Friday , 14 February 2025

2025 : l’heure de rendre des comptes

Deux mois après la victoire de l’Alliance du Changement, l’impatience monte parmi la population, notamment chez les opposants farouches du régime MSM.

Les attentes sont claires : voir des arrestations et des mesures fortes contre les responsables des dérives passées. Pourtant, rien de tel ne s’est encore produit. Le Premier ministre promet des actions, mais sans dérives.

En effet, plutôt que de répondre à l’impatience populaire par des actions spectaculaires, Navin Ramgoolam opte pour une démarche réfléchie : une politique de reddition de comptes plutôt qu’un règlement de comptes. Ce choix marque une rupture essentielle avec les pratiques vindicatives du passé. Mais il place également le nouveau gouvernement face à des défis immenses, à la hauteur des attentes qui pèsent sur ses épaules.

Les leçons d’un passé tumultueux

Navin Ramgoolam est sans doute l’une des figures politiques les plus conscientes des dangers d’une justice perçue comme instrumentalisée. Pendant une décennie, il a été l’objet de multiples accusations, souvent accompagnées d’une médiatisation spectaculaire. Pourtant, la majorité de ces affaires se sont conclues par des acquittements ou des vices de procédure. Ces expériences lui donnent aujourd’hui une perspective unique : la nécessité de privilégier une justice équitable et rigoureuse plutôt que des actions hâtives visant à contenter une opinion publique assoiffée de résultats rapides.

Cependant, cette approche mesurée n’est pas sans risques. Dans un contexte où le sentiment d’injustice a été exacerbé par des années de gouvernance controversée, la tentation de répondre aux attentes populaires est forte. La colère de la rue pourrait facilement se retourner contre le gouvernement si celui-ci est perçu comme trop passif. Mais céder à cette pression reviendrait à risquer de transformer des coupables présumés en victimes d’un système bâclé ou politisé, un revers qui pourrait fragiliser non seulement l’État de droit, mais aussi l’image même de l’Alliance du Changement.

L’urgence d’une justice crédible

Pour bâtir un État de droit solide, il ne suffit pas d’arrêter des figures de l’ancien régime. Ce qui compte, c’est de mener des enquêtes approfondies et irréprochables, basées sur des preuves solides. La Financial Crimes Commission, la police et les institutions judiciaires doivent se réinventer pour répondre à ces attentes. Il ne s’agit pas simplement de montrer qu’une nouvelle page se tourne, mais de prouver que les fondations mêmes du système judiciaire sont en train d’être renforcées.

Une justice crédible repose sur la transparence des processus, la compétence des enquêteurs et l’indépendance des institutions. Si ces efforts manquent de rigueur, les accusés pourraient être acquittés, non pas parce qu’ils sont innocents, mais parce que les procédures auront été viciées. Une telle issue ne serait pas seulement un échec politique : ce serait une trahison des espoirs de tout un peuple.

Une patience stratégique

Pour éviter ces écueils, Ramgoolam s’arme de patience et offre à leurs institutions le temps et les moyens nécessaires pour mener des enquêtes approfondies. Une politique de reddition de comptes véritable ne peut se construire sur l’improvisation ou la précipitation. L’Histoire montre que des mesures prises dans l’urgence mènent souvent à des erreurs coûteuses, affaiblissant les gouvernements et ternissant leur bilan.

Le peuple mauricien, tout en étant impatient, doit comprendre qu’une justice bien faite est une justice qui prend le temps d’agir correctement. Il en va de la crédibilité à long terme de l’Alliance du Changement et de la réconciliation nationale.

Une année déterminante

2025 pourrait devenir l’année où le pays amorce une transformation profonde, non seulement en rendant des comptes, mais en rétablissant la confiance dans les institutions. Ce serait une victoire pour l’Alliance du Changement, qui verrait son mandat inscrit dans l’Histoire comme celui de la rédemption nationale, mais aussi pour tous les citoyens, enfin témoins d’une gouvernance exemplaire.

Cela dit, la réussite de cette démarche ne repose pas uniquement sur les épaules du gouvernement. La société civile et chaque citoyen ont un rôle crucial à jouer. Les institutions doivent être tenues responsables de leur lenteur ou de leurs dérives, tout comme les politiques. Un peuple vigilant et informé est la clé pour que les promesses de l’Alliance du Changement deviennent réalité.

La reddition de comptes n’est pas une simple question de punition. C’est un acte fondateur, une preuve de maturité démocratique. C’est la démonstration que la justice, lorsqu’elle est indépendante et impartiale, peut transcender les clivages politiques et devenir un pilier de la nation.

Noor Ibn Hassenjee

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