Le projet d’Heritage City ne verra pas le jour. C’est ce qu’a décidé le Conseil des ministres, vendredi, à la suite des discussions bien animées. Ainsi, le Parlement, le bureau du Premier ministre et les ministères entre autres resteront à Port-Louis.Revirement de situation en une semaine. Vendredi, dans le discours du Budget, le ministre des Finances, Pravind Jugnauth, a annoncé une dotation de Rs 2,7 milliards des Rs 13 milliards obtenues de l’Inde pour le projet d’Heritage City. Or, mardi, son conseiller spécial, Gérard Sanspeur, lance un pavé dans la mare. Lors d’une réunion du conseil d’administration d’Heritage City Company Ltd, il a remis en question la crédibilité d’Heritage City et de la firme Stree Consulting. Dans l’après-midi de ce même mardi, un autre proche du gouvernement s’oppose à ce projet. Dans le Grand Journal de Radio Plus, émission animée par Nawaz Noorbux, Kee Chong Li Kwong Wing, président de la SBM Holdings, affirme que le projet Heritage City n’avait pas sa place dans la conjoncture actuelle. L’important, estime-t-il, est de savoir si ce projet sera bien encadré. « Il ne s’agit pas de mettre du béton sur les meilleures terres du pays, qui jouissent d’une bonne pluviosité et où l’on pourrait faire du bio-farming et de l’Agrobusiness », lance-t-il.
Le ciel s’assombrit davantage sur le projet d’Heritage City avec le rapport de la firme Lux Consult Mauritius Ltd commandité par la State Land Development Company (SLDC) qui remet en question le choix du site où devrait être construite Heritage City. Le Conceptual Engineering Plan ne prend pas en considération une éventuelle rupture du Bagatelle Dam, souligne le document. Le rapport fait ressortir aussi que les risques d’inondation sont réels, car deux rivières se trouvent dans les environs.
Ce rapport pointe du doigt Stree Consulting de Dubai pour son manque de connaissance du contexte local en termes de planification et de construction et pour son étude de faisabilité qui ne serait pas clairement définie. Il évoque les frais de 19 millions de dollars américains, sans compter les frais professionnels pour la supervision du site, les coûts d’inspection ou encore les frais juridiques. En conclusion, le rapport recommande une « due diligence » sur Stree Consulting et demande au gouvernement de prendre quelques semaines de plus afin d’analyser tous les aspects du projet; de mettre sur pied un management approprié pour la Heritage City Company Limited, ou alors permettre à la SLDC de piloter ce projet.
La réplique de Roshi Badhain n’a pas tardé. Lors d’une conférence de presse vendredi soir, Roshi Badhain n’a pas ménagé Gérard Sanspeur. « De quel droit Gérard Sanspeur a décrédibilisé un projet qui a éte ‘endorsed’ par le Premier ministre et le ministre des Finances ? » s’est demandé le ministre de la Bonne gouvernance. Il a aussi défendu la compagnie dubaïote Stree Consulting qui avait été choisie pour élaborer le Master Plan et l’Engineering Design d’Heritage City, tout en accusant Gérard Sanspeur d’avoir « humilié » Saeed Ahmed Saeed Mohamed Alawadhi lors de la réunion du Conseil d’administration d’Heritage City. Roshi Bhadain a aussi remis en question le rapport de 22 pages qui sème le doute quant à la viabilité du projet Heritage City. Selon lui, il y a eu « manipulation pour faire bloquer le projet Heritage City ».
Paul Bérenger s’en réjouit
Le gel du projet Heritage City réjouit le leader du MMM. Cependant, à la conférence de presse de son parti hier matin il a déclaré vouloir connaître les détails des dépenses encourues par le gouvernement dans le cadre du projet. Paul Bérenger en a profité pour écarter tout rapprochement avec le MSM. Tout en se félicitant du gel du projet de Heritage City, le leader a avancé que « toutes les procédures ont été violées dans ce projet ». Il a aussi demandé que soit rendu public l’argent qui a déjà été dépensé dans le cadre de ce projet. « Ce qui s’est passé avec ce projet est inacceptable et dangereux », a-t-il laissé entendre. Il estime que le Premier ministre a démissionné devant ses responsabilités dans cette affaire.
Au sujet des rumeurs de rapprochement entre le MMM et le MSM après que le MMM ait qualifié certaines mesures du budget d’« intéressantes », le leader du MMM a rétorqué que son parti a aussi condamné le budget en indiquant qu’il ne s’agissait pas d’un « budget de relance. » Il a aussi fait état des « premières désillusions» ressenties par la population après le discours du budget.
Désignation prochaine d’un DPM
L’assemblée des délégués du MMM avait désigné Paul Bérenger comme Premier ministre dans l’éventualité où le MMM aille seul aux prochaines élections. Le leader des mauves a indiqué qu’il donnera le nom de celui qui sera présenté comme Deputy Prime Minister dans le ‘shadow cabinet’ MMM. Il a dit compter sur la « discipline du parti » pour que ce choix ne pose pas de problème.
Pravind Jugnauth : « Je supporte l’intérêt de mon pays »
Interrogé par la presse à l’issue de la réunion du Bureau Politique du MSM, le leader de ce parti, Pravind Jugnauth, est revenu sur le projet Heritage City. A la question de savoir qui il soutenait dans la guerre larvée entre Roshi Bhadain et Gérard Sanspeur, le ministre des Finances a répond sèchement : « je supporte l’intérêt de mon pays ». Le leader du MSM a indiqué qu’il s’en tenait à la décision du cabinet sur Heritage City. Interrogé sur les rumeurs de rapprochement entre son parti et le MMM, Pravind Jugnauth lance que « c’est faux et totalement faux ».
Navin Ramgoolam : « Ce projet n’aurait profité qu’à certains »
Le leader du Ptr a commenté le projet Heritage City, à un congrès de son parti à Saint Pierre, vendredi. « Ce projet n’aurait profité qu’à certaines personnes qui auraient alors bénéficié de plusieurs facilités », estime Navin Ramgoolam. Selon lui, seule « une petite poignée de personnes » aurait pu acquérir les appartements que Heritage City devait abriter.
Adil Ameer Meea : « Pour des raisons économiques et sociales »
Le député MMM Adil Ameer Meea, qui a évoqué à plusieurs reprises Heritage City au Parlement se dit contre ce projet pour des raisons « économiques et sociales ». Selon lui, cela aurait entrainé de nombreuses difficultés pour des milliers de personnes, qui travaillent à Port Louis dans le secteur informel. « Il faudra maintenant situer les responsabilités et savoir combien d’argent a déjà été dépensé », explique ce dernier qui indique qu’il soulèvera, de nouveau, la question au Parlement.