Paramasivum Pillay Vyapoory, le vice-Président de la République qualifie les trafiquants de drogue de « démon » et soutient que la seule solution pour les neutraliser est leur emprisonnement à vie.
- Certains pensent que le poste de vice-président de la République n’est d’aucune utilité. Êtes-vous payé pour rien ?
– Si les pères fondateurs de la Constitution ont jugé qu’il était nécessaire d’avoir un poste de vice-président de la République, je pense qu’ils ont dû bien analyser la situation avant de prendre cette décision. Ils ont dû venir avec de bonnes raisons pour justifier la nécessité de ce poste. D’ailleurs, partout dans le monde le poste de vice-président existe, même dans les clubs. Là où il y a un Président, il doit y avoir un vice-président.
- Le Président lui-même ne peut-il pas assumer le rôle et les responsabilités du vice-président ?
– Selon la Constitution, le président a ses propres responsabilités, qui ne sont pas partagées. Il n’y a rien qui est partagé. C’est le Président qui est le chef de l’Etat et quand il est absent du pays, c’est à ce moment que le vice-président entre en jeu. Certes, le vice-président peut ne pas avoir beaucoup à faire. Mais je ne suis pas un vice-président « vase à fleurs ». Je ne me limite pas à des responsabilités contenues dans la Constitution. Ma responsabilité constitutionnelle est essentielle et je compte l’honorer naturellement. Mais, j’ai décidé de m’engager, en parallèle, aux côtés des organisations non-gouvernementales (ONGs) pour leur accorder mon soutien à la réalisation de leurs projets, que ce soit de par mes compétences ou ma présence.
- En l’absence de la Présidente, comme c’est le cas actuellement, qu’est-ce qui change dans vos fonctions ?
– Je suis appelé à me rendre à des fonctions où la Présidente devrait être présente, notamment porter un toast lors de la fête nationale mauricienne. Je dois approuver et signer les nominations au sein des Conseils d’administration, des remplaçants des ministres en leur absence du pays, des décisions de la Commission de pourvoi en grâce et enfin les projets de loi. Voilà l’essentiel des fonctions que je dois assumer.
- Des crimes atroces et des actes de violence sont perpétrés presque quotidiennement dans le pays. Qu’est-ce qui explique, selon vous, ce déchaînement de violence ?
– Il faut qu’on fasse une étude scientifique pour connaître les origines de cette agressivité montante. Une étude approfondie nous permettra d’analyser l’état d’esprit des jeunes, de comprendre comment ils raisonnent et de savoir pour quelles raisons ils font ce qu’ils sont en train de faire et ce qui les pousse à commettre des actes parfois abominables! Il ne faut pas oublier que tout acte répréhensible prend sa source dans l’ignorance et l’égoïsme tandis que tout acte de générosité vient de la bonté du coeur. On est toujours gagnant quand on est généreux. Si les gens ont ces connaissances, ils ne penseront pas à commettre des actes répréhensibles.
- Pensez-vous que les forces vives, les organisations culturelles et religieuses ainsi que la société civile ont failli dans leurs tâches ?
– C’est vrai, les problèmes de société que nous constatons actuellement nous forcent à nous poser cette question. Nous avons tant de temples, de pagodes, d’églises et de mosquées ainsi que de centres culturels à Maurice. Pourtant, pourquoi y-a-t-il une recrudescence des problèmes sociaux ? Est-ce que ces institutions ne remplissent pas leurs fonctions? Peut-être, ne présentent-elles pas de manière assez convaincante aux jeunes la sagesse des textes sacrés ? Peut-être, l’éducation religieuse et culturelle n’est pas présentée suffisamment bien pour convaincre l’individu que cela en vaut la peine.
- Vous acceptez donc qu’il y a un manque de rigueur des autorités ?
– Non, il y a de la rigueur. La force policière et la Cour font leur travail, notamment avec les punitions et les condamnations. Mais, ce qui est important c’est la prévention. Et c’est là que l’éducation et la formation jouent un rôle important pour assurer la prévention. « Prevention is better than cure », nous dit l’adage Par ailleurs, il faut enseigner les valeurs morales aux plus jeunes. Si une personne ne ressent plus la honte après avoir commis un délit, il s’est déshumanisé. L’honneur et l’éducation sont les plus grandes richesses et c’est ce qui a été mentionné dans tous les livres sacrés.
- Vous dites que la police fait son travail. Pourtant, les griefs du public contre la force policière sont nombreux, dont entre autres, le policier passeur de drogue et le policer ivre à moto…
– C’est vraiment chagrinant. Je n’arrive pas croire que nous vivons une telle situation. La force policière est censée être au-delà de tout soupçon. J’espère que les autorités prendront les mesures adéquates pour redresser la situation de façon durable. Les policiers qui ont fauté doivent être réprimandés et réhabilités.
- La drogue est un fléau qui est en train de détruire la jeunesse mauricienne. À qui la faute ?
– La situation est très inquiétante. La faute vient de la faiblesse de la personnalité de celui qui accepte de devenir une victime. Cette personne n’a pu développer une personnalité forte pour pouvoir résister à la tentation. Je pense aussi que la faute vient de son manque de connaissance de soi. C’est la raison pour laquelle je crois fermement que dès son jeune âge, il faut à travers des histoires et d’autres activités inculquer à l’enfant la notion qu’il est un être humain avec des valeurs. Il faut lui faire comprendre que dépendant de son comportement dans la vie, il sera soit une bonne personne soit une mauvaise personne. Si en tant qu’enfant, il s’adonne à des activités destructrices, il sera un adulte faible, sans personnalité sans caractère, vulnérable et voué à la perdition.
- Le vice Premier ministre Showkutally Soodhun recommande la peine capitale pour les trafiquants de drogue. Partagez-vous son avis ?
– Je comprends les gens quand ils disent qu’il faut rétablir la peine capitale parce que les crimes commis par les trafiquants de drogue sont impardonnables. C’est un crime qui ne tue pas une personne mais toute une jeunesse. Les trafiquants de drogue apportent la souffrance dans une famille et mènent le pays à la dérive. Je dirai que les barons de la drogue personnifient les forces de mal, comme Ravan. Ce sont des démons et il faut les empêcher de nuire. Mais, je ne suis pas pour la peine de mort. Il faut les emprisonner à vie. De plus, une fois en prison, il faut les mettre sous surveillance permanente. Il faut aussi qu’ils ne soient pas enfermés dans une prison dorée.
- Le nombre d’accidents à Maurice a atteint un taux alarmant depuis janvier 2016. Quelle est la solution selon vous ?
– Le ministre du Transport considère sérieusement le problème et vient avec des amendements à la loi. Le gouvernement fait beaucoup d’efforts pour améliorer la situation, mais c’est à l’individu de se ressaisir. Certains consomment des boissons alcoolisées et se mettent au volant alors que d’autres roulent à vive allure. Il est temps qu’ils se ressaisissent.
- Certains parlent d’une éventuelle démission de la Présidente, Ameenah Gurib-Fakim. Est-ce vrai ?
– Je m’abstiens de tout commentaire. Néanmoins, je tiens à préciser que la Présidente est bien là où elle est et elle fait honneur au pays.