Confinement, fermeture des écoles, quotidien bouleversé, atmosphère incertaine… Voilà à quoi font face nos enfants depuis 2020 ! La crise sanitaire liée à la pandémie de la Covid-19 a certainement eu des effets majeurs sur la santé mentale des enfants.
Les confinements et les arrêts des cours ont certes permis d’avoir un certain rapprochement avec les parents et un accroissement du temps des loisirs. Mais toujours est-il que les enfants, et surtout les plus jeunes, vivent des moments qui peuvent leur être difficilement expliqués. Sharmeem, une jeune maman en télétravail nous avait d’ailleurs récemment confié : « comment puis-je expliquer à mon enfant de 2 ans que je travaille de la maison à cause de la pandémie ? Pour lui, avoir sa maman à la maison est synonyme de temps d’amour, de partage et de loisirs ? »
Il est important de savoir que la pandémie influe également sur le moral des plus petits. Un rapport de l’Unicef datant du mois d’octobre 2021 stipule que les enfants et les jeunes pourraient ressentir les effets de la Covid-19 sur leur santé mentale et leur bien-être pendant de nombreuses années. La directrice générale, Henriette Fore, a déclaré que les 18 mois qui viennent de s’écouler ont été très longs pour nous tous, mais surtout pour les enfants ». « En raison des confinements nationaux et des restrictions de déplacements liées à la pandémie, les enfants ont perdu un temps précieux, en passant des années loin de leur famille, de leurs amis et des salles de classe, sans pouvoir se consacrer à des activités extrascolaires. Ils ont ainsi été privés de certains aspects pourtant essentiels de l’enfance », a-t-elle notamment fait ressortir dans le rapport.
Ainsi, les conséquences de la pandémie sont considérables et son impact sur les enfants, est malheureusement négligé. Mais pour de nombreux spécialistes, en ce temps de crise, la communication ouverte et empathique avec les enfants est la chose la plus importante. Pour eux, il est essentiel de leur rappeler que cette épopée aura une fin, que les crises nous permettent bien au contraire de nous souder et de développer une nouvelle solidarité. « Apprenons à nos enfants, qu’en ce moment, nous faisons tous du mieux que nous pouvons et que nous devons aussi nous focaliser sur notre bien-être psychologique », recommandent-ils.
Azleenah Beelut-Soogun, mère de famille : «Nos enfants sont beaucoup plus forts que nous ne voulons le croire»
Azleenah Beelut-Soogun, mère de deux garçons de 7 ans et de 3 ans respectivement, fait face à la pandémie en essayant de faire de son mieux. Elle nous raconte qu’à l’annonce du premier confinement, son fils de 7 ans avait déjà entendu du coronavirus dans son milieu scolaire. Mais le fait de rester à la maison et de ne pas pouvoir rencontrer ou parler aux membres proches de sa famille a été difficile pour lui. Il s’est demandé « pourquoi ne peut-on pas aller voir grand-mère, grand-père ou mes tantes ? »
La jeune maman nous explique que ceci a été son premier défi : lui expliquer l’ampleur de ce virus. Azleenah Beelut-Soogun a ainsi choisi de lui dire la vérité. « Je lui ai dit que ce virus est mortel et ne ressemble pas à un simple rhume que je pourrais guérir. De plus, j’ai dû lui faire comprendre qu’il avait un petit frère à la maison et donc que nous devons tous nous protéger », raconte-t-elle. Ainsi pour sensibiliser son jeune enfant, elle a été amenée à lui parler de sujets sensibles comme la mort ou la possibilité de perdre un proche.
Capacité à s’adapter
Elle admet que cette pandémie a chamboulé la vie sociale et quotidienne de son fils mais elle a été impressionnée par la compréhension dont il a fait preuve malgré son âge. « Nous ne donnons pas assez de crédit aux enfants mais moi, je trouve qu’ils sont en mesure de s’adapter très vite aux situations changeantes. D’ailleurs, je l’ai vu de mes yeux, la capacité de s’adapter de mon aîné m’a agréablement surprise. Les enfants sont beaucoup plus forts que nous ne voulons le croire », dit-elle. Notre interlocutrice ajoute qu’elle continue à témoigner de cette sensibilité et de cette compréhension chez son fils aîné. « Ma sœur est en Afrique du Sud et au téléphone, il lui a dit qu’elle devrait faire plus attention, car là-bas, il y un virus plus dangereux », confie Azleenah Beelut-Soogun.
Toutefois, elle avoue que la pandémie a eu un impact psychologique sur ses enfants surtout le plus âgé, car il a développé certaines habitudes. Selon ses dires, il refuse désormais de sortir sans son masque, le portant même dans la voiture et il insiste pour aller se laver s’il a rencontré une personne étrangère par peur d’attraper le coronavirus. « J’ai remarqué, qu’en des rares fois où il a été au supermarché, il a pris des lingettes pour essuyer et désinfecter le panier ou le caddie », laisse entendre la mère de famille.
Diverses activités
Parallèlement, selon Azleenah Beelut-Soogun, le sentiment d’être séquestré est réel chez les enfants et elle nous fait part que son plus fils de 3 ans voulait sortir, car il est un enfant actif. « Il voulait sortir, aller faire un tour à Bagatelle par exemple. Nous habitons tout près d’un grand jardin et il ne comprenait pas pourquoi tout d’un coup, on lui refuser cette sortie banale », ajoute-t-elle. Elle admet qu’elle a dû innover en termes d’activités pour divertir ses enfants – jardinage, pâtisserie, poupées, jeux de société ont été au programme. Elle est d’avis que l’enfance de nos bambins d’aujourd’hui ne ressemble en rien à ce que la génération précédente vécu. Leur parcours académique a aussi connu un changement drastique et la pandémie a changé la donne pour eux.
Néanmoins, elle dit avoir noté, que finalement, en tant que parent, la peur ressentie par son fils est un reflet de ce qu’elle ressentait elle-même. En tant que maman, elle a vécu cette pandémie avec une frayeur dans les entrailles – la frayeur de perdre un proche ou de voir infecter ses fils – et elle a développé une anxiété et cela a eu des répercussions d’une certaine manière sur eux. Mais, elle nous confie une dernière chose : « mon fils aîné m’a appris la résilience et un certain optimisme, car je l’ai vu à son jeune âge, apprendre à vivre dans ce monde pandémique. Il s’est habitué à cette nouvelle routine. »
Azeemah Beeharry, spécialiste en psychologie appliquée : «Une bonne partie de l’angoisse de l’enfant découle de celle du parent»
La psychologue Azeemah Beeharry, qui s’est spécialisée en psychologie appliquée, met l’accent sur le rôle des parents en cette période de crise sanitaire. Elle répond à nos questions.
Comment aborder le sujet de la pandémie avec les enfants ?
Premièrement, nous devons absolument parler de la situation de crise avec les enfants, car ils perçoivent que la situation autour d’eux n’est pas normale. Hors de la situation pandémique, ils voyaient probablement leurs parents aller au travail mais peut-être que présentement ces derniers sont beaucoup plus à la maison en télétravail. Il faut expliquer de manière simple et directe à l’enfant au sujet du coronavirus, sans pour autant toucher des aspects qui peuvent le traumatiser. Il faut ensuite lui demander ce que lui-même retient de l’explication, ce qu’il en pense et ce qu’il ressent.
Il semblerait que les enfants souffrent de plus en plus d’angoisses de mort. Comment réagir face à cela ?
La Covid-19 a menacé un aspect bien important dans le bon développement de l’enfant – il a besoin d’un environnement où il se sent en sécurité pour s’épanouir. Il faut prioritairement le rassurer et limiter son exposition aux sources d’informations anxiogènes, par exemple, un jeune enfant n’a pas la nécessité de connaître le nombre de morts quotidiennement. Un parent peut faire en sorte de diminuer ces angoisses, en insistant sur le fait que si nous respectons les règles et les protocoles sanitaires, alors nous sommes beaucoup plus protégés du virus. Parler du concept de la mort, dépendra beaucoup de l’enfant en lui-même ; cela dépendra de sa maturité cognitive et de son développement émotionnel.
Les enfants sont-ils des reflets de ce que ressentent leurs parents ?
Effectivement, les enfants sont des éponges et ils absorbent les sentiments et les émotions qu’ils perçoivent autour d’eux et ils finissent par l’internaliser. On est conscient que les adultes font face à beaucoup de défis en ce moment – perte d’emplois, situation financière instable, perte d’un proche en raison de la Covid-19 – et ceci fait qu’eux-mêmes ont, pour le moment, une santé mentale fragile. Forcément, leurs enfants ressentent cette fragilité et ils finissent par développer une peur interne. Une bonne partie de l’angoisse de l’enfant découle de celle du parent.
Quels sont les effets psychologiques ou physiques sur les enfants ?
Beaucoup d’enfants vivent avec une incertitude depuis le début de la pandémie. Des sentiments de confusion et de perte ont été constatés chez eux, par exemple, ils ne savent toujours pas ce qui adviendra d’eux, de leurs proches, de leur scolarité ou des examens. Alors, ces sentiments sont finalement visibles à travers des symptômes qu’ils ressentent. Les plus jeunes souffrent de maux de tête ou de ventre, de perte d’appétit, de cauchemars ou de sautes d’humeur. On note chez les plus âgés une utilisation accrue des réseaux sociaux. Il est impossible pour eux de se projeter dans l’avenir à cause de la situation instable. On remarque aussi que les plus jeunes ont de moins en moins d’opportunité de socialisation.
Justement, avec moins de socialisation, avez-vous noté que les enfants sont plus hostiles/turbulents/perturbés ?
Il est normal de noter ce changement chez les enfants. Ils ont de l’énergie emmagasinée en eux et ils ne peuvent pas la dépenser étant enfermés entre quatre murs. C’est pour cette raison que nous voyons des enfants qui sont frustrés et hostiles. Il appartient aux parents de reconnaître et d’accepter ce sentiment et ensuite de remédier à la situation.
Que peut-on faire pour atténuer les angoisses et aider les enfants ?
Les enfants ont besoin de parler à d’autres enfants, car cette conversation leur est bénéfique. Un enfant a besoin de ce lien social autant qu’un adulte. Donc, un parent peut aider en communiquant avec lui et en facilitant la communication avec ses amis. Il peut utiliser les supports technologiques pour lui permettre de parler à ses amis régulièrement pendant une durée déterminée. Ensuite, avec la pandémie, un retour vers des activités d’antan est inévitable. Nous ne pouvons plus sortir normalement, alors faisons un retour vers les jeux de société en famille, vers le jardinage, la cuisine en famille, la méditation, etc.
Voyez-vous cette année scolaire comme une année normale ?
Cette année scolaire a été une fois de plus frénétique pour nos enfants et presque chaotique. Leur apprentissage a été irrégulier et interrompu à de multiples reprises. Autant que possible, il faut alléger leur charge de travail. Les examens ne sont pas pour le moment la priorité du jour et les écoles peuvent exceptionnellement faire preuve de compréhension en ce temps de pandémie. Quant aux examens du SC et du HSC, nous savons que nous parlons d’examens internationaux et qu’ils ne peuvent être renvoyés, alors nous pouvons faire de notre mieux pour aider ces jeunes.
Les parents ayant des enfants souffrant de handicaps mentaux ou physiques éprouvent-ils plus de difficulté avec la crise sanitaire ?
Evidemment que ces parents et leurs enfants vivent la crise plus difficilement. Premièrement, on ne peut qu’expliquer primairement la situation à ces enfants, car ne nous voulons pas les effrayer. Ensuite, les parents se sentent isolés en ce temps de pandémie, car leurs enfants ne peuvent plus se rendre dans leur centre respectif. Pour ces enfants, leur centre devient un foyer où ils sont aimés, choyés et ne sont pas victimes de jugements. Un bon nombre d’ONG et de centre d’aide et de support ne peuvent plus les accueillir et les enfants n’ont pas accès à leur thérapie comme en temps normal. Le coronavirus a chamboulé la routine des enfants en situation de handicap et a compliqué une situation déjà complexe.