L’interdiction de porter le hijab pour pouvoir suivre une formation à l’institut Escoffier à Kendra, Saint-Pierre, soulève un tollé depuis une semaine. Plusieurs organisations musulmanes ont pris position en faveur de Shalma Auckbaraullee, qui fait face à une discrimination flagrante.
Tout commence quand Shalma Auckbaraullee, qui porte le hijab, a décidé de renforcer ses qualifications avec un MBA en Management du Luxe et Marketing de l’institut Escoffier. Lors de ses démarches pour ce programme, elle fait face à la discrimination en raison de son hijab. En effet, dans un courriel en date du 28 juin 2024 signé par le Commercial Manager de l’institut Escoffier, il est écrit que : « As the institut Escoffier is a secular school, wearing of the head scarf is prohibited on school premises as per our grooming policy. »
Shalma Auckbaraullee ne se laisse pas faire et envoie un courriel le 27 juin 2024 au Commercial Manager pour lui demander : « Just want to clarify something. I can’t wear my head scarf ? » Initialement, Shalma n’avait pas l’intention de recourir à une action en justice, mais elle a finalement choisi Shakeel Mohamed, un avocat de son quartier qui l’a approchée pour prendre en charge son affaire.
Soutien des Mauriciens
Shalma Auckbaraullee laisse entendre que pour la première fois, elle a ressenti un débordement d’amour et de soutien, et elle se sent désormais mauricienne et membre de la communauté. Elle dit avoir trouvé du réconfort dans l’afflux inattendu de solidarité venant de diverses personnes de différentes confessions, institutions variées, partis politiques divers, et de travailleurs sociaux à travers Maurice, renforçant sa foi en l’unité mauricienne.
Shalma Auckbaraullee raconte qu’après avoir reçu le courriel d’Escoffier, elle s’est rendue sur les réseaux sociaux pour partager cette expérience inattendue à travers un blog et aussi sur la page de son ONG « La Main dans La Main ». « Je ne m’attendais pas à ce que ce post prenne une telle ampleur. La réponse massive comprenait le soutien de diverses communautés à Maurice et au-delà : avocats, influenceurs, mosquées et individus de diverses confessions et affiliations politiques se sont mobilisés en soutien à ma cause », avance-t-elle. Shalma demeure déterminée à lutter pour la justice et à être la voix de ceux qui font face à la discrimination en raison du port du voile.
Une quête de connaissance
Née à Londres, Angleterre, et élevée au Canada par des parents mauriciens qui ont immigré en Angleterre à la fin des années 1960 avant de s’installer au Canada dans les années 1970, Shalma Auckbaraullee a forgé son parcours académique avec un diplôme en Marketing/Commerce et une Maîtrise en Administration des affaires. Elle s’est également spécialisée avec une certification dans divers rôles professionnels tels que l’enseignement Montessori, le conseil en planification financière et le coaching de vie. Avant son immigration à Maurice, elle a joué un rôle prépondérant au sein du Conseil des femmes de Mississauga, Ontario, défendant l’émancipation des femmes dans le secteur des affaires.
Installée à Maurice depuis 2019, elle a jonglé entre son rôle d’épouse et de mère ainsi que celui de responsable des opérations dans une entreprise externe, tout en s’investissant dans son travail bénévole pour « La Main dans La Main ». En 2022, son Hadj à La Mecque a marqué un tournant personnel important, l’incitant à adopter publiquement une tenue modeste tout en conservant un style de vie moderne, reflétant un engagement spirituel profond.
Shalma estime que son retour sur le marché du travail à Maurice a été marqué par des défis, car de nombreuses entreprises la jugent surqualifiée. « Mais les entreprises préfèrent jouer la carte de la discrimination en disant que ma tenue vestimentaire ne correspondait pas à leur culture », conclut-elle.
The Muslim Footprint : «Nous n’accepterons pas cette nouvelle forme de colonisation»
Des explications ainsi que des rectifications sont demandées par The Muslim Footprint, qui s’est exprimé dans un communiqué émis cette semaine, partageant sa tristesse face à la position prise par l’Institut Escoffier à l’égard de Shalma Auckbaraullee.
« Le refus de cette institution envers une élève en raison du port du voile est discriminatoire à nos yeux. Nous exigeons des explications ainsi que des rectifications afin d’empêcher une institution d’imposer ses règles dans un pays multiculturel », peut-on lire dans le communiqué.
The Muslim Footprint déclare ne pas pouvoir rester indifférent face à cette situation. « Nous tenons à rappeler à l’institut en question que l’île Maurice prône la tolérance, le respect et l’égalité des chances, quelles que soient la croyance ou la culture. »
La plateforme estime que le refus de l’institution de permettre le port du voile équivaudrait à une forme de colonisation. « Notre constitution défend les intérêts de tous les citoyens, garantissant la pratique religieuse sur notre territoire. Nous n’accepterons pas cette nouvelle forme de colonisation, car notre tourisme est composé de nationalités diverses, chacune avec ses spécificités respectives. »
Zayd Imamane appelle au boycott
Lors du sermon du vendredi cette semaine, plusieurs imams ont dénoncé cette discrimination et ont cité le Quran pour justifier le port du hijab. Ils ont fait ressortir que le hijab est un moyen de préserver la dignité de nos sœurs et leur honneur. Le prêcheur Zayd Imamane, dans son sermon, a fait ressortir que « la loi du hijab n’est pas la loi du port de casque intégral ».
« Toi musulman, to encore trouve toi kapav assizer dan enn place coumsa pou manger ? To kapav support sa ? » C’est l’appel de boycott lancé par Zayd Imamane. Il trouve inacceptable qu’une société étrangère vienne violer le droit religieux des Mauriciens. « Dan Maurice pa gagne droit touche droit religieux kan il s’agit enseignma ou travay », fait-il ressortir. Il lance une question pertinente à la direction de l’Institut Escoffier : « Si enn tifi ou madam met hijab paie toi à la caisse, to prend so kas ? »
Par ailleurs, plusieurs organisations ont décidé de se liguer pour faire comprendre à l’institut que la constitution à Maurice garantit la liberté religieuse. « Cette affaire de discrimination ne s’arrêtera pas là et une décision est attendue. Une manifestation pacifique n’est pas à écarter », avance un travailleur social très connu.