, le soleil fournit plus qu’il en faut pour absolument tous les besoins de toute la population du monde pour une année. Gratis. Mais est-ce trop beau pour être vrai ? La réalité est que nous préférons importer à des coûts incontrôlables des énergies fossiles polluantes depuis l’autre bout du monde s’il le faut, qui maintenant ont aussi des impacts néfastes très graves sur notre climat.
Elles représentent presque un quart de nos importations, soit plus de Rs 6 milliards, chaque mois. C’est aussi ce que payent les foyers mauriciens pour l’électricité uniquement en une année, avec deux fois ce montant, soit presque Rs 12 milliards, que pour les carburants. De 2017 à 2023, en moyenne, la famille mauricienne a dépensé 57% de plus pour le transport qui représente désormais 16% de son budget, soit Rs 6 630 par mois.
Pourquoi ?
Alors que nous avons un potentiel énorme en énergies renouvelables comme le soleil et le vent, mais aussi en meilleure efficacité énergétique, nous persistons à dépendre des ressources importées qui se vendent très cher en dollars américains et qui finissent aussi, localement, avec leurs machines et équipements comme fumées souvent très noires et nocives, leurs engins provoquant embouteillages et accidents. Pourquoi ? Parce que le modèle socio-économique dominant de notre développement privilégie les intérêts des multinationales du pétrole et de l’automobile, leurs pays producteurs comme les monarchies du Golfe mais aussi les puissances industrialisées, les milliardaires qui y mettent leurs capitaux, les banques qui les font fructifier, jusqu’aux intermédiaires de toutes sortes allant des concessionnaires aux revendeurs mauriciens en passant par les entreprises de différentes échelles et même le fisc qui se nourrissent tous de ce système. Et rien n’est gratis, car chacun y trouve sa « pound of flesh » au point où, ici même, il faut compter presque Rs 7 milliards par mois rien que pour l’importation de véhicules et de machines. C’est presque un tiers supérieur que ce que nous importons comme denrées alimentaires.
La réponse au ‘pourquoi’ de cette situation insensée, débalancée et insoutenable pour la très grande majorité des gens, comme pour l’environnement, se trouve aussi dans notre attirance pour un style de vie consumériste à outrance, dont le symbole suprême est la voiture automobile. Même si tout cela n’est point GRATIS, l’être humain se sacrifie corps et âme pour satisfaire son illusion de bonheur, sinon pour faire comme les autres. Cela au coût des milliards qui vont à ceux qui exploitent ce système. Parmi les derniers à s’ajouter à la liste, ceux qui abusent des frais des services financiers et d’assurances : une hausse terrible de 171 % de 2017 à 2023 pour la famille mauricienne moyenne, pour atteindre as moins de Rs 1700 mensuellement.
Alternatives
Si nous adoptons à l’exemple des générations précédentes, un mode de vie plus sobre, moins frugal et nullement énergivore, et davantage en harmonie avec la nature comme aussi avec notre for intérieur, tout d’un coup nous sommes en résistance au système dominant. Difficile, certes, mais notre conscience nous mènera à chercher des alternatives au lieu de contribuer à piller l’environnement et nous faire du tort à nous-mêmes. Toutes les alternatives que nous pouvons imaginer, de la marche à pied au transport public propre en passant par le fait d’éteindre les lumières lorsque c’est possible jusqu’à l’usage du solaire pour chauffer l’eau, nous mènent à ne pas permettre à quelques magnats et autres puissants de profiter de l’exploitation des ressources fossiles au détriment du bien commun et de la planète, aujourd’hui et demain.
Le « bikenomics » a été cité comme un modèle où le vélo peut empêcher, sinon réduire, tant de dépenses pour une famille, voire la société. Pas besoin souvent de police d’assurance, d’emprunt bancaire, de carburants, de frais de stationnement, de payer de lourdes amendes et des taxes, d’entretiens onéreux, de faire le plein, etc. mais l’opportunité d’une économie locale, circulaire aussi, avec des bénéfices potentiels tant pour la santé que la qualité de vie. Mais de telles alternatives, à l’instar de la plus simple architecture traditionnelle, bioclimatique, des maisons ou de la production de la bioélectricité décentralisée, ne perdurent et ne s’amplifient que s’il y a une politique « top-down » et des mesures d’accompagnement qui soutiennent les efforts nécessaires. Les individus et les initiatives citoyennes ou communautaires, comme les petites et moyennes entreprises, ne peuvent se battre seuls contre une pétro-économie globale tentaculaire qui domine de plus en plus depuis un siècle, alimentée jusqu’aujourd’hui par avec une subvention totale d’environ 7 trillions de dollars chaque année.
Le Budget 2024/25 qui sera le dernier du présent régime avant les élections, ne pourra résister à la tentation de « fer labous dou ». Comme c’est aussi parfois le cas pour le monde du business, paraître « vert », ce que certains désignent comme le « green-washing », est déjà ancré dans les mœurs politiciennes. Ainsi, tout le monde est pour lutter contre le dérèglement climatique, mais concrètement nous sommes très loin des engagements pris de part et d’autre. C’est là qu’il faut espérer que le Budget 2024/25 puisse joindre l’utile pour un développement responsable, équitable et équilibré à l’agréable en ce qui plaira à l’électorat.
Propositions
L’Opposition parlementaire a déjà annoncé la couleur en promettant le transport public gratuit. Le diable est bien dans les détails, surtout sur la dimension socioéconomique et spécifiquement écolo-énergétique ici, de cette idée, mais une telle proposition va dans le sens d’une alternative à notre dépendance sur les énergies fossiles importées que nous brulons dans des véhicules avec un seul occupant ou passager, la plupart du temps, qui provoquent tant de pollution et d’autres inconvenances. Elle propose aussi de baisser les tarifs de l’électricité, mais le pouvoir actuel a trouvé mieux en installant « gratis » des panneaux solaires sur les toits des maisons pour certaines catégories de consommateurs et leur offrant du courant électrique vert « gratis » jusqu’à un certain barème.
Des subventions existent, cependant, sur le gaz ménager comme sur le diesel pour les opérateurs de bus, sans mentionner les facilités de « duty-free » pour les voitures pas trop écologiques des fonctionnaires. Ne faut-il pas réorienter à la place ces subsides vers les énergies propres au lieu de promouvoir indirectement ces sources importées d’émission de gaz à effet de serre ? Concrètement, pourquoi ne pas étendre massivement l’installation « gratis » de panneaux photovoltaïques et de chauffe-eau solaires à la classe moyenne en général ?
À finaliser à la lumière d’un business plan rigoureux dont la mise-en-œuvre doit être accomplie professionnellement, il est plus que probable qu’offrir le premier kW gratis va révolutionner le paysage énergétique local. Et booster une industrie verte, innovante et créatrice d’emplois. Déjà le programme pour les chauffe-eau solaires est bien en marche depuis assez longtemps, il ne s’agit plus que d’assurer de son « scaling up » en y ajoutant des photovoltaïques, selon les normes internationales et en toute transparence.
Pour les photovoltaïques, il y a là une capacité de vrai management durable de l’énergie avec une intégration entre la mobilité verte et le réseau électrique appelé à devenir plus propre et plus intelligent. C’est la démocratisation de l’énergie renouvelable au lieu d’offrir à quelques gros promoteurs douteux des contrats juteux quand ils installent des fermes solaires sur des terres agricoles au grand dam de notre autosuffisance alimentaire tant vitale pour notre avenir.
Peut-on avoir aussi du carburant « gratis » ? Oui, si nous le limitons aux énergies propres produites localement, comme le bioéthanol ou le biodiésel, voire bientôt l’hydrogène vert, aux particuliers les plus méritants qui seront les tous premiers pionniers de la transition vers des véhicules qui innovent avec ces carburants durables. Pour qu’il n’y ait pas d’abus, accordons cette gratuité énergétique en prime au transport public, justement. Pour ce qui est des individus, le volume « gratis » peut être limité à une certaine quantité par nombre de passagers par kilomètre parcouru, afin de promouvoir un usage optimal, également du co-voiturage. Cette mesure peut être enlevée lorsqu’il n’y aura plus lieu d’accorder une telle incitation quand il y aura une masse critique sur le marché pour ces technologies émergentes. Voilà encore une avenue pour une industrie locale verte, peut-être liée à la recherche scientifique conduite dans notre contexte et au potentiel de l’économie bleue de l’océan. L’espoir, peut-être, d’une coopération régionale ou africaine dans le futur.
Conclusion
Que ce Budget 2024/25 nous rappelle que la signification première de « gratis » est « faveur ». Et aucune faveur à l’intention de son prochain qui en a besoin, ou de la génération prochaine qui compte sur nous, ne saura rester vaine. Et si c’est pour le bien de la nature, celle-ci saura nous la rendre, tôt ou tard. Et de quelle manière ! C’est là que réside la clé de toute résilience dans la durée, qu’elle soit économique, sociale, climatique ou autre. Une approche obligatoirement systémique qui est altruiste, et non égocentrique.
De toute façon, nous devons tant à la nature, lui demeurerons toujours redevables, et un peu de soi-disant « générosité » envers celle qui est notre Mère à tous ne sera jamais de trop. Au lieu d’un semblant de largesse envers la planète, comme lorsque certains célèbrent la fête des Mères, il s’agit tout bonnement de respecter ses droits. Il faut aussi reconnaître à nos semblables le droit à l’accès à un minimum d’énergie propre, pas trop différent du droit à l’éducation, la santé ou la dignité. C’est un devoir de conscience, ou notre devoir d’engagement actif si nous croyons en Dieu qui a créé les cieux et la terre pour éprouver notre foi.
Par PROF. KHALIL ELAHEE