Thursday , 18 April 2024

Bashir Taleb, directeur du collège Islamic : “Le bourrage de crâne existe toujours dans les écoles”

Le président de la Fédération des managers des collèges privés et directeur du collège Islamic de Valléedes- Prêtres, Bashir Taleb, estime qu’il faudra attendre encore quelques années pour savoir si la réforme éducative portera ses fruits. Selon lui, les enfants font toujours face à un système basé sur le « bourrage de crâne ».

Après les résultats du PSAC la semaine dernière, de nombreux parents ne sont pas satisfaits du collège attribué à leur enfant. Aucun système ne pourra satisfaire tout le monde. N’est-ce pas ?

Oui, c’est vrai. Chaque réforme apporte son lot de frustrations mais il y a aussi des parents qui se sentent très confortables dans toutes les configurations. Chaque réforme apporte beaucoup de confusion également. C’est pourquoi il est essentiel d’avoir une bonne ligne de communication entre les parents et les autorités concernées. Celles-ci doivent être à l’écoute de tout le monde et répondre aux questions de manière claire et franche.

 Il n’y a pas eu une bonne communication selon vous ?

Je ne suis pas convaincu que les parents ont eu toutes les réponses à toutes leurs interrogations. Cela en raison du fait que le ministère n’était, lui-même, pas sûr des résultats générés par les mesures prises. Il y a aussi un bon nombre d’élèves qui se sont retrouvés «coincés » dans une période de transition car perdus entre deux systèmes distincts. Il est malheureux qu’un groupe d’élèves doive être sacrifié !

Pourquoi la réforme éducative ne fait toujours pas l’unanimité ?

La réforme éducative vient bousculer les habitudes établies et les attentes des uns et des autres. Mais comme je l’ai dit, cela est dû au fait que les autorités n’ont pas toutes les données pour pouvoir dire avec exactitude quels seraient les résultats de la réforme. En quelque sorte, on intègre des gens dans un nouveau système sans connaître les résultats que va produire celui-ci. C’est là que réside la vraie crainte du changement.

Avec le CPE, il y avait une ruée vers les collèges, dits meilleurs. Il est clair que cela n’a pas changé avec le PSAC n’est-ce pas ?

Un des objectifs de la réforme, c’est élimination de l’élitisme. J’estime que c’est un aspect qui n’a pas été bien expliqué car on ne pourra pas éliminer l’élite de n’importe quel système. Il faut comprendre qu’avant la nouvelle réforme, ceux qui étaient très brillants académiquement avaient tous les privilèges et à l’inverse, les élèves moyens devaient subir toutes les tracasseries. La nouvelle réforme vient en quelque sorte corriger cela en enlevant le « focus » sur l’aspect académique et mise sur le développement général de l’enfant. Et c’est cela qui fait peur aux parents. Ils craignent un nivellement vers le bas. Seul le temps nous dira si tel est vraiment le cas.

Pensez-vous qu’il faut revoir le système de « zoning » pour les collèges ?

Là aussi, il y a toute une confusion en raison de nombreux paramètres qui existent pour l’attribution des collèges. Or, avec la régionalisation, on aurait dû savoir quelle école serait attribuée à un enfant et ce, dès sa naissance et selon l’endroit où il réside. Les autorités locales auraient dû faire le « mapping ». Avoir un seul paramètre compliquerait moins les choses et si un parent n’est pas satisfait avec une école, qu’il emménage dans la région où se situe l’école ou le collège qu’il préfère pour son enfant. Cela peut paraître simpliste mais une telle configuration aurait résolu tant de problèmes auxquels nous faisons face aujourd’hui. Mais pour adopter une telle réforme, on doit s’assurer que toutes les écoles ont les mêmes infrastructures. Le but de la régionalisation, c’est de réduire le temps de transport vers les écoles mais actuellement, un enfant qui habite Grand-Baie peut avoir un collège à Port-Louis. J’estime qu’on doit revoir tout le système de la régionalisation.

Lors d’une déclaration sur Radio Plus, vous disiez qu’il n’y avait pas de différence entre les élèves d’avant la réforme et ceux d’après. Pourquoi cette réflexion ?

Pour le moment, nous avons encore des enfants qui sont dans la phase de transition et qui n’ont pas bénéficié du « Support System ». Donc, les enfants sont les mêmes et ont subi le même type d’enseignement. Mais on espère que tel ne sera pas le cas en 2020 car cette future génération connaîtra un tout autre type d’enseignement. Aujourd’hui, le bourrage de crâne existe toujours dans les écoles.

L’année scolaire 2018 a pris fin avec plusieurs cas de « bullying ». Comment mettre un frein à cela en 2019 ?

Il faut avouer que les responsables des écoles ou même les enseignants ne réalisent pas les grands changements qui opèrent dans le mode de vie ou la façon de réfléchir des jeunes. Je peux vous le dire qu’il y a de grands changements. Le harcèlement dans les écoles n’est pas quelque chose de nouveau mais la violence telle que l’on connaît aujourd’hui a pris des proportions démesurées. Il faut d’abord une prise de conscience à tous les niveaux avant de pouvoir résoudre ce problème. Bien souvent, les responsables des écoles sont dépassés par les événements mais il faut commencer à prendre des actions à l’encontre de ceux qui enfreignent les règlements.

Les cas de mauvais comportement des élèves deviennent de plus en plus courants. Pensez-vous que notre système éducatif mise trop sur l’aspect académique et pas assez sur le développement de l’enfant ?

La cause réelle n’est pas le fait de trop miser sur l’aspect académique mais cela est dû aux valeurs que transmettent les parents à leurs enfants. Par exemple, si on connaît une hausse du nombre des cas de violence domestique, il est certain que cela affectera les enfants. Tôt ou tard, ils finiront par agir de façon violente également à l’école. Il est vrai que l’école a la capacité de façonner la société mais ces derniers temps, on constate que l’école n’est qu’un reflet de ce qui se passe dans notre société.

La drogue est un autre problème qui fait des ravages dans les collèges. Est-ce que le ministère de l’Éducation a un plan d’action ?

Nous n’avons pas encore reçu de communication claire et formelle de la part du ministère. Mais je suis convaincu que chaque école aurait dû avoir une équipe para-policière dédiée à la prise en charge des enfants pour les cas de drogue. Actuellement, les responsables des écoles sont contraints de rapporter les cas de consommation de la drogue à la police. Cela peut avoir un impact sur la vie de ce jeune et sur sa carrière. C’est là où le bât blesse.

Pour la rentrée 2019, quelles sont les mesures prises par les collèges privés par rapport au fléau de la drogue ?

Les collèges privés ont l’avantage d’avoir des enseignants et aussi d’autres membres de personnel qui sont permanents. Cela nous permet d’établir un plan de travail et d’avoir l’engagement de tout le personnel. Pour l’année 2019, je dois saluer l’initiative du ministère qui mettra à la disposition de chaque école un « gateman ».

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