Le président de la Listed Companies Minority Shareholders Association, Awadh Balluck, est catégorique : les principes de la bonne gouvernance à la compagnie Air Mauritius ont été bafoués. Il souligne également que le départ de Megh Pillay reste un mystère. Par ailleurs, il estime qu’il y a trop de managers à Air Mauritius, alors que la compagnie a besoin de sang neuf.
- La compagnie Air Mauritius semble toujours passer par des turbulences. Quelles en sont les raisons d’après vous ?
Les membres du conseil d’administration d’Air Mauritius, ainsi que le CEO, ont toujours été recrutés par le gouvernement. Donc, les deux se croient forts et par la suite les résultats sont ce que nous avons témoigné récemment chez Air Mauritius. Personnellement, je pense que le gouvernement doit nommer un board crédible qui à son tour doit recruter le CEO. Ce dernier doit être redevable seulement au conseil d’administration et non pas au gouvernement. Le conseil actuel comprend des conseillers, des fonctionnaires, des nominés politiques, entre autres. Ce sont eux qui décident de tout, notamment de l’avenir du CEO d’Air Mauritius.
- Trouvez-vous normal que le CEO soit toujours assis sur un siège éjectable ?
Ce n’est pas normal du tout. Qui dit éjectable, dit aussi ingérence politique. Une personne peut être éjectable si elle n’est pas performante. Mais, j’insiste sur le fait que le CEO doit être recruté par le conseil d’administration. Et si le CEO est en train d’accomplir toutes ses tâches comme il le faut, il ne pourra être éjecté.
- Que pensez-vous personnellement de la révocation de Megh Pillay ?
Les principes de la bonne gouvernance ont été bafoués par le Conseil d’administration d’Air Mauritius. Comment peut-on convoquer une réunion trois heures avant le licenciement du CEO? On s’attend à ce que les membres se libèrent, comme si, ils sont « at your beck and call»! Chaque membre a ses obligations. Le jour où il aura à assister une réunion, il prend toutes ses dispositions. Je comprends leur empêchement et je ne peux les blâmer pour leur absence. Mais dans ce cas précis, ils auraient pu faire un effort pour contrer cette décision. Parce que c’est trop facile de ne pas prendre part à des décisions et faire toutes sortes de commentaires par la suite. Par ailleurs, les indicateurs démontrent que le CEO était performant. Alors, pour quelle raison a-t-il été viré ? Les indicateurs démontrent que la valeur des actions est en hausse. Il faut aussi savoir sur quelle base Megh Pillay a été sanctionné. La réponse est simple. C’est en raison de l’affaire Mike Seetaramadoo.
- Insinuez-vous que cette révocation est liée à l’affaire Mike Seetaramadoo ?
Certainement. L’affaire Mike Seetaramadoo est à l’origine du départ de Megh Pillay. Pourquoi le conseil veut-il que l’affaire Seetaramadoo soit traitée à la hâte? Qu’est-ce qui lie le conseil, notamment ces quelques personnes qui ont pris la décision, à cette affaire ? C’est l’énigme à résoudre. On se demande comment l’affaire Seetaramadoo a pu pousser le conseil à décider du départ de Megh Pillay, avec trois heures de préavis. Le public a le droit de savoir. Y-a-t-il eu des directives ou non ? Le conseil a fourré son nez dans les choses qui ne le concernent pas car le conseil n’a rien à avoir avec le « day-to-day running ». Et le résultat est clair. Personnellement, je trouve que Megh Pillay avait raison de dire que Seetaramadoo devait faire face à un comité disciplinaire.
- Pensez-vous que la solution c’est de retourner avec la formule du PDG ?
Non. Je suis complètement contre le retour vers un PDG au sein d’un corps parapublic. Air Mauritius n’est pas une entreprise privée. Dans une compagnie où l’Etat détient la majorité des actions, la question ne se pose pas. Ce sera comme en 2000, à l’époque de sir Harry Tirvengadum. Nous avons tous été témoins des conséquences. Quelle leçon avons-nous tirée ? Suite à ce problème, les gens disent qu’il faut un PDG. Mais non, il suffit que les responsables fassent leur travail convenablement. Résoudre un problème par un retour en arrière n’est pas la solution. Ainsi, le CEB et la CWA pourront demander des PDGs.
- Vous partagez l’avis de certains qui disent que c’est l’ingérence politique qui est en train de plomber la compagnie ?
Il est clair qu’il y a ingérence politique à travers des nominés politiques. Comme l’a affirmé le ministre Roshi Bhadain. Un conseiller ne doit accomplir que ses devoirs de conseiller et surtout ne pas prendre la place de la personne qui vous a nommé conseiller. Un politicien pourra supporter les mauvaises actions d’un nominé pour ses intérêts personnels.
- Est-ce que vous, les petits actionnaires, gardent toujours l’espoir qu’Air Mauritius retrouvera la stabilité ?
Au rythme où les choses évoluent, je ne crois pas que la compagnie retrouvera la stabilité. Nous menons une lutte depuis une quinzaine d’années pour la stabilité de cette compagnie d’aviation nationale. Une lutte en permanence pour qu’il y ait toujours des améliorations. Nous pouvons toujours améliorer… Et c’est cela notre « guiding principle ».
- Quelles sont vos propositions ?
Nous, les petits actionnaires, n’avons ni le pouvoir financier ni politique, ni le pouvoir d’un conseil d’administration ou d’une Assemblée nationale pour influencer quoi que ce soit. Nous comptons sur l’opinion publique pour nous prêter main-forte. Nous sommes d’avis qu’il faut recruter des personnes compétentes. Il faut que le CEO soit nommé par le Conseil d’administration qui est à son tour redevable envers les actionnaires. Il faut également freiner les ingérences politiques pour le bon fonctionnement de la compagnie.
- Quels sont les maux dont souffre la compagnie ?
Air Mauritius a été jusqu’ici gérée par les mêmes personnes qui n’ont pas d’idées novatrices. Leur incompétence est claire parce qu’à chaque fois qu’il y a un blocage, des experts étrangers sont invités à Maurice pour analyser la situation et prodiguer des conseils. Cet argent qu’ils utilisent pour faire venir des experts étrangers appartient aux actionnaires. Si on ne laisse pas la compagnie fonctionner comme il le faut, nous ne verrons jamais la lumière au bout du tunnel. Je dirai même que l’Etat a tout le pouvoir et les moyens pour redresser la situation.
- Pensez-vous qu’Air Mauritius est «overstaffed » ?
Le problème de « overstaffing » est par rapport aux responsabilités et fonctions de la compagnie. Si Air Mauritius peut démontrer que chaque employé a ses responsabilités et fonctions, il n’y a aucun souci. Mais, il y a une chose dont je suis sûr ; il y a trop de « managers » chez Air Mauritius. Je crois même qu’il est temps d’ouvrir une enquête sur les anciens et les managers actuels, par rapport à leurs qualifications. Ont-ils les qualifications requises pour occuper ce poste ? De plus, Air Mauritius ne décolle pas parce que ce sont les mêmes personnes qui dirigent la compagnie. Je recommande un système similaire au VRS pour les faire partir. Il nous faut du sang neuf.
- Les petits actionnaires sont-ils d’accord avec l’ouverture de l’espace aérien ?
C’est une stratégie politique. Ce sont ces choses que le conseil d’administration doit considérer et examiner et voir si c’est dans l’intérêt du pays ou pas. Si vous demandez aux voyageurs mauriciens, ils sont ravis d’avoir Air Asia. Les frais de voyages avec Air Asia sont très abordables, que ce soient les frais de bagages, le prix du billet ou le prix des repas à bord. Les gens sont contents d’avoir un avion low-cost. Je ne suis pas un expert mais du point de vue d’une « ti dimoune », c’est une bonne stratégie. C’est au Conseil d’administration de se positionner avec l’ouverture de l’espace aérien et d’envisager ses conséquences. C’est à partir de là que le travail commence.
- Certains pensent que le fait que le couloir aérien commence à Singapour et non pas à Kuala Lumpur est une mauvaise décision…
C’est une stratégie très technique et je ne pourrai me prononcer à ce sujet. Mais je crois toujours que s’ils ont choisi Singapour, il faut qu’ils en fassent connaître les raisons. Les Mauriciens veulent comprendre c’est quoi un couloir et pourquoi il commence à Singapour. À partir de là, Air Mauritius pourra bénéficier du soutien de la population.