Après la tempête, vient le temps de la reconstruction à la rue La Paix. Secoué ces dernières semaines par un rapport d’enquête accablant sur la gestion du Hadj, l’Islamic Cultural Centre (ICC) s’engage désormais dans une phase à la fois délicate et décisive : celle du redressement moral, administratif et institutionnel.
La publication du rapport a conduit à la suspension de trois employés clés – le directeur, le Hajj Programme Officer et un chauffeur – désormais sous le coup d’un comité disciplinaire. Ses conclusions orienteront la suite du processus de réforme. En attendant, l’ICC ne peut pas encore « repartir à zéro », mais les contours d’une nouvelle gouvernance commencent à se dessiner.
Dans un contexte marqué par une érosion de confiance au sein de la communauté musulmane, l’ICC a décidé de s’entourer de compétences reconnues et de profils crédibles. Deux personnalités issues du milieu social et religieux feront leur entrée dès la semaine prochaine : Hisham Rojoa comme consultant et Abdus Saboor Mohamed Saleh comme membre du conseil d’administration. Leur arrivée est perçue comme un signal fort de la volonté du gouvernement de replacer l’institution sur des rails d’intégrité et de professionnalisme. Dans un deuxième temps, ils pourront être appelés à jouer des rôles de premiers plans au sein de l’ICC.
Hisham Rojoa n’est pas un inconnu à la rue La Paix. Il a déjà accompagné plusieurs projets de modernisation de l’ICC, dont la création de l’application Hajj Moris et la digitalisation de certains services administratifs. Son expertise sera mise à contribution en tant que consultant, pour consolider la gouvernance interne et poursuivre la transformation numérique du Centre.
Dans cette période de transition, ces nominations apparaissent comme un signal d’espoir et de renouveau. Elles traduisent une reconnaissance du mérite, de la compétence et de la droiture morale – trois qualités dont l’ICC aura plus que jamais besoin pour se relever.
Hisham Rojoa : L’ingénieur qui marie technologie, foi et engagement social
Ingénieur formé à Cambridge, entrepreneur accompli et acteur de terrain, Hisham Rojoa incarne cette génération de cadres mauriciens qui ont su mettre leur expertise technologique au service du pays, mais aussi de causes humaines et spirituelles.
Titulaire d’un Master of Engineering (MEng) en Electrical and Information Sciences de la prestigieuse Université de Cambridge (Royaume-Uni) et d’un MBA de MANCOSA (Afrique du Sud), il débute sa carrière en 1998 au sein de Mauritius Telecom, au département des services aux entreprises. Rapidement, il rejoint la division marketing, où il prend en charge tous les services de données et d’Internet de la compagnie. Son passage à AfriNIC, le registre Internet régional pour l’Afrique, lui ouvre ensuite les portes d’une dimension internationale dans la gouvernance du numérique et des réseaux.
De l’ingénierie à l’entrepreneuriat
En 2008, Hisham Rojoa franchit un cap décisif : il quitte le confort du salariat pour se lancer dans l’entrepreneuriat. Il fonde ou participe à plusieurs sociétés opérant dans la stratégie, la reconfiguration d’entreprise, le développement logiciel et la formation. Ces expériences cumulées lui confèrent une vision globale de la transformation numérique et de la création de valeur dans l’écosystème mauricien des télécoms et des technologies de l’information.
Son parcours illustre une rare capacité à conjuguer rigueur d’ingénieur, créativité d’entrepreneur et sens du collectif. C’est cette approche transversale qui lui permet aujourd’hui d’accompagner à la fois des entreprises, des institutions et des ONG dans leur transition vers des solutions digitales plus intelligentes et inclusives.
Engagement et conviction
Mais au-delà de la technologie, Hisham Rojoa est avant tout un bâtisseur de ponts humains. Depuis près de deux décennies, il s’implique dans des associations locales et internationales œuvrant pour la réduction de la pauvreté, l’éducation et l’autonomisation des familles vulnérables. Il a conçu plusieurs solutions numériques destinées aux ONG, afin de renforcer leur efficacité et leur capacité d’action.
Volontaire de longue date de l’Institution of Engineering and Technology (IET), branche mauricienne, il a organisé d’innombrables conférences et événements de portée nationale et internationale. Il a également siégé sur plusieurs comités de l’IET à l’étranger, dont un qu’il a présidé pendant trois ans, illustrant sa reconnaissance au-delà des frontières.
Foi, solidarité et innovation
Engagé dans plusieurs initiatives islamiques nationales, Hisham Rojoa a contribué à la digitalisation des services de la Jummah Masjid (via SMS et réseaux sociaux, en collaboration avec N. Ramtoola), au lancement du projet HalaalMoris (avec la Jummah Masjid, le JUM et le Halal Research Committee), ainsi qu’à plusieurs campagnes humanitaires en faveur des victimes du séisme en Turquie, des inondations au Pakistan et du peuple palestinien.
Son implication dans l’organisation du Hadj est également notable : formation des pèlerins, accompagnement sur le terrain en Arabie saoudite, coordination administrative avec la mission de l’ICC, et surtout, création de l’application Hajj Moris, un outil novateur facilitant la logistique et la communication des pèlerins.
Deux fondations pour servir autrement
Récemment, Hisham Rojoa a cofondé deux organisations : Project Salaam et la Medical Relief Foundation. Ces plateformes collaborent avec d’autres ONG musulmanes à travers l’île pour offrir aide alimentaire, soutien médical et programmes d’autonomisation. Project Salaam est par ailleurs l’un des points de contact officiels du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) à Maurice.
Membre actif de la Muslim Educational Society, qui célébrera son centenaire en 2026, il continue d’inspirer une nouvelle génération d’acteurs sociaux et économiques.
Abdus Saboor Mohamed Saleh : Entre savoir, foi et engagement social
Ancien cadre de Mauritius Telecom, Abdus Saboor Mohamed Saleh fait partie de ces figures discrètes mais profondément actives qui, par leur constance et leur engagement, ont su allier expertise professionnelle et service à la communauté.
Titulaire d’un MBA de l’Université de Leicester (Royaume-Uni) ainsi que d’une maîtrise en marketing, M. Saleh s’est distingué tout au long de sa carrière par son investissement dans la formation des adultes, domaine auquel il a consacré plusieurs années au sein de Mauritius Telecom. Sa rigueur académique et son sens de la pédagogie lui ont permis de transmettre, au-delà des compétences techniques, une véritable culture du professionnalisme et de l’excellence.
Sur le plan social et religieux, Abdus Saboor Mohamed Saleh s’est engagé très tôt dans plusieurs organisations islamiques mauriciennes. Il a été secrétaire de la World Islamic Mission de 2003 à 2009, avant de siéger au Muslim Family Council entre 2007 et 2015. À travers ces structures, il a animé de nombreux cours de préparation au mariage, notamment au sein de la Century Welfare Association et, plus récemment, de la Qadiri Sunnee Circle de Phoenix, contribuant ainsi à diffuser une approche équilibrée et éclairée de la vie conjugale selon les valeurs islamiques.
De 2010 à 2014, il a également présidé la Cockney Hudayetool Islam Society, avant de devenir en 2017 le président fondateur de Friends of Turkey, une organisation dédiée au dialogue culturel et à la solidarité internationale entre Maurice et la Turquie.
Écrivain, traducteur et pédagogue
Passionné par la transmission du savoir religieux, Abdus Saboor Mohamed Saleh a signé plusieurs ouvrages de référence : Les vertus du Durood Shareef, Du’as de repentir pour grands péchés, entre autres. Il s’est également distingué par la traduction en anglais du livre de Maulana Shah Abdul Aleem Siddiqui, Mirzai Haqiqat ka Izhaar, initialement rédigé en ourdou – une contribution qui témoigne de son souci de rendre accessibles les textes fondamentaux à un lectorat plus large.
En parallèle, il publie un mensuel intitulé Al Bayaan – The Truth Narrative, espace de réflexion et d’analyse qu’il consacre à la spiritualité, à la moralité et aux enjeux contemporains du monde musulman.
Marié à la fille cadette de Maulana Ahmad Bashir Keenoo, figure respectée du milieu religieux, et père de trois enfants, M. Saleh incarne cette tradition d’équilibre entre savoir intellectuel et engagement spirituel.
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