Thursday , 20 November 2025
Heydar Uteem, Muslim Honsanee et Farheen Mosafur

Un an après le 60-0 : la vie des Mauriciens a-t-elle changé ?

Un an après le 60-0 de l’Alliance du Changement, la vie des Mauriciens – qu’ils soient simples travailleurs, entrepreneurs ou jeunes en quête d’avenir – a-t-elle véritablement changé ? Voici ce qu’ils ont à nous dire.

Heydar Uteem, photographe : «Certaines décisions ont impacté nos vies»

Heydar Uteem, jeune photographe, affirme d’emblée que « la vie n’a pas changé en une année, grosso modo, mais que certaines décisions ont eu un impact sur la qualité de vie des Mauriciens ».

Passionné d’image, il a su transformer son art en métier et vit aujourd’hui de sa propre entreprise. « Comme toute personne à son compte, je m’attendais à un peu plus de soutien, surtout quand on entend souvent que le gouvernement encourage l’entrepreneuriat », explique-t-il.

Avec espoir, il avait vu la nouvelle équipe prendre les commandes du pays. Pourtant, certaines décisions récentes du régime impactent directement son quotidien. Il cite notamment les nouvelles taxes imposées sur les véhicules lors du dernier budget. « Dans mon métier, un moyen de transport est primordial. Je dois sans cesse me déplacer pour couvrir des événements… Vous imaginez le budget que j’alloue à l’essence ? » lance le jeune homme de 25 ans.

Heydar déplore également la flambée des prix dans le secteur automobile, essentielle à son activité. « Impossible d’envisager l’achat d’une voiture neuve : une citadine coûte plus d’un million de roupies. Et même sur le marché de l’occasion, les prix se sont envolés », observe-t-il. Pour lui, les ministères concernés pourraient travailler de concert afin de proposer des ‘schemes’ ancrés dans la réalité, facilitant l’acquisition de matériel professionnel, de véhicules ou encore de prêts adaptés aux jeunes entrepreneurs.

Un quotidien sous tension économique

Toujours installé chez ses parents, il dit partager néanmoins le poids des dépenses familiales. « Je constate que le panier de la ménagère reste très cher, et les factures d’électricité ou d’eau pèsent lourd sur le budget familial. Je me demande comment font ceux qui vivent avec des moyens limités », s’interroge le Portlouisien.

Malgré tout, il refuse de sombrer dans le pessimisme. Selon lui, l’inflation est une réalité mondiale qu’il faut apprendre à gérer. « Si les prix augmentent, alors il faut créer des opportunités pour que les salaires suivent la même tendance, afin que les Mauriciens puissent vivre sans s’étouffer. » Il encourage d’ailleurs les autorités à explorer de nouveaux secteurs porteurs pour les années à venir, afin de stimuler la croissance et de diversifier l’économie.

Le jeune homme garde foi en l’avenir : « Il est encore un peu tôt pour dresser un bilan définitif. Soyons réalistes : on nous a dit qu’il faudrait se sacrifier deux ou trois ans pour un avenir meilleur. Alors, on le fait avec l’espoir que nous, les Mauriciens, en récolterons les bénéfices plus tard. »

La sécurité, une priorité nationale

Avant de conclure, Heydar appelle le gouvernement à renforcer la sécurité sous toutes ses formes. « La sécurité routière, car il y a trop d’accidents ; la sécurité des femmes, car les féminicides se multiplient ; et la sécurité publique, face à la drogue qui circule toujours autant. Tout cela passe par un durcissement de la loi », plaide-t-il.

Pour lui, un pays où les citoyens se sentent en sécurité et confiants est un pays qui avance. « La sécurité doit être un projet à long terme. C’est la base du progrès », conclut-il avec conviction.

Muslim Honsanee, tailleur : «Dimounn pe gard lespwar…»

À 73 ans, Muslim Honsanee, observe la vie politique et sociale du pays avec l’œil tranquille de celui qui en a vu défiler des gouvernements et des promesses. Tailleur de profession depuis plusieurs décennies, il confie, sans détour : « Mo lavi pann sanze, ek mo pa trouv gran sanzman », dit-il avec nonchalance.

Pour lui, la première année après les élections n’a pas apporté de bouleversements notables. « Nou atan nou gueter ki pou ena a lavenir », dit-il, avec un sourire empreint de réalisme. Il reconnaît cependant que certaines mesures, comme le transport gratuit pour les personnes âgées, restent des acquis importants. « Mo remersié tou gouvernma pou sa, me mo bizin dir ousi, kalite servis la pa finn amelyore. Pena bis… avek letan, mo trouv servis la pe degrade », regrette l’habitant de Highlands.

Le septuagénaire pointe du doigt une « négligence générale » dans la gestion des services publics, notamment ceux destinés aux plus vulnérables. « Bizin ena plis respe pou bann dimounn aze. Zot finn travay zot lavi entier, zot merit enn minimum konfor », insiste-t-il.

Une société qui change

Bhai Muslim exerce comme tailleur depuis belle lurette. Dans son atelier, il a vu passer plusieurs générations de clients et de jeunes apprentis. Aujourd’hui, il constate que le secteur artisanal et le service client en général se dégradent. « Ena mank maindev. Morisien nepli anvi travay pou sa ti kas-la », déplore-t-il. Pour lui, ce désintérêt pour les métiers manuels et de service révèle un problème plus profond. « Dimoun anvi tou fasil, me travay pou aprann, sa pena boukou ki anvi fer li », ajoute-t-il.

Comme la plupart des foyers mauriciens, Muslim Honsanee ressent les effets directs de l’inflation. « L’alimentation coûte très cher. Touzour mo trouv pri-la pe monte. Tou dimounn pe pleinye », confie-t-il. Il redoute que la hausse constante des prix n’étouffe davantage les familles modestes, déjà fragilisées par la conjoncture économique. Pour lui, cette situation nécessite une attention urgente des autorités.

Un appel à la responsabilité

Bhai Muslim n’est pas amer, mais il reste exigeant envers ceux qu’il a contribué à élire. « Dimounn finn vote zot lor promes ki zot finn fer. Zot bizin fer seki zot finn dir zot pou fer. Li pa enn faveur, li enn responsabilite », lance-t-il avec fermeté.

Parmi ses préoccupations majeures figure la montée de la drogue, qu’il décrit comme un fléau silencieux. « La drog pe touy la zeness. Nou vinn bann spektaterr, nou pa kapav dir nanyen, pa kapav fer nanyen. Ki pou arive apre ? » s’interroge-t-il, inquiet. Pour ce citoyen lambda, la sécurité et la cohésion sociale devraient redevenir des priorités nationales.

Farheen Mosafur, entrepreneure : «Ne pas abandonner l’idée d’un meilleur demain»

Comme beaucoup de jeunes Mauriciens, Farheen Mosafur, 28 ans, s’interroge, un an après les élections générales, sur ce qui a véritablement changé dans son quotidien. « Franchement, pas beaucoup. Il y a quelques petites choses positives, mais aussi beaucoup de choses qui restent pareilles », confie cette habitante de Rose-Belle.

Elle se souvient encore de l’ambiance qui régnait avant le scrutin : un vent d’espoir soufflait sur la jeunesse. « Beaucoup de jeunes espéraient du changement. On parlait de nouveaux emplois, de soutien pour les jeunes, d’une vie moins chère. On croyait que les choses allaient s’améliorer après les résultats », confie-t-elle.

Mais, un an plus tard, le constat est plus nuancé. « On voit que ce n’est pas si simple. Les attentes étaient grandes, et c’est normal qu’il faille du temps pour tout mettre en place. Mais dans la vie de tous les jours, les choses ne bougent pas aussi vite qu’on le pensait », ajoute-t-elle.

Changement de mentalité

Malgré tout, Farheen dit remarquer un changement dans les mentalités, surtout parmi les jeunes. « Avant, beaucoup disaient que la politique ne servait à rien, mais maintenant, on s’y intéresse davantage. On veut comprendre ce qui se passe, on discute plus de ce que le gouvernement fait, et on ose donner notre avis », observe-t-elle.

Elle souligne aussi une évolution positive du discours public. « J’ai remarqué qu’on parle davantage d’environnement, de formations professionnelles et de projets pour aider les jeunes à créer leur petite entreprise. C’est bien, parce que beaucoup de jeunes veulent devenir indépendants et ne plus dépendre d’un emploi fixe », explique la jeune femme.

Ces initiatives, selon elle, vont dans la bonne direction, mais doivent être mieux structurées et plus accessibles. « Parfois, les programmes existent, mais on n’a pas toutes les informations ou ils sont difficiles d’accès. Il faudrait plus de communication et d’accompagnement pour que les jeunes puissent vraiment en profiter », estime-t-elle.

Entre promesses et réalité économique

Sur le plan économique, Farheen qui est entrepreneure, partage les préoccupations de nombreux jeunes actifs. « Trouver un bon travail reste difficile. Même avec un diplôme, beaucoup n’arrivent pas à avoir un emploi stable. Les salaires sont bas, les prix continuent d’augmenter, et la vie devient de plus en plus chère », déplore-t-elle.

Elle évoque aussi la lassitude qui gagne parfois une partie de la population. « Certaines promesses faites avant les élections ne se sont pas encore réalisées. Parfois, on a l’impression que les discours changent, mais pas vraiment notre quotidien », avance-t-elle, sans amertume mais avec franchise.

Pour autant, elle ne veut pas tomber dans le fatalisme et pense surtout que la jeunesse doit cesser de rester spectatrice. « Nous devons participer davantage, parler, voter et faire entendre notre voix. Si on veut un meilleur avenir, on doit aussi s’impliquer. Il faut croire au progrès, même s’il est lent. L’important, c’est de ne pas abandonner l’idée d’un meilleur demain », conclut-elle.

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