Dans cet entretien réalisé le jeudi 2 novembre, l’avocat et ancien Attorney General, Rama Valayden ne mâche pas ses mots contre l’État d’Israël dans sa guerre contre le Hamas.
Après un hôpital, l’armée israélienne a bombardé, à au moins 2 reprises, un camp de réfugiés faisant plusieurs morts. On parle à ce jour de plus de 9000 morts au total. Votre impression ?
Depuis le premier jour, soit depuis le 7 octobre 2023, j’avais prédit que cette guerre ne s’arrêtera pas de sitôt. Car, depuis plus de 75 ans, à chaque minute et à chaque seconde, l’État d’Israël ne cesse de massacrer, martyriser et de « génocider » le peuple palestinien. Donc, l’État d’Israël, nourri par ses ambitions fascistes, va faire des milliers de morts encore. Peut-être que lorsqu’on atteindra les dizaines de milliers de morts, à ce moment-là, l’Union Européenne et les États-Unis vont se réveiller.
Mais les États-Unis, à travers son président, vient de demander une « pause »…
Demander une pause, pour moi, équivaut à passer dans l’œil du cyclone. C’est le calme avant la tempête. Arrêter pour ensuite ramasse ‘plis bez’. C’est reculer pour ensuite venir faire encore plus de morts, sous le prétexte de vouloir en finir avec le Hamas. Zot pu kontinier.
Pour l’Organisation des Nations Unies (ONU), le bombardement du camp de réfugiés de Jabaliya à Gaza serait « une attaque disproportionnée qui pourraient constituer un crime de guerre ». Partagez-vous cet avis ?
Comment l’ONU peut-elle parler « d’attaques disproportionnées » alors que ce n’est pas légitime du tout ? Parler de « disproportion » équivaudrait à dire que « tuer des civils innocents est légal mais il ne faudrait pas y en avoir trop non plus ». Déjà sur cette base légale, je ne suis pas d’accord. Mais aussi, depuis le premier jour, ce que fait Israël est un acte de guerre, infligeant une punition collective à tout un peuple pour leur donner une leçon et le traitant d’animaux. Ces mots en eux-mêmes je les considère de « génocidaires ». Lorsque Benjamin Netanyahu a demandé à 1,1 million de Gazaouis de quitter le nord de Gaza pour aller vers le sud, si l’ONU n’a pas compris ce qui allait se passer, c’est qu’elle fait semblant de ne pas comprendre. Pas étonnant que des personnes des Nations Unies aient soumis leur démission récemment.
Il faut fermer le robinet en produit pétrolier pour Israël»
Mais de l’autre côté, Israël parle d’environ 1400 morts parmi les israéliens ?
Oui, c’est possible qu’il y ait de nombreux morts côté Israélien aussi mais il faut faire attention aux fabrications. À un moment donné, Israël parlait d’une quarantaine de bébés tués, décapités, etc. par le Hamas. En avons-nous eu des preuves ? Parler de bébés et d’enfants tués pendant une guerre ne date pas d’aujourd’hui. C’est un argument souvent utilisé par des forces fascistes pour justifier une tuerie. Israël n’aurait pas hésité ne serait-ce une seconde pour brandir les images de ces soi-disant bébés tués, mais pourquoi n’en avons-nous pas trouvé ne serait-ce qu’une photo ? Même par rapport aux otages, Israël parlait dans un premier temps de 180, mais ces derniers jours, le chiffre de plus de 250 est évoqué.
Comment évaluez-vous le rôle des organisations internationales dans la résolution de la crise à Gaza ?
De l’hypocrisie ! Rien ne va se passer [pour changer la situation], si ce n’est d’accorder plus de temps à Israël pour poursuivre avec ce qu’il a entrepris. Il n’y a pas un État autre qu’Israël qui a autant envoyé balader les résolutions votées aux Nations Unies. Toutes ces organisations sont impuissantes. Les Houthis du Yémen ont dernièrement envoyé un missile qui a été intercepté par Israël. L’Iran semble résolu à ne plus sortir les griffes. Les États-Unis, c’est vrai qu’ils sont tellement forts avec tout leur arsenal militaire qu’ils font peur. La Chine essaie d’intervenir mais cherche en parallèle à ne pas compromettre ses relations avec l’Arabie saoudite. Je pense que s’il y a un embargo de produits pétroliers sur Israël, celui-ci va baisser d’un ton. Mais encore faut-il que les pays arabes producteurs de pétrole acceptent d’unir leur force.
Mais il paraît qu’au lieu de sanction, c’est la voie diplomatique qui est privilégiée pour résoudre cette crise. À quel point pensez-vous que cette stratégie s’est avérée efficace jusqu’ici ?
Il faut bien sûr envisager la voie diplomatique mais ce n’est pas une solution à laquelle Israël est attentive. Li pa kompren ça li ! Jusqu’ici, c’est l’Union africaine qui a pris une position plus ferme, [NDLR : en condamnant vivement l’attaque d’Israël sur un hôpital à Gaza]. La Bolivie aussi. J’espère que décision sera prise par des pays de fermer le robinet en produit pétrolier pour Israël, d’interrompre les exportations vers Israël, de désinvestir dans les compagnies israéliennes et le boycott de Mc Donald’s à Maurice, par exemple.
Maurice a voté en faveur d’une résolution à l’ONU, appelant à une trêve humanitaire dans cette guerre. Maurice compte demander un cessez-le-feu humanitaire, la libération des civils innocents détenus ainsi que l’implémentation d’une solution à deux États. Qu’en pensez-vous ?
C’est une rhétorique. Concernant la libéralisation des otages israéliens, je demande à notre gouvernement de ne pas s’en faire, puisse que visiblement ils sont bien traités par le Hamas. Certes, ce n’est pas bien [de prendre des otages] mais il faut aussi considérer qu’en face, il y a Israël. Il faut donc se montrer intelligent. Cela dit, lorsqu’Israël met en prison des enfants, des adolescents, je les considère au même titre que des otages. Toutes les 10-15 minutes, un enfant meurt en Palestine. Il y a eu quelque 250 morts et environ 1800 détenus en Cisjordanie, là nous ne trouvons rien à dire ?
La Jordanie figure parmi les pays qui ont rappelé leur représentant d’Israël. Est-ce que Maurice peut prendre des actions diplomatiques de cette nature ou faut-il maintenir une certaine neutralité à ce niveau-là ?
Maurice n’a pas le droit de rester neutre dans cette affaire. Nous pouvons, par exemple, suspendre les liens et les contrats que nous avons avec des compagnies israéliennes ou ces compagnies qui soutiennent Israël dans cette guerre. Il faut remettre une enveloppe d’un million de dollars au moins pour les enfants de Gaza et de la Cisjordanie, et faire appel à la générosité du public. Il faut observer une minute de paix après chaque hymne national. Maurice doit jouer un rôle prépondérant au niveau de l’Union africaine en demandant une rupture des liens bilatéraux des pays africains avec Israël. Maurice peut aussi discuter avec les Seychelles pour comprendre son abstention au vote de la résolution onusienne demandant une trêve humanitaire, une cessation des hostilités et une condamnation des actes de violence envers des civils palestiniens et israéliens.
Que peuvent faire les individus et des pays, comme Maurice, pour soutenir le peuple de Gaza pendant cette crise ?
Il faut mettre sur pied un fonds qui récoltera les contributions financières des Mauriciens. Ce fonds devra cependant être géré par des gens propres et indépendants. On peut aussi boycotter les produits israéliens, que ce soit des franchises détenus par les Mauriciens, ou pas. L’objectif est d’envoyer un signal fort. Il faut poursuivre avec les manifestations, car ce que craignent le plus les dirigeants du monde entier, c’est l’opinion publique. Si la population fait opposition à ce qui se passe, des solutions seront certainement trouvées. Et enfin, il faut continuer à sensibiliser la population à travers les médias traditionnels et les réseaux sociaux. C’est vrai que c’est un problème avec un fondement religieux mais il s’agit aussi d’un problème de racisme et de colonisation.