Friday , 14 February 2025

Israël-Palestine : Zoom sur la déclaration du Premier Ministre

Au Parlement, cette semaine, le Premier Ministre fait une déclaration intitulée  : « ISRAEL-PALESTINE CONFLICT – MAURITIUS – STANCE ». Il faut s’y arrêter, car c’est la prise de position officielle de la République de Maurice, la plus récente, la plus détaillée et la plus importante à ce jour.

Well…

D’abord, il faut remarquer que le Premier Ministre décide de s’adresser à l’auguste Assemblée quelques instants à peine après une réponse de son Ministre des Affaires Etrangères par intérim, sur le même sujet. Est-ce pour répéter la même chose ? D’ailleurs, ce dernier vient alors de rappeler l’essentiel de ce qu’a été la position de la République de Maurice comme exprimée dans une annonce au Parlement, entre autres, deux semaines auparavant. Qu’est-ce qui a changé depuis  ? Qu’y a-t-il d’autres dans ce que choisit le Premier Ministre d’exposer aussi solennellement devant les élus et la nation ?

En premier lieu, notons que la question à laquelle répondait le Ministre des Affaires Etrangères suppléant provenait d’un membre de l’opposition, ancien titulaire à ce portefeuille lui-même, qui faisait référence au conflit armée entre Israël et Hamas. D’ailleurs, son interpellation titrait «ISRAEL & HAMAS – ONGOING CONFLICT – CEASEFIRE ». Or, le Premier Ministre avançait, pour le citer, « … well, I think it is important that I make a statement on the stance of Mauritius on the Israel-Palestine conflict ». Ce ‘well’ a toute sa pertinence, car il recadrait le problème, rappelant d’emblée le sort du peuple de la Palestine depuis des décennies.

Pour le reste, la déclaration du Premier Ministre résume, avec force, trois éléments fondamentaux de la position mauricienne publiquement. Premièrement, le soutien inconditionnel aux Palestiniens au droit légitime à un État. Ensuite, il demande, pour le citer mot pour mot, « an end to the Israeli occupation that first began in June 1967 with Israel’s policies of land confiscation, illegal settlement and dispossession ». Il souligne aussi le rôle « very proactive » de son Gouvernement dans la résolution onusienne du 30 décembre 2022 portant devant la Cour Internationale de Justice la violation par Israël des droits du peuple palestinien. Troisièmement, tout en « urging » les Nations Unies d’assumer leurs responsabilités, il conclut fermement : « my Government will continue to support the Palestinian cause and renew its calls for a permanent ceasefire in the region, thus putting an end to all kinds of atrocities. »

Well, next?

rté de la déclaration premier-ministérielle est à retenir tant sur le plan local qu’à l’échelle diplomatique internationale. Les cyniques avanceront que notre petit pays ne pèse pas au niveau de la géopolitique internationale. Mais c’est une erreur et il suffit de rappeler les similitudes entre l’excision des Chagos et la partition de la Palestine par une même puissance coloniale. Que faire face aux interminables violations du droit international par le régime sioniste, particulièrement ici face à son refus d’un cessez-le-feu humanitaire immédiat et permanent ? Le Premier Ministre a raison en exhortant de placer l’Organisation des Nations Unies devant ses responsabilités.

Un fait très rare, les Nations Unies, à travers son Secrétaire General, viennent d’invoquer explicitement l’article 99 de la Charte de l’ONU. C’est un appel de détresse vis-à-vis du Conseil de Sécurité qui doit se réunir en urgence et agir promptement. Le Secrétaire General emploie cet ultime pouvoir politique qui lui revient, car suite aux attaques meurtrières israéliennes incessantes, il constate un « risque grave d’effondrement du système humanitaire à Gaza ». Il y a aussi une menace sur la paix dans la région et le monde.

Dans le passé, à défaut d’invoquer l’article 99 et d’intervenir à temps, les Nations Unies ont permis des pires catastrophes humanitaires, des massacres ou même des génocides. Aux exemples du Rwanda, de Srebrenica ou du Sri Lanka s’ajoutent tant d’autres où des membres-permanents du Conseil de Sécurité ont aussi fait preuve de complicité pour bloquer toute action concrète qui auraient pu sauver tant de vies innocentes. Cette fois, ce sont les USA, encore, qui imposent leur véto. Le Sénateur Mc Cain disait « Our enemies act without conscience. We must not ». Aujourd’hui, soit les USA qui n’ont plus de conscience ou les USA sont devenus les pires ennemis d’eux-mêmes.

La déclaration du Premier Ministre a le mérite de ne pas s’aligner aveuglément sur la ligne adoptée par certains pays « amis », à l’instar des USA, ou même de la Grande-Bretagne, qui auraient pu y chercher un «  quid pro quo », un marchandage donnant-donnant comme par rapport aux Chagos. Les mêmes dirigeants occidentaux, comme leurs chaînes de télévisions, sont devenus des porte-paroles de la propagande de Tsahal, la dernière en date étant les « révélations » de violence sexuelle commise le 7 octobre 2023.

Or, l’invocation de l’article 99 aura pu mettre tout le monde d’accord. Qui a peur de la vérité ? Non seulement, si les USA n’avaient pas mis leur véto, cela aurait permis une enquête indépendante sur toutes les violations perpétrées afin que justice soit faite, mais aussi l’envoi d’aide humanitaire urgente suite à un cessez-le-feu permanent aurait pu se matérialiser. En parallèle, une mission d’intervention de paix sur le terrain et une relance d’un vrai processus de paix devraient s’ensuivre. C’est exactement la position mauricienne quand le Premier Ministre dit: « We firmly believe that this conflict can only end through peaceful negotiations and a permanent ceasefire, in accordance with international law, with the United Nations playing a pivotal role. »

Well, now !

Faut-il s’attendre davantage de la République de Maurice  ? Les relations diplomatiques entre Israël et Maurice ne sont pas telles qu’une suspension aurait des conséquences significatives, voire enverrait un message puissant au plan diplomatique global. Ce serait plutôt de nature symbolique, comparée à l’impact de ce que l’Afrique du Sud, par exemple, provoque en sanctionnant l’État sioniste. Par contre, il faut s’attendre à ce que le Premier Ministre ne permette pas à l’autorité régionale rodriguaise de poursuivre sa collaboration avec une agence israélienne dans le secteur de l’eau, celle-là même qui est derrière un vrai « water apartheid » au détriment des Palestiniens. Pour ce qui est du contrat du CEB Fibrenet avec une compagnie israélienne engagée dans l’occupation, il doit veiller à ce que ce projet ne soit pas relancé.

La déclaration du Premier Ministre a été la seule occasion où le conflit Israël-Palestine a été mentionné par la télévision nationale dernièrement. Malgré plus de 17 000 civils innocents tués, à plus de 75% des femmes et des enfants, il y a eu un blackout sur la MBC sur ce conflit. Même l’intervention du Premier Ministre au Parlement n’a pas été commentée et expliquée comme cela est habituellement le cas à la station de Moka. La guerre médiatique qui se déroule, particulièrement sur les réseaux sociaux, résulte en une situation où le citoyen mauricien ne peut être confiné dans le noir. En demeurant factuel et indépendant, la télévision nationale peut accompagner énormément la population à discerner les différents aspects de ce conflit si grave, qui dure depuis plus de 75 ans. En l’abordant, la MBC aurait contribué à nous faire mieux apprécier la valeur de notre vivre-ensemble harmonieux. La prise de position du Premier Ministre au Parlement est un développement majeur, mais c’est dommage qu’à défaut d’une juste couverture de ce dossier, beaucoup n’arriveront pas à en saisir tout le poids dans le contexte actuel.

Concluons en ajoutant que la déclaration du Premier Ministre doit aussi avoir pour effet d’empêcher une instrumentalisation du conflit par certains de ses adversaires. Si ces derniers ont pu chercher à y voir un intérêt électoraliste, voire bassement communal, c’est surtout parce que le Premier Ministre comme son Gouvernement leur avait laissé le champ libre. Le blackout de la MBC n’a pas aidé et ne l’aide pas à faire mieux connaître sa politique qui d’ailleurs a été constante, cohérente et consensuelle dans le sens de ce que tout le monde espère aujourd’hui, à l’exception d’Israël et des USA, c’est-à-dire, vers une solution pacifique du conflit à travers un cessez-le-feu humanitaire immédiat.

Par PROF. KHALIL ELAHEE

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