Après 12 jours en cellule policière, les deux sœurs, Adiila Oozeerally-Salaroo et Shazia Oozeerally, ont retrouvé la liberté, vendredi, après avoir fourni chacune une caution de Rs 50 000. Elles avaient été arrêtées, le 11 septembre, par la MCIT dans le cadre de l’enquête sur la saisie de 8,2 kilos d’une poudre suspecte. Elles se sont confiées à STAR.
Leurs visages marqués par la fatigue et les nuits blanches, les deux sœurs gardent le moral et affirment que la vérité a fini par triompher. Shazia, mère de 2 enfants, est esthéticienne de profession dans la capitale. Sa sœur Adiila, mère de 3 enfants, gère un salon de beauté à Port-Louis également. Le jour de l’incident, elles racontent qu’elles étaient chez elles avec leurs enfants quand, vers 22h30, une cinquantaine d’officiers du MCIT ont fait irruption dans leurs maisons, renversant les meubles et les ustensiles, fouillant la maison de fond en comble. « Zot dir pe fer la fouye, bizin corperer. Zot mem pa dir ki zot pe roder », se souvient Shazia. Les officiers ont confisqué tous les téléphones portables ainsi que ceux des enfants. De plus, ils ont pris l’argent qui se trouvait dans un portefeuille, ainsi que les bijoux de mariage qu’elles gardaient dans l’armoire.
Paniquée, Adiila ne savait plus quoi faire. « Ban zenfan finn traumatiser, pé ploré. Mo misier finn pren tou papier ek dokimen pou expliik zot kot sa finn gagn sa larzan la, mé zot pa kompren », raconte-t-elle. Shazia et Adiila disent qu’à aucun moment elles ont pensé qu’elles faisaient l’objet d’arrestation pour un cas de drogue. « Nou koner nou pa ladan ek zamé nou finn gagn case la drog. » Shazia se rappelle qu’après deux heures de fouilles, trois femmes officiers l’ont emmenée au bureau du MCIT et lui ont fait comprendre que sa sœur Adiila avait également été arrêtée. « Mo fine gagne enn blank ek mo fine pense Allah ek mo mama sa lerr la. »
« Mo lemond finn ecrouler… »
Vers 4 heures du matin, les deux sœurs ont été emmenées devant une table remplie de paquets contenant de la drogue. « Zot dir nou ki sa pou nou sa ek zot dir finn gagne sa plizir place », raconte Shazia. La gorge sèche sans une gorgée d’eau, les deux sœurs ont expliqué aux officiers qu’elles n’étaient pas impliquées dans aucun trafic de drogue. Mardi matin, le 12 septembre, vers 5h30, alors que le muezzin faisait l’appel à la prière, Shazia et Adiila sont emmenées dans deux cellules différentes pour être incarcérées. « Sa moment la, mone senti mo lemond finn ecrouler », avance Adiila comme traumatisée encore par ces événements.
Par la suite, elles sont emmenées dans deux tribunaux différents pour faire face à une charge de « Conspiracy of Concealing Drugs » et la police a objecté à leur remise en liberté conditionnelle. « Lerla ki nou ale kompren ki danzer lor nou ek kouma nou lavi ek lavi nou zenfan kapav baskiler », disent-elles. Sans manger pendant presque trois jours et se contentant d’une bouteille d’eau, Shazia et Adiila ont demandé à leur maman de leur faire parvenir leurs tapis de prière, leurs hijab et d’autres livrets islamiques. « Nou finn verse larme, nou finn ploré avek Allah dan sijda ek nou finn dir Allah ki nou innocent ek nou pe demande So protection », font-elles ressortir et d’ajouter : « nou finn fer Tahajjud dan prison pou dir Allah ki si Li finn desann pou ekout nou, alor rann nou nou l’honneur ek pa rezet nou du’as ek protez nou mama ki ena 72 ans. »
Se rapprocher du Créateur
Shazia et Adiila disent que durant leurs 12 jours d’incarcération, seule leur maman leur faisait parvenir de la nourriture chaque jour. En outre, elles laissent entendre que ces 12 jours les ont rapprochées du Créateur. « Sak zour, nou pe gagn presentima ki nou pou etre liberer. Allah ti pe ekout nou du’as », soutiennent-elles. Durant le week-end, elles ont appris que selon le rapport du FSL, le contenu des colis retrouvés n’était pas de la cocaïne ni aucune drogue. C’est à partir de là qu’elles ont commencé à respirer et leurs avocats ont entamé une demande devant la cour de Mahébourg et celle de Flacq pour que la MCIT produise le rapport du FSL au plus vite.
Ce vendredi 22 septembre, avant la Salât-ul-Jummah, les magistrats ont accordé la caution aux deux sœurs quand la MCIT a produit une copie du rapport du FSL en cour. « Kan finn liberr nou, nou finn lev lamé au ciel ek nou finn remercier Allah. Nou mama finn verse boukou larme akoz sa zafer la mé li finn dir nou ki Allah pa Injuste », laissent-elles entendre.
Adiila et Shazia disent que « nou liberté, c’est enn miracle d’Allah » et à présent, elles ne comptent pas rester les bras croisés. Elles vont entamer des poursuites pour diffamation contre plusieurs groupes de personnes qui ont terni leur image. Une motion pour la radiation des charges a été déposée en cour et sera débattue le 5 octobre 2023.
Réactions des avocats
Me Shameer Hossenbaccus: « La MCIT doit être équipée de ‘test kits’ »
Me Shameer Hossenbaccus, qui représentait les intérêts de Shazia Oozeerally, estime qu’il est malheureux que le système permette toujours de priver la liberté à un individu sur la base d’allégations infondées. « Tout cela aurait pu être évité si la MCIT était équipée de kits pour effectuer un test préliminaire de drogue. La FSL a confirmé que les substances ne sont pas de la cocaïne et ne contiennent aucune drogue contrôlée sous la Dangerous Drug Act », dit-il. Il fait remarquer que les répercussions sont énormes, non seulement sur sa cliente, mais aussi sur ses enfants, sa maman et ses proches.
Me Nadeem Hyderkhan : « Malheureux que des innocents soient incarcérés »
Me Nadeem Hyderkhan, avocat d’Adiila Ozeerally-Salaroo, confirme que la police a établi que les substances retrouvées ne sont pas de la drogue et que sa cliente n’avait aucune charge à répondre devant la cour de Flacq. Il dit attendre la position du DPP lorsque l’affaire sera appelée le 5 octobre. « Il est malheureux que des innocents soient incarcérés sur de simples allégations de la part de quelqu’un qui n’a pas une bonne réputation (NDLR : Hussein Abdool Rahim) et qui a un dossier devant la justice », dit-il.