Longtemps mis hors circuit par l’affaire St-Louis, Shamshir Mukoon retrouve aujourd’hui toute sa puissance. Blanchi par la justice en 2024 et nommé, cette semaine General Manager du Central Electricity Board (CEB), il rallume la lumière d’une institution restée trop longtemps sous tension.
Il a connu l’humiliation, la cellule, le doute. Mais il a tenu bon. Aujourd’hui, Mohammed Shamshir Mukoon signe un retour exemplaire à la tête du CEB. Ce parcours, d’une rare intensité humaine, résonne comme une revanche du mérite et de la droiture sur les manipulations d’un autre temps.
En 2021, alors qu’il assurait la fonction d’Acting General Manager, Shamshir Mukoon avait été arrêté dans le cadre de l’affaire St-Louis, scandale politico-industriel ayant éclaboussé la scène mauricienne. À l’époque, son nom figurait parmi ceux cités par l’ex-Icac dans une enquête sur des soupçons de corruption entourant le contrat de Rs 5,4 milliards octroyé à la firme danoise Burmeister & Wain Scandinavian Contractor (BWSC) pour la modernisation de la centrale de St-Louis.
L’épisode avait profondément marqué l’opinion publique. Beaucoup y avaient vu un règlement de comptes politique, voire une tentative de diversion face aux vraies responsabilités. Shamshir Mukoon, lui, avait choisi la voie de la dignité : refuser de payer sa caution et purger sa détention préventive, convaincu que la vérité finirait par triompher.
Une justice réparatrice
Trois ans plus tard, en juin 2024, la justice lui a donné raison : la charge provisoire de ‘public official using office for gratification’ a été rayée par le tribunal de Curepipe. Ce verdict est venu effacer une tache injustement apposée sur sa carrière et a rendu à cet ingénieur chevronné son honneur et sa liberté morale.
Quelques jours seulement après cette décision, le 7 juillet 2024, Shamshir Mukoon a repris ses fonctions au CEB. Sans fanfare ni triomphalisme. Il est revenu par la grande porte, assumant d’abord les fonctions de Production Manager, poste technique qu’il connaissait parfaitement pour y avoir gravi tous les échelons. Son retour n’était pas seulement celui d’un employé réhabilité : c’était aussi celui d’un homme qui, contre vents et marées, avait conservé foi en la justice.
Une réhabilitation méritée
La réintégration de Shamshir Mukoon a été perçue comme un acte de justice institutionnelle. Le Conseil d’administration du CEB, confronté à des défis énergétiques majeurs, a vu en lui un profil de rigueur et de compétence. Car, Mukoon n’est pas un bureaucrate parachuté : il est ingénieur de formation, détenteur d’un B.Tech (Hons), d’un MBA, et membre du Council of Registered Professional Engineers ainsi que de l’Institution of Engineers Mauritius.
Son expertise s’étend de la production d’électricité à la planification énergétique, domaines où il a su conjuguer compétence technique et sens éthique. Durant ses années comme Head of Production, il avait déjà alerté sur la fragilité du réseau électrique mauricien et plaidé pour une transition vers une production plus verte, consciente des défis climatiques et économiques.
Le retour au sommet
Cette semaine, la boucle est bouclée : Shamshir Mukoon est nommé General Manager du CEB, succédant à un intérim prolongé et à une période de turbulences internes. Cette nomination intervient dans un contexte d’alerte rouge énergétique, où l’île frôle la saturation du réseau et les risques de délestage.
Les médias ont souligné la charge symbolique de cette promotion : celle d’un technicien intègre qui prend les commandes à un moment crucial, alors que le pays s’interroge sur la durabilité de son modèle énergétique. « We are nearly at the maximum of our capacity to supply electricity », déclarait-il déjà en avril 2025, appelant la population à modérer sa consommation et à adopter une attitude responsable.
Leçons d’un parcours
L’histoire de Shamshir Mukoon est celle d’une résilience rare. D’un homme injustement stigmatisé, puis discrètement réhabilité, aujourd’hui appelé à piloter la principale institution énergétique du pays. Sa trajectoire rappelle que la compétence et l’intégrité finissent toujours par reprendre leurs droits, même dans un environnement parfois miné par les calculs politiques.
Dans le sillage de la condamnation de la firme BWSC au Danemark — qui a dû s’acquitter d’une amende de 1,3 million d’euros pour pratiques corruptives —, la réhabilitation de Mukoon prend une dimension encore plus forte : celle d’une réparation morale et institutionnelle.
Un symbole pour l’avenir de la CEB
Aujourd’hui, en reprenant les rênes du CEB, Shamshir Mukoon incarne la possibilité d’un service public intègre et compétent. Il hérite d’une entreprise fragilisée, confrontée à des défis structurels : vieillissement des centrales, retards dans les projets de transition énergétique, et tension entre impératifs économiques et écologiques.
Mais pour celui qui a traversé les tempêtes, la tâche n’a rien d’intimidant. Sa nomination, loin d’être un simple geste administratif, symbolise une reconnaissance du courage, de la probité et de la compétence technique. Dans un secteur souvent dominé par les luttes d’influence, le parcours de Shamshir Mukoon résonne comme une leçon : la lumière finit toujours par triompher sur l’obscurité.
Star Journal d'information en ligne