Friday , 19 April 2024
Bashir Khodabux

Bashir Khodabux : «Le GM s’était engagé à ne pas abolir le Best Loser System»

Bashir Khodabux, ancien ministre de l’Environnement de l’alliance MSM/MMM, se penche, dans l’entretien qu’il nous a accordé, hier matin, sur les propositions de réforme électorale présentées par le Premier ministre, vendredi après-midi. Selon lui, une réforme ne devrait pas être une priorité actuellement.

Les propositions portant sur la réforme électorale ont été finalement présentées ce vendredi. Il était temps, n’est-ce pas ?
La réforme électorale version «gouvernement Lepep 2018» a certes été présentée mais j’aimerais attirer l’attention sur certains points y relatifs. Car, je ne pense pas qu’une réforme électorale aurait dû une priorité et pour le gouvernement et pour le pays au vu de la conjoncture actuelle. Je  dirais très franchement que c’est une manœuvre purement politique. Ces propositions de réforme viennent en quelque sorte masquer une situation à Maurice qui ne fait pas honneur à l’image du gouvernement et à celle du Premier ministre lui-même. Le népotisme à son apogée, le favoritisme et les nominations pour ne citer que ceux-là. Donc, les scandales perdurent. La conjoncture économique ne vient pas aussi enjoliver la situation car nous sommes confrontés à des incertitudes dans le secteur financier. Plusieurs autres secteurs n’affichent pas la grande forme également. Ce qui fait que le timing du gouvernement pour venir avec ces propositions soulève beaucoup de doutes et n’inspire aucune sincérité et d’engagement réel. C’est tout simplement une tactique politique

 «Ces propositions de réforme viennent en quelque sorte masquer une situation à Maurice qui ne fait pas honneur à l’image du gouvernement et à celle du Premier ministre lui-même.»

« Simple, pratique et qui répond aux exigences et aux réalités du pays. » Partagez-vous l’avis du Premier ministre sur les propositions de réforme ?
Non. Déjà que ces propositions ne viennent pas d’un gouvernement qui a une volonté réelle de changement et qui veut travailler dans l’intérêt du peuple mauricien. Lors des dernières élections, l’alliance gouvernementale s’était engagée à venir de l’avant avec une réforme électorale et à présent, elle veut démontrer qu’elle a tenu sa promesse. Mais si le gouvernement le fait pour cette raison, qu’il le fasse correctement ! Il faut que la réforme soit dans l’intérêt et l’avancement du pays et non pas pour faire le pays reculer et engendrer davantage de problèmes.

Êtes-vous partisan d’une augmentation du nombre de députés à l’Assemblée nationale ?
70 députés c’est déjà suffisant. Nous sommes bien représentés per capita. Lorsque nous mettons trop d’emphase sur le nombre de députés, cela peut créer une mauvaise perception du Parlement et des travaux parlementaires. Vous n’avez pas besoin de 30 ou de 40 députés pour faire entendre votre voix au sein de l’Hémicycle. Cela s’applique tant pour le gouvernement que pour l’opposition. C’est la qualité des députés qui doit primer sur la quantité. Pour avoir de bons députés, il faut avoir de ce fait de bons candidats. Néanmoins, ilexiste une opinion qui fait accroire qu’une dose de proportionnelle viendra rassurer un peu plus cette frange de la population qui a voté pour tel ou tel parti. Dans ce cas, si cela vient accroître l’élément de « fairness », je ne suis pas contre une augmentation du nombre.

«Dans notre système électoral de First Past The Post (FPTP), il est normal que le parti qui obtient le plus grand nombre de sièges forme le gouvernement.»

Un nombre accru de députés ne constitue-t-il pas un fardeau financier pour l’État ?
Au lieu d’augmenter le nombre de députés, j’estime qu’il faut diriger ces ressources financières qu’on économiserait vers d’autres niveaux de la gestion administrative ou politique du pays. Car, cela ne se fait pas uniquement au niveau du gouvernement mais à travers des conseils de village, des conseils de district et des municipalités. Je trouve qu’il faut donner plus de ressources financières à ces instances pour qu’elles puissent améliorer les services proposés.

Selon vous,  à quoi sert « une dose de proportionnelle » ?
Ce n’est pas la première fois que nous avons des propositions de réforme électorale. Des propositions ont déjà été faites par le passé et il est essentiel de comprendre la nécessité d’une réforme. Ce n’est pas parce que Maurice veut surfer sur la vague de la modernité que nous avons besoin de cette réforme. Loin de là. La seule raison valable qui a existé hier, aujourd’hui et qui le sera encore demain, c’est qu’il faut apporter un élément de « fairness » dans notre système électoral. Cela existe néanmoins, mais c’est insuffisant.

«Au lieu d’augmenter le nombre de députés, j’estime qu’il faut diriger ces ressources financières qu’on économiserait vers d’autres niveaux de la gestion administrative ou politique.»

Expliquez-vous.
Dans notre système électoral de First Past The Post (FPTP), il est normal que le parti qui obtient le plus grand nombre de sièges forme le gouvernement. Il existe un élément d’équité dans ce système mais bien souvent le pourcentage de votes recueillis par un parti dans l’ensemble du pays ne reflète pas le nombre de sièges de ce parti au Parlement. J’aime bien faire référence aux élections de 1983 où le MMM avait recueilli environ 45% de votes. Le parti n’avait cependant que 19 députés et avec les Best Losers, le chiffre était passé à 22. Les opinions divergent mais certains estiment qu’il faut un mécanisme qui donne plus de considération au pourcentage de votes. Mais cela ne change rien. Gouvernma pas pou sanzé avec sa !

Remplacer le Best Loser System par un système de sièges additionnels. Pensez-vous qu’une telle formule puisse causer préjudice aux minorités ethniques ?
Il ne faut pas oublier que le gouvernement s’était engagé à ne pas abolir le Best Loser System (BLS). Mais dans les propositions de réforme, le PM veut faire croire que ce système ne sera pas éliminé mais qu’en même temps, il le sera ! C’est paradoxal ! Il y a une véritable hypocrisie qui entoure ces propositions. Car soyons francs, le BLS avait été mis en place non pas parce que c’était le souhait de telle ou telle personne mais parce que les réalités mauriciennes avaient exigé un système qui rassure toutes les composantes de la population. On ne peut pas changer les réalités d’une nation du jour au lendemain. Le peuple mauricien est-il responsable de la diversité qui existe ? Est-il aussi responsable s’il y a des musulmans, des créoles, des hindous ou des sino-mauriciens dans le pays ? Au contraire, moi je dirais que c’est une richesse. Donc, les fondateurs de l’État mauricien ont trouvé par consensus que le BLS vient s’ajouter aux résultats des élections qui sont basées sur le principe du suffrage universel.

«Est-ce qu’une candidate uniquement par le fait qu’elle soit une femme devient automatiquement une meilleure députée ou ministre ? L’histoire de Maurice a démontré que c’est le contraire
qui est vrai.»

Vous ne partagez donc pas l’avis de ceux qui disent qu’il faut éliminer toute connotation communale à notre système électoral?
Il ne faut pas aborder la question d’un point de vue communal mais plutôt patriotique. Les musulmans ne sont pas les seuls qui ont bénéficié du Best Loser System. Les droits de toutes les autres minorités ont été respectés et j’estime que chaque gouvernement dans n’importe quel pays doit pouvoir donner une assurance à ces minorités. Cela dans le but de créer une harmonie. Le BLS a fait ses preuves tout comme le système de First Past The Post. Certains disent que le BLS est basé sur un principe communal mais c’est un argument banal, voire enfantin. Quel Mauricien va nier avoir une identité ethnique ou religieuse ? D’ailleurs, le gouvernement prévoit chaque année un budget pour les institutions religieuses du pays. Cela démontre clairement que le pays est composé de plusieurs communautés. Pourquoi alors créer un malaise lorsqu’on transfère cette notion dans le domaine politique ?

Est-ce judicieux de laisser le choix aux leaders des partis politiques de faire le repêchage des candidats battus ?
Certainement pas. Ils sont nombreux à dire qu’il faut une dose de proportionnelle pour représenter le pourcentage de voix recueillis. Soit. Mais dans ce cas, je trouve qu’il serait plus judicieux de laisser à la Commission électorale le soin de choisir les candidats sous le système de proportionnelle selon les calculs mathématiques mais aussi en tenant en compte les minorités. Cela devrait s’appliquer pour chaque parti. D’ailleurs, je ne suis pas d’accord avec la liste de 24 candidats établie selon un ordre de priorité. Il faut une liste de noms en ordre alphabétique et laisser le soin à la Commission électorale de décider.

Le GM a aussi fait des propositions qui ont trait au « transfugisme » uniquement pour les PR et BLS. Est-il temps de venir de l’avant avec une loi anti-transfuge ?
Oui. De manière générale, il faut le faire. Le transfugisme tel que nous le comprenons, c’est-à-dire quand un député « cross the floor», vient fausser le verdict du peuple. Je pense que sur le plan moral, un député doit rester dans son parti et décider s’il ira ailleurs que lors des élections générales. Dans d’autres cas, où sur le plan purement idéologique lorsqu’un  député ne se sent plus attaché à son parti, il peut devenir un député indépendant. Mais cela fausse également le verdict du peuple. L’idéal, c’est qu’il démissionne tout bonnement. Cela doit s’appliquer à tous les députés qu’ils soient élus par le First Past The Post ou repêché à la proportionnelle ou le BLS.

«Les musulmans ne sont pas les seuls qui ont bénéficié du Best Loser System. Les droits de toutes les autres minorités ont été respectés et chaque gouvernement dans n’importe quel pays doit pouvoir donner une assurance à ces minorités.»

Les propositions de réforme font la part belle aux femmes. Le seuil d’un tiers est-il suffisant ?
Lorsqu’on impose quelque chose, cela engendre déjà une certaine injustice. On ne peut décider arbitrairement qu’il faut tant de femmes dans les circonscriptions. C’est dictatorial. Aussi, est-ce qu’une candidate uniquement par le fait qu’elle soit une femme devient automatiquement une meilleure députée ou ministre ? L’histoire de Maurice a démontré que c’est le contraire qui est vrai. Il faut voir les réalités mauriciennes avant tout. Les femmes qui sont compétentes, qui sont intéressées par la politique et qui peuvent se faire accepter par la population vont émerger d’elles-mêmes. Nul besoin d’imposer qui que ce soit car ce faisant, on limite le choix. Chaque parti a ainsi le devoir de dénicher ces genres de femmes. Pour tout le respect que j’ai pour les femmes, j’estime qu’une telle décision de la part du gouvernement est une insulte pour la femme. C’est une attitude paternaliste et on essaie de faire croire aux femmes qu’elles n’auraient pas pu se faire élire si un tel critère n’avait pas été établi au préalable.

Sinon, une loi sur le financement des partis politiques se fait toujours attendre. Pourquoi les gouvernements successifs sont réticents à présenter un tel texte de loi ?
D’abord, je ne suis pas d’accord avec une telle loi. Les partis politiques deviendront comme des « boutiques » avec une loi sur leur financement. Aussi, je suis contre le fait que les partis soient financés par les fonds publics. Malgré l’absence de cadre légal, les partis politiques ont fonctionné de façon efficace. Le seul piège dans lequel les partis ne doivent pas tomber c’est de ne pas devenir les esclaves des lobbys de la part des personnes ou entités qui leur apportent une aide financière. L’intérêt du peuple doit primer. L’argent noir aussi ne doit pas entrer dans les caisses des partis politiques. Mais qui nous donne la garantie qu’une loi sur le financement des partis politiques va empêcher que des partis acceptent de l’argent sale ?

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