Harvesh Kumar Seegolam, l’ancien gouverneur de la Banque de Maurice (BoM), a été arrêté, vendredi, détenu, puis relâché sur parole samedi. C’est sans surprise, car le dossier Mauritius Investment Corporation (MIC) est le premier évoqué en long et en large par le Premier ministre, Navin Ramgoolam. Du coup, c’est clair qu’il inaugurera l’opération « rann compte » du gouvernement.
Le Premier ministre et l’actuel Gouverneur de la Banque de Maurice n’avaient pas mâché leurs mots. Lors d’une conférence de presse, le 14 décembre, Navin Ramgoolam pointait du doigt directement l’ancien gouverneur de la BoM : « Gouverner labank central kit so biro, al dan biro MIC pou sanz sa desizion-la. » De son côté, se basant sur une enquête, Rama Sithanen disait qu’il est clair qu’il y avait « une connivence entre la Banque centrale et la MIC pour ‘defraud public funds’ dans ce cas spécifique. »
Ce cas est considéré tellement grave qu’un mandat d’arrêt au retour au pays a été émis contre l’ancien gouverneur de la BoM, Harvesh Kumar Seegolam. Ce cas concerne une présumée malversation liée à une transaction de Rs 45 millions en faveur d’une entreprise classée à haut risque. Cette transaction aurait causé un préjudice important à la MIC, créée par la Banque de Maurice en 2020 pour soutenir les entreprises pendant la pandémie de Covid-19.
Dès son arrivée, vendredi, Harvesh Kumar Seegolam n’a pas eu le temps de se rendre chez lui. Les enquêteurs de l’Anti Money Laundering Unit (AMLU) ont mis la main sur lui pour l’emmener à leur quartier général à la Sterling House, Port-Louis. Après une journée-marathon d’interrogatoire, une fouille a eu lieu à son domicile à Floréal avant qu’il ne soit détenu au Moka Detention Centre.
Ce Samedi 4 décembre, l’affaire s’est jouée en deux actes au Bail and Remand Court. Le matin, ses avocats, Mes Ravi Yerrigadoo et Shadmeenee Mootien, ont présenté une motion de remise en liberté sous caution en sa faveur. L’inspecteur Jory a informé le tribunal que la police s’opposait à cette demande, invoquant comme raisons principales : le risque d’interférence avec les témoins, le risque de fuite et celui de manipulation des preuves. La magistrate, Dr Bibi Zeenat Cassamally, a dans un premier temps fixé les débats sur cette requête à 13h en attendant que le bureau du Directeur des Poursuites Publiques (DPP) ne fasse connaître sa position.
À la reprise, la poursuite, représentée par Me Nataraj Jagganaden Muneesamy, Assistant Director of Public Prosecutions, dit n’avoir aucune objection à sa remise en liberté sous caution. Il a été relâché sur parole.
Toutefois, le représentant du DPP a insisté sur l’imposition de conditions strictes pour encadrer sa libération. Dans une déclaration en Cour, l’avocat de la poursuite a soutenu qu’après avoir évalué « correctement », les risques mis en avant par la police, des conditions strictes « peuvent être imposées » pour rendre ces risques « négligeables ».
La magistrate, Dr Bibi Zeenat Cassamally, a alors fixé le montant de la caution de l’ancien gouverneur de la Banque de Maurice à Rs 500 000, réparti en deux cautions de Rs 250 000 chacune. Cette somme devra être déposée ce lundi 6 janvier 2025 devant le tribunal de Port-Louis. La magistrate a ajouté que faute de remplir les formalités de sa caution ce lundi, un mandat d’arrêt sera émis contre lui.
Une chose est sûre. Plusieurs personnes seront convoquées à partir de cette semaine, dont au moins un ancien ministre.
Ramgoolam accuse Seegolam
En conférence de presse, le 14 décembre, le Premier ministre est revenu sur la genèse de ce décaissement. Il explique que Pulse Analytics avait sollicité un prêt auprès de la MIC. Le conseil d’administration de cette institution avait rejeté cette demande. « Li dir ‘it is a very, very high risk project, unlikely’ li pou kapav ranbours lamone ki pou donn li la », explique Navin Ramgoolam.
Il avance que des « pressions » ont été exercées sur le Chief Executive Officer (CEO) de la MIC, à savoir Jitendra Bissessur, pour qu’il revoie cette décision. « Gouverner labank central kit so biro, al dan biro MIC pou sanz sa desizion-la. Proze-la revinn lor latab. Ek la osi ena ofisie inn dir be si pe met presion, met bann kondision. Okenn bann kondision pa ‘meet’ », poursuit-il.
Un tournant se produit le 28 octobre. « Enn sel kou, tou aprouve. Fini. » Selon Navin Ramgoolam, une fois le financement obtenu, « li retir toutswit Rs 10,2 millions pou li depans lor limem. Tou kas li, so fami ek so bann konplis inn pran ». Le Premier ministre déclare que la Banque centrale a réussi à bloquer Rs 34,8 millions grâce à une injonction. « Mais les 10,2 millions ont déjà été dépensées. »
Accusation de complot
Harvesh Kumar Seegolam, 42 ans, fait actuellement l’objet d’une accusation d’avoir ourdi un complot dans le but de commettre une fraude (conspiracy to defraud), en vertu de l’article 109 (1) de la Criminal Code ( Supplementary) Act.
L’ancien gouverneur de la banque de Maurice ( BoM) aurait ourdi un complot avec d’autres personnes pour reconsidérer une deuxième demande d’investissement en capital de 6,3 millions USD de la Mauritius Investment Corporation (MIC) dans Menlo Park Ltd (MPL), sachant bien qu’une première demande similaire qui a été faite par la MPL a été rejetée par la MIC, le 12 juillet 2024.
Ainsi, sur l’intervention de Harvesh Kumar Seegolam, cela a conduit à la MIC à reconsidérer la deuxième demande qui a été modifiée en un investissement en capital de 1 million USD (équivalent à Rs 45 millions) qui a été finalement approuvé par le conseil d’administration de la MIC le 17 octobre 2024 et décaissé à MPL, le 29 octobre 2024.
Selon l’acte d’accusation, il y aurait eu une fraude à hauteur de Rs 45 millions au préjudice de la MIC.