L’incapacité du principal importateur de bétail d’assurer un nombre suffisant de bœufs cette année pour le Qurbani, a provoqué une pénurie sur le marché, ce qui a fait grimper les prix. Chez certains revendeurs, les bœufs se vendent jusqu’à Rs 300 le kilo alors que le prix a été fixé à Rs 174 le kilo par le gouvernement.
Accomplir le Qurbani cette année risque d’être quelque peu compliqué. En cause, un nombre insuffisant de bœufs sur le marché. Alors que la demande moyenne pour le Qurbani, dans le cadre de l’Eid-ul-Adha, tourne autour de 5500 têtes de bétail, le principal importateur, Socovia (Belle Vue) Ltée, ne serait parvenu à importer qu’entre 4800 et 4900 têtes. C’est ce qu’a indiqué un porte-parole de la société au courant de la semaine. « Nous devions recevoir une autre cargaison de bétail, mais avec la détection de plusieurs cas de fièvre aphteuse en Afrique du Sud, il n’est plus possible d’en importer davantage. Il se peut donc que nous manquions de quelques centaines de têtes », avait-il fait ressortir.
Et sur les 4800 à 4900 têtes, le porte-parole avait indiqué que la quasi-totalité avait déjà trouvé preneurs car, dit-il, les réservations se font habituellement très tôt. « La difficulté à se procurer des bœufs est évidente », concède le porte-parole.
Par avion
Au ministère de l’Agro-industrie, on dit suivre la situation de près. « Quoi qu’il en soit, il ne sera pas possible d’importer des animaux des régions touchées par la fièvre aphteuse, à l’exception des régions dépourvues de cas. Là encore, les animaux devront être importés par avion, car les animaux en bonne santé ne peuvent pas passer par les régions touchées », indique une source.
À cet effet, la compagnie Ubora Ventures Ltd a obtenu les permis nécessaires pour pouvoir importer jusqu’à 300 bœufs. À ce jour, une centaine est arrivée par avion de l’Afrique du Sud. « L’intention est de pouvoir importer quelques têtes pour nos consommateurs. (…) Nous faisons le maximum afin de soulager la population », indique Moujaahiid Samoo, son directeur. Il précise que sa compagnie privilégiera les acheteurs qui acquièrent un animal en groupe. « Nou pa pou vend bef individuelment pou enn personne. Nou pou rod majorité ban ki pe fer part pou nou diminuer 7 dimoune. Nou finn amen 100 bef, c’est donc 700 dimoune ki pou ressi fer Qurbani », dit-il.
Pénurie
Ce manque de bétail sur le marché n’a pas manqué de provoquer une ruée chez quelques revendeurs qui s’étaient approvisionnés en bétail auprès du principal importateur avant que le problème de fièvre aphteuse en Afrique du Sud ne survienne. Plusieurs personnes ont contacté la rédaction pour dénoncer la pratique de prix abusifs par certains revendeurs. « Je suis allé chez un revendeur. Il m’a dit Rs 245 le kilo. Mo leker ti kapav areter. Je lui ai dit que le gouvernement a fixé le prix à Rs 174. Il m’a répondu qu’il avait trop de demandes, c’est pourquoi ils ont augmenté leurs prix », dénonce Nasser B.
Feisal K., un habitant de Phoenix, soutient qu’un revendeur lui a proposé un bœuf à Rs 280 le kilo. Selon lui, à ce prix, ses proches et lui ne pourront malheureusement pas faire le Qurbani cette année. « Plus de Rs 200 le kilo, ce n’est pas possible. C’est triste, car chaque année, mes frères et moi achetons un animal et nous l’abattons chez nous », dit-il, résigné. Il ne manque toutefois pas de déplorer l’attitude de certains revendeurs. « Certains profitent de la situation pour faire des gains exagérés. Pourtant, ce sont des musulmans comme nous. Ils ne devraient pas oublier qu’ils devront rendre des comptes », rappelle-t-il.
Une bande sonore de 48 secondes circule d’ailleurs sur le réseau social Facebook depuis quelques jours. On y entend une conversation prétendument entre un potentiel acheteur et un revendeur. Ce dernier évoque le prix de Rs 265 le kilo. « Pa tro boukou sa, non ? » lui demande l’acheteur. Le revendeur ne passe pas par quatre chemins et lui lance avec une arrogance décoiffante : « Enn sel prix mamou. Ou interesser ou pren, ou pas interesser laisse li la mem bhai ! » L’acheteur lui demande alors s’il s’agit d’un animal élevé localement. « Non Sudafrik sa », répond le revendeur. Selon ses dires, il s’agirait d’un animal acheté auprès du principal importateur, il y a environ deux semaines. L’acheteur lui fait alors part de sa difficulté de se procurer un animal à ce prix. « Mo koner moi, akoz sa monn met sa prix la, akoz mo tousel mo ena bef la. Au kontrer, monn vann dé zordi, Rs 250 boug la in payer », conclut-il.
Rs 300 le kilo
Asraf K., pour sa part, se dit sceptique quant à l’appel reçu du revendeur auprès de qui il avait déjà réservé deux bœufs et qu’il comptait payer au prix fixé par le gouvernement et pas un sou de plus. « J’ai reçu un appel cette semaine, me disant que les deux bœufs réservés seraient tombés malades et que ceux-ci ne seraient donc pas appropriés pour le Qurbani », dit-il. Cet habitant de la capitale a ainsi été demandé de venir récupérer son acompte. « Je me pose des questions sur la véracité de ses propos. Les bœufs sont-ils vraiment malades ou est-ce que le revendeur a trouvé un acheteur prêt à payer plus ? » s’interroge-t-il.
Ainsi, selon des témoignages obtenus, se sentant en position de force, certains revendeurs n’hésitent pas à demander des prix allant jusqu’à Rs 300 le kilo. Interrogé, un revendeur explique que des acheteurs n’hésitent parfois pas à mettre le prix. « Si certains le font par pure conviction religieuse, une poignée le fait pour l’honneur. Ena dimounn kout ke kout li bizin zet enn bef cot li akoz pou li c’est enn question l’honneur sa. Alor li dispose payer », fait-on comprendre.
Le plus gros problème, cependant, selon notre interlocuteur, ne serait pas le coût. « Kass pa enn problem sa. Seki pli importan, c’est ki zanimo la bizin repone a critere Qurbani. Bef la bizin ena 2 ans. Si ou finn paye gros kass mé ou zanimo pena dé gro ledent divan, ou finn zis koup enn bef, ou pan fer Qurbani », prévient-il.
Prix abusifs
Le Sunniy Ulama & Aimmah Council condamne la malhonnêteté de certains revendeurs
Maulana Shamim Khodadin, président du Sunniy Ulama & Aimmah Council, condamne les prix abusif pratiqués par certains revendeurs. « Bef ki finn rentrer ek ti pe vann Rs 174, zordi sa meme bef pé van Rs 250-Rs 275 kilo mé pé dir a banne dimoune ki reçu pour sorti lor Rs 174. C’est ene pire malhonneteté de la part de tous ceki pe fer sa. En d’autre mots pé exploite musalmans ek en réalité sa l’argent en plus la vinn haraam parceki c’est malhonnête de la part de sa bann revendeur la. Bann revendeur deza acheter bann bef a bann prix resonable », considère-t-il. Idem pour les moutons, dit-il, qui seraient vendus à Rs 400 le kilo.
Pour Maulana Khodadin, cette situation aurait pu être évitée avec la mise sur pied d’un Task Force comme pour les autres principales fêtes religieuses. Il dit condamner les autorités pour ce qu’il qualifie d’une « mauvaise gestion de ce dossier ». « Depi koumansman finn fer kroir ki ena sifizamen bef pou Qurbani mé kan ariv la veille, aster pe dir ena peniri », fulmine-t-il.
Un manque de moutons sur le marché
La situation par rapport à la disponibilité de moutons pour le Qurbani n’est pas meilleure. Zakariia Jeeva, de Master Breeders Ltd, une compagnie d’élevage de moutons, soutient qu’il y a aussi un manque de moutons sur le marché.
L’éleveur attribue cela à deux facteurs. D’abord, dit-il, les problèmes liés à l’importation de bétail depuis l’Afrique du Sud. Aussi, il met en avant le nombre insuffisant de moutons « locaux ». « En ce qui me concerne, je n’avais qu’une trentaine de moutons disponibles pour le Qurbani, car au début de l’année, j’ai vendu entre 40 et 50 têtes lors des fêtes religieuses d’autres communautés », dit-il.
Pourtant, notre interlocuteur indique qu’il compte actuellement quelque 250 moutons sur sa ferme. « Mais parmi eux, il y a des vieux moutons, des brebis qui portent des petits ou alors des petits qui n’ont pas encore atteint l’âge requis pour le Qurbani. Pour pouvoir fournir 250 têtes pour le Qurbani, nous aurions dû avoir 3 ou 4 fois ce nombre de moutons sur notre ferme », fait-il ressortir.
Zakariia Jeeva met en avant les obstacles liés à l’élevage des moutons. « Il y a des cycles que nous devons respecter. Il faut attendre 5 mois de période de gestation et, une fois la mise bas, il faut attendre 6 mois additionnels pour que l’animal soit en âge d’être abattu pour le Qurbani. Ce qui nous fait presque une année d’attente et d’investissement avant que nous puissions obtenir un retour sur investissement », dit-il.
La demande « limitée » pour le mouton ainsi que l’absence de facilités et de mesures incitatives n’encouragent pas, dit-il, l’élevage de moutons en grande quantité.
Importation de Rodrigues : Nouveaux protocoles en place
Dans un communiqué émis par le ministère de l’Agro-industrie ce vendredi, de nouveaux protocoles ont été mis en place pour le déplacement de bétail de Rodrigues vers Maurice. Spécifiquement pour le Qurbani, le ministère préconise :
(a) que les animaux soient testés négatifs avant leur embarquement,
(b) que les animaux soient isolés à leur arrivée à Maurice dans un centre d’isolement approuvé par le service vétérinaire du ministère,
(c) que les animaux soient abattus dans des endroits désignés par le service vétérinaire.
Le cheptel rodriguais pour pallier le manque
Afin de compenser le manque de bœufs pour le Qurbani, estimé entre 600 et 700 têtes, les autorités misent sur le cheptel rodriguais. Joint au téléphone, le Chef commissaire de Rodrigues, Franceau Grandcourt, souhaite un assouplissement des procédures d’exportation du bétail vers Maurice.
Selon le Chef commissaire, Rodrigues serait en mesure d’augmenter le nombre de bétail exporté vers Maurice si le pays revoyait les procédures d’exportation. « Nous aurions été en mesure d’exporter encore plus d’animaux si l’embargo imposé sur Rodrigues était levé. Actuellement, il y a des procédures et des protocoles à respecter qui retardent le processus », indique-t-il, citant la prise de sang et l’analyse de chaque animal identifié pour l’exportation vers Maurice. Il fait ressortir que le dixième district n’a pas connu de cas de fièvre aphteuse depuis plusieurs années.
Franceau Grandcourt concède toutefois que l’exportation de bétail vers Maurice dépend aussi d’autres facteurs, notamment la fréquence des bateaux faisant le va-et-vient entre Maurice et Rodrigues, qui « n’est pas fixe » ainsi que l’état de la mer. « Si la mer est démontée, le capitaine du bateau peut décider de ne pas transporter les animaux, ne voulant pas prendre le risque que ceux-ci rencontrent des problèmes durant le voyage et engendrent ainsi des pertes », explique-t-il.
Pas de cas de fièvre aphteuse à Maurice
Le ministère de l’Agro-industrie est catégorique : aucun cas de fièvre aphteuse n’a été détecté à Maurice. Le principal fournisseur, Socovia (Belle Vue) Ltée, réfute également les rumeurs selon lesquelles certains des bœufs importés seraient tombés malades. « Il n’y a aucun signe clinique de maladie [parmi les animaux] sur notre ferme ». garantit le porte-parole de Socovia (Belle Vue) Ltée.
Si la ferme a été fermée au public, ce serait « pour faire respecter les normes de biosécurité ». « De plus, sachant que nous n’allons pas obtenir davantage de bétail, nous ne voulons pas prendre plus de réservations que d’animaux disponibles », ajoute-t-il.
Ministère du Commerce : « Pas de plainte formelle à ce jour »
Dans une déclaration à STAR, une source autorisée au ministère du Commerce soutient que des officiers de la Consumer Affairs Unit font des descentes dans les parcs afin de s’assurer que le prix de Rs 174 le kilo soit affiché dans un endroit bien visible et que les balances utilisées pour la pesée soient calibrées. « Toutefois, à ce jour, le ministère n’est en présence d’aucune plainte formelle concernant une pratique alléguée de prix abusifs », fait ressortir notre source.
Notre interlocuteur ne manque pas de réitérer l’appel lancé par le ministère du Commerce dans un communiqué au courant de la semaine, invitant le public à dénoncer tout cas d’abus au niveau des prix. « Les plaintes peuvent être faites sur deux numéros : le 460 2500 ou la hotline de la Consumer Affairs Unit, le 185. À partir de là, le ministère prendra les actions qui s’imposent », rassure notre interlocuteur.