Wednesday , 15 October 2025

Le ministre Shakeel Mohamed : «Une nouvelle ère de transparence s’ouvre pour le Hadj»

Accueilli avec humilité mais détermination, le rapport sur le Hadj 2025 marque pour le ministre responsable du pèlerinage, Shakeel Mohamed, le point de départ d’une profonde refonte. Loin d’y voir une tache, il en fait un levier de transparence et de réforme. Objectif : un Hadj 2026 exemplaire, moderne et intègre, au service des fidèles.

Comment avez-vous accueilli le rapport d’enquête sur le Hadj 2025 ?
Je ne vous cacherai pas que j’ai ressenti de la honte. Surtout lorsque des amis non-musulmans me demandent comment est-il possible que la tricherie entache l’organisation du Hadj, un des cinq piliers de l’Islam. Ces pratiques inacceptables, qui perdurent depuis des décennies, ternissent l’image de l’Islamic Cultural Centre (ICC). C’est profondément regrettable. Mais une chose est certaine  : avec le gouvernement de l’Alliance du Changement, une nouvelle page s’ouvre. Je peux vous assurer qu’un véritable changement interviendra. Les premiers résultats concrets seront visibles dès l’organisation du Hadj 2026.

En tant que responsable du Hadj sous le nouveau gouvernement, considérez-vous ce rapport comme une tache sur votre parcours ?
Bien au contraire. Ce rapport marque le début d’une ère de transparence. C’est moi-même qui ai demandé à mon collègue, le ministre des Arts et de la Culture, d’instituer une enquête, dès que j’ai pris connaissance de certains cas frauduleux.

Nous avons hérité d’un système miné par plus d’un quart de siècle de magouilles. L’enquête vient justement mettre un terme à ces pratiques malsaines, contraires aux valeurs islamiques et Républicaines.

Il faut aussi rappeler que nous avons pris le train en marche : l’organisation du Hadj 2025 avait déjà commencé en 2024. Il serait donc injuste de nous juger sur cet épisode, même si j’ai personnellement veillé à ce que tout se passe dans les meilleures conditions possibles.

Et les faits parlent d’eux-mêmes : aucune plainte majeure n’a été enregistrée au retour des pèlerins, contrairement aux années précédentes. C’est un signe encourageant.

Refusez-vous malgré tout d’admettre que ce rapport constitue une épine dans votre pied, puisque le comité d’enquête reproche au Board d’avoir renversé en 24 heures la décision d’annuler cinq visas jugés frauduleux ?
Je vous remercie pour cette question, car elle me permet de remettre les pendules à l’heure.

Dès que j’ai été informé de cas suspects, j’ai quitté mon ministère pour me rendre d’urgence à l’ICC. J’ai convoqué tous les parlementaires musulmans afin de faire la lumière sur la situation.

Avant leur arrivée, j’ai rencontré individuellement quelques employés impliqués dans le dossier du Hadj. Cet exercice m’a permis de constater que deux clans distincts existaient au sein du personnel, chacun rejetant la faute sur l’autre. Il était urgent d’assainir l’atmosphère.

Le Hadj 2026 sera un modèle d’intégrité et d’organisation»

Pourquoi avoir convoqué les parlementaires musulmans  ?
Parce qu’ils devaient être informés en amont des faits et de leurs implications, avant que l’affaire ne soit rendue publique.

J’ai également invité le ministre des Arts et de la Culture, tutelle directe de l’ICC, afin qu’il prenne connaissance des éléments et institue formellement une enquête.

Pour garantir la crédibilité du processus, je lui ai recommandé de placer sous scellés tous les documents relatifs aux cas suspects. Cette démarche visait à éviter toute manipulation ultérieure.

Revenons sur ce revirement de situation du Board en 24 heures…
Effectivement, le Board avait initialement décidé d’annuler les cinq visas concernés. Mais la majorité des membres présents s’étaient abstenus, ce qui a créé une situation ambiguë.

Un nouveau Board a été convoqué pour une discussion franche et une décision claire. Après mûres réflexions, la majorité a finalement opté pour ne pas annuler les visas. Trois raisons principales ont motivé ce choix :

  1. La perte définitive des visas  : les autorités saoudiennes avaient déjà indiqué qu’aucun changement de nom n’était possible à ce stade.
  2. L’incertitude sur la culpabilité des cinq personnes : rien ne prouvait qu’elles étaient directement impliquées dans la fraude.
  3. La préparation spirituelle des pèlerins : ces personnes s’étaient préparées depuis des mois, tant sur le plan matériel que religieux.

Il ne s’agissait donc pas d’une validation complaisante, mais d’une décision pragmatique, tenant compte de la réalité du moment.

Pourquoi avoir résisté à la demande de certains membres du Board d’écarter immédiatement les employés soupçonnés d’être impliqués dans les mauvaises pratiques  ?
Dès leur nomination, deux ou trois membres ont effectivement voulu faire tomber des têtes. Mais dans la pratique, ce n’était pas faisable sur le champ, car l’échéance du Hadj approchait à grands pas.

L’ICC compte à peine cinq employés permanents et un contractuel. Ce n’est pas une mince affaire de se séparer de personnel clé à la veille d’un pèlerinage impliquant 1 500 Mauriciens. Il existe des procédures administratives, disciplinaires et légales à respecter.

Imaginez les conséquences si, par précipitation, une telle décision avait perturbé le déroulement du Hadj 2025 ! Le nouveau gouvernement n’aurait pas été pardonné. Nous ne pouvions prendre le risque de tout chambouler en pleine opération. Il fallait d’abord sécuriser le bon déroulement du Hadj 2025, avant d’entreprendre le grand ménage.

Avec les trois suspensions annoncées, comment l’ICC va-t-il désormais fonctionner ?
Pour le moment, nous allons nous organiser en interne. Il y a urgence, car les autorités saoudiennes nous ont imposé un deadline qui arrive à grand pas, Novembre 2025. Je sais qu’on peut compter sur ceux qui ont longtemps été au service de l’institution et qui n’ont pas été blâmés dans le rapport. Je compte aussi sur les membres du Board et d’innombrable well-wishers et volontaires qui viennent de l’avant pour être constructifs sans pour autant s’attendre à quelque chose en retour.

Il faut savoir qu’il y a sept postes vacants depuis des années à l’ICC. J’ai le plein soutien du Premier ministre et du Premier ministre adjoint pour combler ces postes dans les plus brefs délais.

Ce renforcement du personnel ne profitera pas uniquement à la préparation du Hadj, mais à l’ensemble du fonctionnement de l’institution, qui a trop longtemps souffert d’un sous-effectif chronique.

Quelle garantie pouvez-vous donner à la communauté musulmane que le Hadj 2026 sera enfin organisé dans la transparence et sans passe-droit ?
Le manque d’un registre à jour a été la principale faille ayant permis les manipulations. Pendant des années, des agents et certains employés ont profité des zones grises du système d’enregistrement pour insérer des noms frauduleux ou favoriser des personnes déjà parties.

Imaginez : la base de données des pèlerins ne remonte qu’à 2013. Avant cette date, aucun enregistrement formel n’existe. Résultat : des noms d’anciens pèlerins figurent encore sur les listes, permettant à certains d’effectuer des remplacements discrets au profit de nouveaux candidats.

Cette ère est révolue. À partir de cette année, le registre sera entièrement mis à jour et informatisé. Je me suis donné pour mission de dresser la liste complète de tous les Mauriciens ayant accompli le Hadj.

C’est un travail titanesque, mais pas impossible. Nous avons sollicité l’aide du Passport and Immigration Office ainsi que des autorités saoudiennes pour obtenir la liste des pèlerins enregistrés au fil des ans.

Je suis convaincu que la fameuse liste actuelle de 42 000 aspirants au Hadj descendra à environ 10 000 noms réels une fois nettoyée des doublons et des personnes ayant déjà accompli le Grand pèlerinage. Ce sera un grand pas vers la transparence.

Votre mot de la fin ?
Je lance un appel solennel aux membres de la communauté musulmane : venez prêter main-forte à l’ICC. Engagez-vous comme bénévoles pour contribuer à cette réforme et participer à une œuvre de bien, dans l’unique but de servir le Créateur.

Nous avons le devoir collectif de restaurer l’honneur de l’institution et de faire du Hadj 2026 un modèle d’intégrité, d’organisation et de foi.

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