Thursday , 28 March 2024
Shamshir Mukoon

Shamshir Mukoon, directeur-général (p.i) du CEB : «Il est prématuré de parler d’une hausse des tarifs»

Le cours du pétrole a augmenté cette semaine et on doit s’attendre à d’autres hausses vu l’instabilité géopolitique au Moyen-Orient. Mais le directeur-général par intérim du Central Electricity Board (CEB), Mohammed Shamshir Mukoon, estime qu’à l’heure actuelle, une hausse des tarifs d’électricité n’est pas à l’ordre du jour. Dans l’entretien qui suit, il parle aussi des projets d’énergies renouvelables qui sont en chantier.

Le Home Solar Project a été lancé, jeudi 17 mai 2018, à Cascavelle. Combien de foyers seront concernés dans un premier temps ?
Il faut avant tout comprendre que c’est un projet à long terme. Nous visons 10,000 foyers dans les cinq prochaines années, soit 2000 par an. Comme nous sommes déjà au milieu de l’année, nous allons faire 1000 installations jusqu’à décembre. C’est un projet qui vise essentiellement à aider les personnes qui se trouvent au bas de l’échelle sociale et dont la consommation mensuelle en énergie ne dépasse pas les 85 unités. Ces personnes tombent ainsi dans la catégorie du tarif 110 A. Le CEB avait établi une liste de potentiels bénéficiaires selon le registre social du ministère de la Sécurité sociale.

 «Environ 70, 000 foyers font partie de la catégorie du tarif social 110A.»

Pouvez-vous nous expliquer le fonctionnement de ce projet ?
Le fonctionnement est relativement simple. Le système comprend l’installation de quatre panneaux photovoltaïques d’une capacité d’un kilowatt chacun pour un total de 2 mégawatts sur le toit des maisons. C’est un système de production d’électricité de basse tension. Ces panneaux peuvent produire jusqu’à 100 unités d’électricité par mois. 50 unités sont offertes gratuitement aux bénéficiaires alors que les 50 autres reviennent au CEB. Si la personne ne dépasse pas la limite autorisée, elle n’aura rien à payer. C’est un projet viable qui vise à rétablir l’équilibre social dans le pays.

Le bénéficiaire devra-t-il dépendre uniquement de l’énergie solaire ?
Non. Pas du tout. Le bénéficiaire reste connecté au réseau du CEB. Ce système est basé sur l’exploitation de l’énergie solaire et ne comprend pas le stockage de l’électricité dans des batteries. C’est-à-dire que l’électricité est générée aussi longtemps que les photovoltaïques captent l’énergie solaire. Mais le soir, la maison est alimentée en électricité par le réseau du CEB. Je tiens à souligner qu’à Maurice, nous avons environ 70,000 foyers qui tombent dans la catégorie du tarif social 110A. Nous avons dû faire une sélection et un tirage au sort par ordinateur pour établir la liste des premiers bénéficiaires.

«Nous avons du mal à récupérer de la bagasse car la canne à sucre commence à disparaître.»

Vous dites que le CEB compte atteindre 2000 foyers dans un an. Est-ce possible selon vous ?
Bien sûr. C’est tout à fait réalisable. Nous avons déjà commandé les équipements nécessaires et les premiers 1000 panneaux et autres câbles vont arriver incessamment. D’ailleurs, nous avons créé la CEB (Green Energy) Co. Ltd à cet effet. Cette filiale du CEB vise à promouvoir l’exploitation des énergies renouvelables, en particulier l’énergie solaire, pour la production d’électricité. La (Green Energy) Co. Ltd travaille actuellement sur plusieurs projets y relatifs.

Quel est le coût du Home Solar Project ?
C’est un projet qui nous coûte entre Rs 35,000 à Rs 50,000 par maison. Cela comprend les panneaux photovoltaïques, les inverters ainsi que tous les équipements nécessaires pour l’installation du système. C’est un investissement assez coûteux et il faut aussi dire que le prix des panneaux solaires a baissé. Sinon, cela aurait coûté beaucoup plus cher.

Pourquoi le CEB tient tant à se tourner vers l’énergie renouvelable ?
Le CEB agit selon la politique établie par le ministère de l’Énergie et des Utilités publiques. C’est la volonté du gouvernement de se tourner de plus en plus vers l’énergie renouvelable. Dans le Policy Document, il est clairement indiqué que c’est l’objectif du gouvernement d’utiliser 35% d’énergies renouvelables d’ici 2025. À présent, nous exploitons plusieurs sources d’énergie renouvelable telles que le solaire, l’énergie éolienne ainsi que la bagasse, entre autres. Tout cela représente environ 22%. Or, seulement 1,5% à 2% représente l’exploitation de l’énergie solaire pour la production de l’électricité. Le chemin est long mais nous sommes déjà à pied d’œuvre pour atteindre notre objectif.

«Si le prix du baril dépasse les 100 dollars, je crains que nous n’ayons pas le choix que celui d’augmenter les tarifs.»

Est-ce réalisable jusqu’à 2025 selon vous ?
2025, c’est dans 7 ans. C’est court mais nous avons la possibilité de réaliser plusieurs choses. Nous avons plusieurs équipes de différents départements qui travaillent d’arrache-pied pour atteindre cet objectif. Mais il faut comprendre qu’il y a aussi plusieurs facteurs qui sont hors de notre contrôle comme le prix du pétrole par exemple. Quand le prix du pétrole est stable, nous arrivons à générer des bénéfices que nous investissons dans divers projets. Au cours de ces dernières années, le prix du pétrole était bas et nous avons pu investir beaucoup d’argent dans des projets d’énergie renouvelable.

Pensez-vous qu’un jour Maurice pourrait dépendre complètement d’énergies renouvelables ?
Avec le progrès technologique, nous avons la possibilité de découvrir d’autres moyens de générer de l’électricité à partir d’énergies renouvelables. Nous devons aussi mettre au point de nouvelles technologies pour le stockage de l’énergie dans des batteries. Pour l’instant, les batteries coûtent énormément cher mais c’est une technologie qui est appelée à évoluer. Je ne dis pas que ce n’est pas réalisable mais peut-être dans le long terme nous pourrions dépendre sur les énergies renouvelables. Mais nous avons du mal à récupérer de la bagasse car la canne à sucre commence à disparaître et nous avons déjà exploité tous les sites pour l’implantation des stations hydrauliques. Il reste néanmoins l’énergie éolienne que nous pouvons encore exploiter. Nous avons une ferme éolienne de 9 mégawatts à Plaine-des-Roches et une autre de 29 mégawatts à Plaine-Sophie. Nous étudions également la possibilité d’ériger des éoliennes en mer. L’étude est en cours.

Qu’en est-il de la production d’électricité au gaz naturel liquéfié ?
Le CEB a déjà lancé l’exercice d’appel d’intérêt. Dix compagnies internationales se sont manifestées et nous les avons invitées à venir faire montre de leur savoir-faire et des systèmes qu’ils utilisent. D’ici quelques mois, nous aurons une idée précise de la direction à prendre. Des consultants travaillent sur le design du projet. Nous sommes aussi en train d’évaluer les options et le coût d’investissement. C’est un projet qui se fera en deux phases. En premier lieu, nous allons installer des turbines qui seront alimentées par le diésel et une fois le système du gaz liquéfié mis en place, le diésel sera remplacé par le gaz.

Nous ne pouvons ne pas parler de la hausse du prix du pétrole. Il est certain que les tarifs d’électricité vont augmenter, n’est-ce pas ?
Au CEB, nous avons une structure bien définie en ce qui concerne les tarifs à appliquer. Au cours de ces dernières années, les tarifs d’électricité ont été relativement bas. La dernière augmentation a eu lieu en 2010. En dépit de cela, nous avions pu générer des bénéfices que nous avons investis dans plusieurs projets comme celui à la station de Saint-Louis par exemple. Avec la hausse du prix des produits pétroliers, il est clair que nous allons accuser une baisse de nos bénéfices. Nous allons peut-être devoir réduire l’investissement mais il est prématuré de parler d’une hausse des tarifs. Néanmoins, si le prix du baril dépasse les 100 dollars, je crains que nous n’ayons d’autre choix que d’augmenter les tarifs d’électricité. Ce sont des facteurs qui sont malheureusement hors de notre contrôle.

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