Isshack Hasgarally est décédé lundi dernier (10 juillet) à l’âge de 77 ans. Ses funérailles ont eu lieu dans la soirée: il fut inhumé au cimetière de Riche-Terre, en présence d’un grand concours de parents, d’amis et de connaissances.
C’est avec une énorme tristesse qu’il m’incomba de faire part de son décès à quelques-uns de nos amis communs. Le sort en avait ainsi décidé. Il était 14h15 cet après-midi là lorsque j’arrive à la salle L2 de l’hôpital Jeetoo, à Port-Louis, pour rendre visite à Isshack, hospitalisé depuis environ une semaine. L’infirmier en charge m’informe qu’il avait tout juste rendu l’âme, il y avait à peine 5 minutes. J’arrive donc, hélas, trop tard et découvre alors, sur ce lit d’hôpital, le visage émacié dans un corps sans vie de cet ami de longue date qui, durant ces 4 dernières années, souffrait d’une maladie irréversible, avec un déclin progressif de ses facultés cognitives et de la mémoire. Il était l’ombre de lui-même au moment où il s’est éteint. Son épouse, Dalida, écrasée par la douleur, a été son ange gardien tout le long de sa maladie et elle fit montre d’une abnégation et d’un dévouement exemplaires, comme peuvent en témoigner tous ceux qui connaissent de près ce couple.
Une vie faite d’épreuves
Issu d’une modeste famille, originaire de Plaine-Verte, Isshack Hasgarally a connu, pendant son enfance et son adolescence, comme nombre de ceux et celles de sa génération qui grandissaient dans ce faubourg négligé de Port-Louis, une vie faite d’épreuves et de difficultés de tous genres et c’est au prix d’énormes sacrifices et aussi grâce à l’aide d’un mécène, m’avait-il confié, qu’il réussira à poursuivre ses études secondaires, au collège Bhujoharry. Il prendra ensuite de l’emploi à l’Overseas News Service du ministère de l’Information où il passera de nombreuses années avant de se joindre à la Central Housing Authority (CHA) comme Housing Officer. La fermeture abrupte de cet organisme parapublic en 1993, devait jeter le désarroi parmi de nombreux employés qui furent renvoyés sans autre forme de procès. Issack fut parmi ces derniers. Il perdra non seulement son emploi mais devra également libérer la maison qu’il occupait en tant que locataire-employé de la CHA. Avec une maigre retraite de pitance, Issack s’arma de patience, et sans perdre son sens de l’humour proverbial, il se démena pour réussir à faire bouillir la marmite et assurer l’éducation sans entraves de ses trois enfants.
Un vif intérêt pour la littérature
Militant dans l’âme, et bien avant l’heure, il fut appelé par le ministre Bashir Khodabux pour être son attaché de presse au moment où celui-ci accède au ministère de l’Environnement et, en 2003, avec l’avènement de Paul Bérenger au poste de Premier ministre il fut nommé au siège éjectable de conseiller auprès de ce dernier. Isshack continuera, par la suite, à militer, à sa façon, comme journaliste ‘free lance’ à Le Défi Quotidien, comme il le faisait naguère bénévolement au journal Star pendant la période pré-indépendance et durant la folle période des bagarres communales sanglantes de 1968.
Issack qui avait très tôt démontré un vif intérêt pour la littérature, en langue française en particulier, s’était mis à l’écriture, durant les heures mortes de la nuit, au bureau central de l’Information, en attendant que tombent les dépêches de Reuter et de l’AFP, dont il veillera à ce qu’elles soient acheminées vers les salles de rédaction de la presse, chaque matin. C’est là qu’il devait, empruntant les sentiers des Kissoonsingh Hazareesing et autre Régis Fanchette, développer ses talents d’écrivain et de dramaturge.
Lorsque je le rencontre pour la première fois, au début des années 60, il avait déjà, dans son sac, plusieurs manuscrits et il m’en sortit un qu’il me recommanda tout particulièrement. C’était une pièce de théâtre relatant l’ultime étape de la vie du Docteur Idrice Ameer Goumani et qu’il avait intitulée Victime du Devoir. Ce jeune médecin était un héros que l’Histoire de Maurice semblait avoir oublié. Né à Plaine-Verte, alors Camp des Lascars, il ira étudier la médecine en Écosse et à peine rentré au pays, ce premier médecin mauricien de confession musulmane, se porta volontaire pour soigner les malades mis en quarantaine, atteints de la variole, alors même que ses confrères hésitaient ou refusaient tout bonnement de s’approcher de ceux ayant attrapé cette maladie hautement contagieuse. La témérité de notre bon docteur ne l’empêchera pas, malgré les précautions prises, de contracter la maladie. Il tombera sur le champ de bataille, victime du devoir, et sera mis en terre à l’endroit même ou il s’était isolé pour soigner ses malades, à la station de quarantaine de Pointe aux Canonniers, lieu où se trouve aujourd’hui le Club Med. C’était au mois de juillet 1889 et le Dr Goumani avait à peine 30 ans.
Le Cercle Goumani
Cette pièce de Isshack Hasgarally, dont j’eus le privilège d’assurer la mise en scène au théâtre municipal de Port-Louis, avec la participation de jeunes Portlouisiens, dont les regrettés Tawfick Beedassy et Ibrahim Sheik Yousouf, connut un franc succès et lança son auteur, dont quelques unes de ses œuvres allaient, par la suite, être publiées ou mises en scène. Le nom du Dr Goumani, jeté aux oubliettes, fut en même temps ressuscité et, en fondant un cercle littéraire auquel nous avions donné son nom – Le Cercle Goumani – nous voulions assurer la pérennité de cet acte d’abnégation et de bravoure d’un jeune Portlouisien dans l’exercice de sa noble profession. La municipalité de Port-Louis devait plus tard donner le nom du Dr Goumani à son nouveau centre social de la rue Magon, situé à quelques encablures de la résidence de la famille du Dr Goumani.
Il fut ainsi et enfin reconnu et honoré comme le fut avant lui le Dr Horace Lazare Beaugeard, mort dans les circonstances similaires et en reconnaissance duquel un monument fut érigé au jardin Les Salines, à l’entrée sud de Port-Louis.
Avec Isshack Hasgarally et Tawfick Beedassy, nous formions un trio qui était connu, surtout dans la région de Plaine-Verte, pour sa prise de position à travers des pamphlets publiés régulièrement sur les sujets d’ordre social, culturel, moral et spirituel. Sous l’égide du Cercle Goumani, nous organisions souvent des séances de quizz et de débats ainsi que des cours d’initiation à l’art dramatique.
L’autre pièce de Isshack qui attira la grosse foule à chacune de ses 4 ou 5 représentations au théâtre municipal de Port-Louis, s’intitule « Je dois vivre ». C’est l’histoire de S. Valayden, jeune acteur mauricien au grand talent, membre du 2nd Tamil Scouts de Rose-Hill, qui atteint de leucémie, devait mourir après avoir remporté le prix du meilleur interprète masculin au Youth Drama Festival pour son rôle dans la pièce Othello de Shakespeare.
L’Art ne connaît pas de frontières et Isshack nous démontra, de manière éloquente, que l’Amitié non plus n’en connaît pas. Merci, vieux frère. Rien que pour cela tu mérites toute notre reconnaissance !
Que tous ceux qui pleurent la disparition de cet ami, humble et toujours serviable, cet homme de lettres méconnu qui a enrichi la littérature mauricienne francophone et anglophone, ce militant de l’ombre honnête et sincère jusqu’au bout, ce chef de famille qui a su transmettre les valeurs universelles de probité et de respect à ses enfants, Shakeel, Jasbeer et Irshaad, qu’ils trouvent tous ici l’expression de nos condoléances émues et de nos bien vives sympathies.
Cassam Uteem
L’héritage
On est maintenant décalé dans deux mondes. On a voulu te voir, on a voulu tout savoir. Ce sourire qui restait caché, un soupçon de toi. Tu étais présent. Authentique, romantique. Mais, hélas lui aussi est encore plus redoutable, dévastateur. Mon père et l’Alzheimer.
Isshack Hasgarally, un nom, une personne, maintenant pourquoi pas un symbole. Eh oui, tu as eu un vécu. Une vie de lutte. Une vie d’exemple. Une vie dans la droiture. Le Créateur t’a choisi avant ta rencontre avec Lui à être un exemple sur une autre dimension. Un test qui fait fuir, qui fait frémir. Cette maladie qui défie la science, la médicine, la connaissance. Cette maladie qui pousse à la réflexion profonde sur la création divine, le cadeau de l’intellect et la valeur inestimable de pouvoir se remettre à Dieu le Tout Miséricordieux. Puis accepter notre impuissance par les mots « Louanges à toi, ôh Maître ».
Ton entourage pleure ton départ. Tu étais de nature aimable et tu as été aimé, supporté par tant de personnes. Avant tout, ta chère épouse, tes enfants, tes médecins, les infirmiers, les bénévoles du centre d’Alzheimer, tes amis, tes voisins. Ton entourage se rejoint aussi! Tes accomplissements, cet héritage d’ouvrages littéraires, d’influence sur la politique, motivateur des jeunes générations. Aller plus loin, se développer, être confiant en soi, se surpasser à travers l’instruction.
Le Créateur t’a choisi avant ta rencontre avec Lui à être un exemple sur une autre dimension.
Ta passion pour l’écriture et l’histoire a été contagieuse, un effet magnétique. Cette finesse dans ton style, tu as toujours voulu la partager – donner sans rien attendre en retour. Tu as porté avec courage « une voix » – promouvoir la méritocratie, l’harmonie, le respect, la justice sociale. Tout cela nous marquera à tout jamais et nous prions que tu ne sois pas parmi les derniers, une minorité.
Tu l’as compris très jeune. Tu l’as inculqué à travers l’île, ton Port-Louis, ta Plaine Verte. Notre histoire, notre patrimoine. Plume à la main, tu as été un ambassadeur. Nous gardons comme des souvenirs impérissables tes articles signés Greenfield. Tu l’as fait de cela un devoir. L’émerveillement, face à la dévotion des grands du passé tels que le Dr. Idrice Ameer Goomany, sera possible grâce par ta contribution. La vie d’antan dans le Port-Louis de ton enfance, la vie chaleureuse dans l’île malgré la terrible période de la deuxième guerre.
When Blooms the Talipot sera gravé on le souhaite dans la mémoire de plusieurs autres générations. La vie t’a fait un cadeau, ton destin t’a préparé sans que tu ne le saches a une fin héroïque. Ton dernier livre est resté inachevé, « La vie de l’homme modèle pour l’humanité », la vie du dernier prophète, (Paix et miséricorde de Dieu soit sur lui). Serons-nous capables d’y arriver?
2017, le talipot a fleuri au Jardin botanique de Pamplemousses, le talipot est mort. 2017, au père ton âme nous a quittés. Serais-tu aussi dans les rangs d’une autre « Victime du devoir »? Serais-tu de ceux, tel que tu l’as remarquablement rapporté, de la révélation divine du Quran à ta pièce sur le Dr. Idrice Goomany, parmi ce qui pourrait être attribué au verset du surat 2, verset 154.
Inspiré par le présent, vivre dans ton passé, ensemble vers l’avenir, tu as tout à gagner. Que ton vécu et ton leadership nous stimulent vers quelque chose de grand et de bien.
Ton fils,
Irshad Hasgarally
PS : La famille tient à remercier tous ceux qui leur ont témoigné de la sympathie dans ces moments difficiles. Qu’Allah (SWT) lui accorde le Jannat-ul-Firdaüs!
Adieu ami, adieu frère
C’est avec la plus grande peine que nous avons appris le décès de notre ami et frère, Isshack Hasgarally, 77 ans, au petit matin le lundi 10 juillet 2017 après une longue maladie.
Isshack Hasgarally qui avait eu une longue carrière à la CHA (Central Housing Authority) jusqu’à sa fermeture en 1993, avait apporté une énorme contribution à la lutte pour l’indépendance du pays en collaborant avec les journaux pro-indépendantistes de l’époque : The Star, Advance et Mauritius. S’il n’avait ni l’éloquence de Cicéron ni l’art oratoire de Démosthène, il était une fine plume qui s’était mis au service des valeurs universelles pour délivrer son pays du joug colonial. Nous avons toujours été très admiratif de la façon dont Isshack Hasgarally rédigeait ses écrits : il privilégiait un style clair et simple pour ne pas alourdir le texte et obscurcir le message. C’était lui tout craché. Il abhorrait le superflu et le superficiel. Son style reflétait sa personnalité.
Ami de longue date de l’ex-président de la République, Cassam Uteem, qu’il avait encouragé à rejoindre le MMM avant les élections générales de 1976, Isshack était un homme d’une admirable sagacité et d’une énorme sagesse. Proche de Bashir Khodabux, il avait été son conseiller quand celui-ci avait été ministre de l’Environnement. Il avait aussi été le conseiller de Paul Bérenger entre 2000-2005.
Certes, Isshack Hasgarally attachait un grand intérêt à la politique, mais il est resté avant tout un homme de lettres. C’est en effet dans le domaine de l’écriture qu’il s’est le plus illustré. Dramaturge à ses heures, il a écrit de nombreuses pièces de théâtre qui ont été portées sur les planches, entre autres : « Et la dernière tue », « Victime du devoir », « Le Veinard ». Il est aussi l’auteur d’un roman d’amour en anglais intitulé « When Blooms the Talipot » sorti des presses en 1994 qui a pour cadre l’île Maurice pendant la seconde guerre mondiale. Isshack nous fait découvrir ses plus beaux souvenirs d’enfance et d’homme. Comme s’il avait pressenti que deux décennies plus tard la maladie allait rendre sa mémoire défaillante.
être l’ami d’Isshack a été un privilège et un honneur. Son amitié était réelle, sincère, pure, indestructible. Son départ de ce monde laisse un vide incomblable. Isshack était plus qu’un ami. C’était un grand frère dont les conseils nous étaient très précieux en tant que collaborateur de STAR jusqu’à tout récemment et autrefois de l’hebdomadaire IMAPCT NEWS.
Nous manquerons à notre devoir si nous n’exprimions pas notre appréciation, notre admiration et notre gratitude à son épouse Dad qui lui a apporté aide, réconfort et soutien durant toute la durée de sa maladie. à elle et à ses trois enfants, Shakill, Irshaad et Jasbeer, nous présentons nos plus vives sympathies.
Moostapha Cadersaib