Nasser Moraby, président de l’Association des propriétaires de boulangeries, et Iqbal Diouman, propriétaire d’une boulangerie dans le Sud du pays, s’expriment sur le prix du pain maison.
Nasser Moraby : «On n’arrive plus à joindre les deux bouts»
En quoi consiste l’ultimatum du 30 juin quant à l’arrêt de fabrication des « scheduled bread »?
Cela veut dire qu’on produira des pains non contrôlés comme dans les supermarchés et les hypermarchés, car on n’arrive plus à joindre les deux bouts avec les « scheduled breads ».
Un prix réclamé à Rs 4.09 pour un pain maison…n’est-ce pas un peu exagéré?
Notre costing a été fait par des experts-comptables pour arriver à Rs 4.09. Tout est calculé sou par sou. Ce n’est pas difficile, car tout est fixé par le ministère du Commerce : le prix du pain, le poids, le prix de la farine, le diesel, la quantité de pains par sac de farine de 50 kg, etc. N’oublions pas les salaires de nos employés sans compter le prix des autres intrants qui augmente tous les trois mois.
Vous avez conscience qu’une hausse mettra en difficulté des familles au bas de l’échelle?
Bien sûr. On est conscient que toute augmentation des prix affecte les personnes au plus bas de l’échelle sociale. C’est nous qui avons proposé, dans un passé récent, au gouvernement d’augmenter les subventions sur la farine pour qu’il n’y ait pas d’augmentation des prix. Malheureusement, avec toutes les augmentations des prix – l’essence, le diesel, etc. – durant les six derniers mois, notre coût de production a aussi subi une hausse.
Que va-t-il se passer si le ministère campe sur sa position ?
Sans une augmentation du prix du pain, nous allons tout droit à la fermeture de notre boulangerie.
Iqbal Dioumane : «Nos profits ne se résument pas à la hausse du prix»
Pour quelles raisons êtes-vous contre l’arrêt de fabrication des « scheduled breads » ?
Je ne fais qu’exprimer les appréhensions de beaucoup de propriétaires de boulangeries des régions du sud et autres régions rurales concernant une telle décision. Les boulangeries se trouvant dans les régions rurales produisent principalement des « scheduled breads » qui sont largement consommés par les habitants. Donc, cesser la production de ces pains aura un impact négatif sur les boulangeries des régions rurales. Beaucoup mettront la clé sous le paillasson alors que d’autres l’ont déjà fait. Cela dit, je suis tout à fait d’accord dans le fond qu’une augmentation du prix du pain est « long overdue ». Dans la forme, il est impératif d’être très prudent. Une stratégie commune est impérative.
Vous ne subissez pas l’impact de la hausse des intrants?
On est tous affecté par la hausse des prix que ce soit pour le carburant ou autre. Mais je voudrais faire ressortir qu’il est nécessaire de trouver des solutions afin de réduire notre coût de production. On doit dans le même souffle reconnaître que l’augmentation de la subvention sur la farine nous permet de souffler.
Si hausse il devait y avoir, à combien devrait se vendre un pain maison ?
La profitabilité d’une boulangerie ne se résume pas qu’à une hausse du prix du pain uniquement. Le « light industry » qu’est une boulangerie mérite plus. Plusieurs autres questions méritent d’être posées. Avons-nous une école de Boulangerie digne de ce nom ? Pourquoi nos jeunes ne sont pas intéressés par ce secteur ? N’est-ce pas ironique que la majorité des employés sont des Bangladais alors que le Bangladesh est un pays à faible consommation de pain ? Donc, pour assurer notre survie, il est temps de dégager un plan stratégique pour le bien de tous.
Des consommateurs inquiets
Mazia Peerbux : « Un impact négatif sur d’autres secteurs »
Ancienne marchande de pains fourrés, Mazia Peerbux est d’avis qu’une hausse du prix du ‘pain maison’ aura un impact négatif sur les commerces. « Mon époux est le seul gagne-pain de la famille et moi j’ai cessé de travailler, car justement les affaires ne marchaient plus. Je vendais des pains fourrés mais le travail a été durement impacté par depuis le confinement. Les clients ne peuvent plus se permettre de consommer chaque jour des pains fourrés. Je pense donc qu’une hausse éventuelle aura un impact négatif sur les marchands de pains fourrés et autres secteurs », dit-elle.
Zeenat Roheemun : « Une hausse affectera les familles vulnérables »
Mère de trois enfants, Zeenat Roheemun estime qu’une hausse du prix des « scheduled breads », comme le pain maison, affectera les familles vulnérables. « J’achète sept pains maisons par jour. C’est la nourriture de base de nombreux Mauriciens et les enfants en consomment pour leur déjeuner à l’école. Des fois, pour éviter le gaspillage, nous les consommons pour le dîner. La vie est déjà très difficile avec la hausse des prix de plusieurs commodités. Une hausse du prix du pain viendra compliquer la tâche des familles vulnérables », avance-t-elle.