Thursday , 28 March 2024

Loin de leur terre natale : le Ramadan des Mauriciens vivant à l’étranger

Nombreux sont les Mauriciens qui ont quitté leur terre natale pour aller travailler ou étudier à l’étranger. D’autres ont tout bonnement émigré dans d’autres pays. Comment ces compatriotes de foi islamique font-ils le Ramadan ? Entre les différences de culture, le nombre d’heures à jeûner et les habitudes alimentaires chamboulées…les Mauriciens nous racontent leur Ramadan dans leur pays d’adoption.

Akmez Sanandookhan, d’Irlande : «Nous faisons le taraweeh dans le hall d’une église»

Akmez SanandookhanCela fait 15 ans qu’Akmez Sanandookhan est parti s’installer dans la petite ville de Lucan à Dublin, en Irlande. C’est avec son épouse, Zabeen, et ses enfants, Keyaan (11 ans) et Ashaz (4 ans) qu’il passe le Ramadan. « Nous jeûnons près de 18 heures par jour ce qui est très diffèrent de Maurice. Je me dis toujours que ce sera dur mais Allah nous donne la force et le courage », dit-il. Bien qu’Akmez vive en Irlande depuis 15 ans, il ne change pas pour autant ses habitudes purement mauriciennes. « Le matin, je me réveille à 3h et l’iftar est à 21h16 actuellement. Au cours des prochaines années, l’iftar sera à 22h. Je ne suis pas une personne difficile et je mange du gruau au lait et du pain grillé. Par contre, je ne manque pas mes samoussas et mes half-moon à l’heure de l’iftar », nous dit-il.

Akmez nous raconte comment la vie est facile et simple dans son quartier où de nombreux musulmans ont réussi à se faire une place au soleil. « La majorité de musulmans sont des Pakistanais et nous n’avons aucun problème à pratiquer notre religion. D’ailleurs, nous faisons le taraweeh dans un hall de l’église St Mary’s », souligne-t-il. Akmez revient du travail vers 18h et il peut faire l’iftar à la maison mais le soir, il doit se rendre à l’église pour installer les tapis de prière pour le taraweeh.

« Le taraweeh débute vers 22h15 pour prendre fin à 00h45. J’ai à peine une heure de sommeil par jour », ajoute-t-il. Akmez dit avoir une pensée pour les Mauriciens et ajoute que ses parents, qui vivent à Souillac, lui manquent beaucoup surtout en ce mois de Ramadan.


Wardah Ellaheebucksh, de la Malaisie : «Le Ramadan est vraiment incroyable à vivre»

Wardah EllaheebuckshWardah Ellaheebucksh vit à Kuala Lumpur depuis maintenant deux ans et elle est étudiante en Biosciences Chimie. Elle jeûne pendant 13 heures chaque jour.

« Le mois de Ramadan en Malaisie est extraordinaire », dit-elle. C’est la deuxième année que Wardah fait le Ramadan toute seule en Malaisie. Elle nous raconte que son quotidien durant le Ramadan est synonyme d’une journée chargée avec ses différents cours à l’université. « Je suis une fille assez solitaire et cela ne me dérange pas de passer le Ramadan seule. Cependant, je suis très heureuse vu qu’il y a des endroits pour prier au campus. Cela me facilite beaucoup la tâche et ainsi je ne manque pas mes namaz », souligne-t-elle.

À peine ses cours terminés, elle retourne chez elle et profite de ses moments libres avant l’iftar pour faire la lecture du Saint Coran. « La lecture coranique m’aide beaucoup afin de me sentir bien dans ma peau et m’apporte une certaine tranquillité. La Malaisie est vraiment incroyable surtout à l’heure des prières. Je peux écouter plusieurs sourates avant de prier. L’ambiance est très animée et je remarque que les gens sont heureux ici. C’est vraiment incroyable », fait ressortir la jeune étudiante. Selon elle, il faut profiter de ce mois béni car Allah y fait descendre Sa miséricorde et expie les croyants de leurs péchés tout en exauçant ses du’as.


Fahiimah Kaudeerally-Bahadoor, de France : «Le jeûne dure plus de 17 heures»

Fahiimah Kaudeerally-BahadoorFahiimah Kaudeerally-Bahadoor vit son premier Ramadan en France. Elle vient de s’installer dans la commune de La Courneuve avec son époux, il y a moins d’un an. Pour elle, le Ramadan en France est très différent de celui de Maurice. «Actuellement, les Français font leur sehri à 3h du matin et doivent rompre le jeûne à 21h17. Puisqu’on est en été actuellement, le jeûne dure plus de 17 heures, mais en hiver, le jeûne est relativement plus court et facile», explique-t-elle. Fahiimah nous apprend que la salaat-ul-Esha est lue à 23h et le taraweeh se termine à 00h30.  « On a très peu de temps pour dormir, soit moins de 3 heures avant de se réveiller à nouveau pour le sehri », dit-elle. Elle confie qu’elle prend du temps à s’adapter vu que c’est son premier Ramadan dans l’Hexagone. « À Maurice, c’est complètement différent et nous n’avons pas les mêmes cultures. Néanmoins, je m’y habitue petit à petit », ajoute-t-elle. À la maison, Fahiimah dit rompre le jeûne avec des fritures comme elle avait l’habitude de le faire à Maurice. Des fois, elle va à la mosquée Anwaar-e-Taiba, à La Courneuve, où se rassemblent majoritairement des Mauriciens  et des Marocains. « Durant le Ramadan, les supermarchés jouent la carte de la promotion surtout pour les produits alimentaires généralement consommés par les musulmans durant cette période. Cela nous aide beaucoup », souligne-t-elle.


Feizal Nahaboo, du Canada :  «Parfum naan et halim chaud-là manque moi»

Feizal NahabooQuel que soit le pays où ils ont immigré, les Mauriciens n’oublient pas leurs devoirs religieux. Originaire de Phoenix, Feizal Nahaboo a émigré avec sa famille dans la province de Saskatchewan au Saskatoon, au Canada. Les membres de la petite communauté musulmane à Saskatoon font toujours appel à lui pour organiser des activités à l’occasion du Ramadan et de la fête Eid. Feizal nous raconte le Ramadan au Canada cette année : le Sehri débute à 3h du matin et l’Iftar est à 21h, soit au total 18 heures de jeûne chaque jour. Le namaz Fajr, à la mosquée de l’Islamic Association of Saskatchewan Saskatoon, est dirigé par l’imam Ilyas Sidyot. «Actuellement le climat est doux et malgré l’heure du taraweeh à 22h30, beaucoup de personnes s’y rendent pour accomplir leur namaz», dit-il. Feizal nous explique que le namaz taraweeh permet aux Mauriciens de se rencontrer et avoir des nouvelles de l’île Maurice.

Le week-end dernier, il a organisé l’iftar chez lui et il a convié des Mauriciens et Canadiens pour déguster un briani à la mauricienne qu’il a préparé lui-même. « C’est une occasion pour moi de retrouver cette convivialité mauricienne qui nous manque », ajoute-t-il fièrement. Feizal précise que vivre à l’étranger comporte de nombreux avantages, mais qu’il se sent triste lors du Ramadan car l’ambiance qui règne dans les rues de Plaine-Verte et de Phoenix lui manque. « ‘Mo éna nostalgie sa parfum naan là ek ene bol halim chaud ki pas gagner ici au Canada’. Mais les Mauriciens qui nous entourent nous sont chers et on fait comme si on est à Maurice. Au Canada, nous vivons comme une famille pour pouvoir tenir le coup », souligne-t-il. En attendant la fin du Ramadan, Feizal a déjà lancé les invitations pour que ses amis Mauriciens vivant au Canada viennent déjeuner chez lui pour la fête Eid.


Bazir Kurreembukus, du Mozambique : «On essaie de conserver certaines habitudes»

Bazir KurreembukusBazir Kurreembukus est Country Manager chez Rogers Aviation et vit à Maputo, au Mozambique depuis 2004. Marié à Rookshanah, il est père de deux filles : Hebbah (10 ans) et Romaana (12 ans). Cette année, il nous raconte que le Ramadan est très facile au Mozambique car le mois sacré coïncide avec le début de l’hiver.

« Actuellement, le sehri se termine à 4h57 et l’iftar est à 17h15. Par la grâce d’Allah, il est très facile d’observer le jeûne ici. Le climat est très doux en ce moment et il fait environ 20 degrés », dit-il.

Le matin, c’est vers 3h45 que la famille se réveille et s’active pour préparer le sehri. « Mes deux filles ont commencé à jeûner l’année dernière et cette année encore, elles sont déterminées à observer tout le mois du jeûne. D’ailleurs, elles sont très excitées le matin pour le sehri », souligne Bazir. Si la famille Kurreembukus réside au Mozambique depuis plusieurs années, Bazir avance que son épouse et lui essaient de conserver certaines habitudes mauriciennes. « Pour le sehri, nous prenons du ‘Oat Meal’ ainsi que des fruits, et Rookshanah prépare aussi des rotis. Des fois, les enfants veulent autre chose comme par exemple cette semaine, elles ont demandé à leur mère de leur préparer une pizza », souligne-t-il.

Bazir Kurreembukus fait ressortir qu’il se fait un devoir de rompre le jeûne avec sa famille tous les jours. « Je m’organise au travail pour pouvoir sortir à l’heure car actuellement l’iftar est très tôt », dit-il. Pour l’iftar, Rookshanah ne manque pas de préparer des gâteaux bien de chez nous comme les samoussas et les beignets. « Nous avons préservé nos habitudes alimentaires mais nous essayons en même temps d’innover. Par exemple, pour l’iftar, nous préparons aussi du poulet grillé, des frites ou même des brochettes. Mais ce que je préfère par-dessus tout, c’est le traditionnel ‘rissois’ que prépare Rookshanah », confie Bazir et d’ajouter que contrairement à la croyance populaire, le Mozambique a une population musulmane assez importante. « Il y a aussi beaucoup de mosquées à travers Maputo», conclut-il.


Zaafir Neeamuth, des État-Unis : «Ma famille à Maurice me manque énormément»

Zaafir NeeamuthChef pâtissier aux État-Unis, Zaafir Neeamuth confie qu’il vit le Ramadan très différemment depuis six ans maintenant. Pour lui, c’est toujours difficile de vivre ce mois béni loin de ses proches mais il n’a jamais manqué le jeûne du Ramadan depuis qu’il est à l’étranger. Il indique que cette année le jeûne dure environ 16 heures et 30 minutes. « Le Ramadan aux État-Unis n’est pas toujours facile car la température varie entre 30 et 35 degrés. Mais il faut de la persévérance et du courage, et Allah nous aide également », dit-il.

En tant que chef pâtissier, Zaafir Neeamuth nous dit qu’il éprouve des difficultés au travail durant le Ramadan. Il explique qu’il doit préparer beaucoup de desserts pour les clients et à chaque fois, il doit demander à ses collègues de goûter ses préparations afin de s’assurer que tout est parfait. « Le Ramadan ici est diffèrent de celui de Maurice. Je dois bosser vraiment dur », ajoute-t-il. Comme il vit seul, il doit préparer lui-même son repas du matin ainsi que l’iftar. Pour le sehri, il mange des céréales, des fruits, des croissants et du pain au chocolat. « Je romps le jeûne avec un peu d’eau et je continue à travailler et ce n’est que plus tard que je dîne. Ma famille à Maurice me manque énormément pendant cette période de jeûne », souligne-t-il.

Concernant la prière, Zaafir soutient qu’il fait partie d’une petite communauté de musulmans qui accompli le taraweeh en congrégation. « Je lis toutes mes prières dans ma chambre vu mon emploi du temps. Je fais de mon mieux pour accomplir les namaz et pour observer le jeûne du Ramadan car ce sont nos obligations envers le Créateur », dit-il.


Rabiya Keerpah-Domun, de Chine : «Deux sehri et deux iftar par jour»

Rabiya Keerpah-DomunRabiya Keerpah-Domun a posé ses valises à Shanghai, en Chine, depuis maintenant sept ans. Selon elle, l’ambiance du Ramadan est quasi inexistante. « Là où j’habite, il n’y a qu’un seul restaurant musulman que je fréquente de temps en temps et les gérants sont les seuls musulmans que je connaisse. Il y a bien une mosquée à Songjiang, mais c’est à plus d’une heure de trajet en voiture. Cependant, ma colocataire est aussi musulmane et ça aide beaucoup », explique cette Head Foreign Teacher Manager.

D’ailleurs, dans son travail, le concept de jeûne serait quelque peu méconnu. « Nombreux sont mes collègues qui sont étonnés qu’une telle chose puisse exister. Ils me demandent ainsi souvent si j’ai faim ou si j’ai soif. En Chine, ils sont très à cheval sur les repas qu’ils ne manqueraient pour rien au monde. M’avoir dans leur entourage les laisse un peu perplexe », poursuit-elle.  En sus de vivre à l’étranger, notre interlocutrice doit aussi composer avec son rôle d’épouse. En effet, notre compatriote est mariée depuis janvier 2018 à Yassir Domun qui, lui, vit à Maurice. Malgré la distance qui le sépare, le jeune couple reste « connecté », notamment à travers Skype. « Et avec le décalage horaire, qui est de 4 heures, cela me permet de faire 2 sehri et 2 iftaar par jour ! » lance Rabiya avec humour.

Elle s’explique : « Lorsque je me réveille à 2h30, Yassir revient du taraweeh. Il m’accompagne ainsi pour le sehri qui est à 3h29. Lorsqu’il se réveille à 4h30, il est alors 8h30 chez moi. À mon tour de l’accompagner durant son sehri. C’est la même chose pour l’iftar. Il m’appelle vite fait ou il m’envoie un texto à 18h45, heure à laquelle je suis encore au travail et je le rappelle ensuite lorsqu’il rompt le jeûne à Maurice. C’est devenu notre routine », dit-elle.


Shamila Hosenbux-Elsheby, d’Arabie saoudite : «La journée de travail est réduite à 6 heures»

Shamila Hosenbux-ElshebyConvivialité et partage. Deux mots qui résumeraient au mieux l’ambiance et l’atmosphère qui règnent durant le Ramadan en Arabie saoudite. C’est ce qu’indique  Shamila Hosenbux-Elsheby. Selon elle, le Ramadan en Arabie saoudite se prépare des semaines à l’avance. Cela, à travers notamment l’installation des décorations et des luminaires. « D’ailleurs, tout le pays est drapé de banderoles très colorées », déclare notre compatriote qui en est à son neuvième Ramadan dans ce pays.

Mariée à un Saoudien d’origine palestinienne, Shamila Hosenbux-Elsheby avance que durant ce mois, le quotidien et les habitudes de la population sont chamboulés. « La journée de travail, par exemple, est réduite à 6 heures seulement afin de permettre à la population d’avoir plus de temps pour faire leurs prières. Les restaurants sont fermés durant la journée. Ce n’est que vers 16h que ça commence à grouiller de partout avec notamment des gens qui achètent à manger ou ceux qui distribuent des ‘iftar pack’ aux pauvres et à ceux qui ne vont pas pouvoir rentrer chez eux à temps pour l’iftar », explique Shamila qui est originaire de Curepipe.

Shamila Hosenbux-Elsheby, qui est Career Development Manager dans une chaîne de restaurants, explique que durant ce mois, les mosquées sont pleines à craquer et que des volontaires s’y mobilisent afin de préparer l’iftar pour les millions de gens qui n’ont personne avec qui partager ce moment familial. Alors que pendant ce temps, dans les foyers, les gens se réunissent en famille, entre proches ou voisins en vue de rompre le jeûne. « Chacun apporte alors quelque chose. L’occasion pour moi de leur faire découvrir quelques unes des nos ‘spécialités’. Ce dont mes proches me demandent toujours, c’est le Hakien », confie la trentenaire.

Au moment du taraweeh, alors que la lecture du Coran résonne dans les mosquées, il n’est pas rare, selon Shamila Hosenbux-Elsheby,  de croiser des petits groupes de personnes, vêtues de leur Ihraam, convergeant vers La Mecque pour accomplir l’umrah. D’ailleurs, fait ressortir notre compatriote, les gens affluent de partout en cette période de l’année.


Rookman Cader, de Dubaï : «Il fait 40 degrés en ce moment»

Rookman CaderRookman Cader vit son premier Ramadan à Dubaï cette année. Une expérience inédite pour ce jeune homme qui a récemment posé ses valises dans la ville émiratie pour travailler comme concierge dans un hôtel. Pour lui, c’est la découverte d’une toute nouvelle culture. Il indique que le jeûne dure environ 15 heures par jour. « Le sehri est à 4h du matin et l’iftar vers 18h55. On est en été en ce moment et il fait 40 degrés. Il fait vraiment chaud et le taux d’humidité est très élevé », précise-t-il.

Vu que c’est le Ramadan, Rookman a fait une requête afin de pouvoir travailler le soir. Il commence son shift à 17h et termine vers minuit. « Je remercie le Créateur car jusqu’à présent, j’arrive à concilier le travail et le Ramadan dans un pays étranger. Quand je rentre du travail, je ne dors pas. J’attends le sehri. Puis je lis le Coran et accomplis le namaz avant d’aller me reposer », dit-il. Rookman confie qu’il profite de ses matinées de libre pour dormir. « Je me réveille avant la prière de Zohr. Puis, je me repose avant d’effectuer quelques tâches ménagères. Après le namaz Asr, je prends l’autobus pour aller travailler. C’est au boulot que je romps le jeûne », ajoute-t-il.

Rookman souligne que durant le Ramadan, l’ambiance et l’atmosphère à Dubaï sont très différentes de celles de Maurice. « Comme la population est majoritaire musulmane, la ville applique plusieurs lois islamiques. Il n’est donc pas permis aux non-musulmans de manger ou de boire ou même de fumer en public. Ainsi, les contrevenants doivent s’acquitter d’une amende », dit-il.

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