Saturday , 20 April 2024

Rencontre avec l’ex-juge Shaheda Peeroo : « Ma foi et ma conscience m’ont aidée à prendre des décisions »

Sortant de sa réserve habituelle après son départ à la retraite, l’ex-juge de la Cour suprême, Shaheda Peeroo, nous parle avec passion et enthousiasme de son parcours comme juge et des bons moments qu’elle a passés dans le monde judiciaire.D’emblée, elle rend grâce au Créa­teur. « En plusieurs occasions avant de rendre certains juge­ments, je me suis prosternée devant mon Créateur pour lui demander de me guider. Allah seul sait ce qu’il y’a dans le coeur d’une personne et c’est ma foi qui m’a fait travailler avec intégrité et ma conscience m’a guidée à prendre certaines décisions », nous confie-t-elle.

L’ex-juge Shaheda Peeroo laisse par­ler son coeur et met un point d’honneur à rappeler que la sourate 4 verset 135 du Saint Coran représente la conception de la justice.

Shaheda Peeroo a quitté le pays à l’âge de 16 ans pour suivre ses parents en Angle­terre. Elle est admise au Kilburn Polytech­nique pour y faire ses études secondaires. Quelques années après, elle s’inscrit à la INNS of Court School of Law pour étudier le droit. Elle nous révèle avoir choisi ce domaine car durant son enfance elle hab­itait la capitale en face du bureau de son oncle, l’ex-juge Ahmed, et depuis elle vou­lait porter la toge noire. Elle fait ensuite son LLB à la London University et son pupillage au King’s College. Shaheda Peeroo a étudié le droit civil français com­me matière principale. Durant son pupil­lage elle a travaillé à la High Court of Jus­tice comme Registrar à Londres.

Alors qu’elle était toujours en Angle­terre, elle fait la rencontre de Razack Peeroo venu faire des études d’avocat. 10 jours après leur retour à Maurice, ils s’unissent pour la vie.

À ses débuts, elle est prosecuting coun­sel. En 1977, elle fait son entrée par la grande porte au Parquet comme Crown Counsel. Cinq ans plus tard, Shaheda Peeroo est promue magistrate en 1982 et siège en cour de Mapou. Par la suite elle siègera dans presque toutes les cours de l’île. Même à Rodrigues elle a travaillé comme Deputy Master. Shaheda Peeroo gravit un échelon supérieur et elle est nommée District Magistrate. Elle est en­suite promue Senior District Magistrate et siège en cour intermédiaire. Puis elle est nommée présidente de la cour industrielle et quelques années après, elle est nommée Deputy Master in Supreme Court et plus tard Master and Registrar.

Nommée juge en 1996

En 1996, c’est la consécration pour son son impartialité, son sens de justice et son intégrité quand elle est nommée juge de la cour suprême. « C’est un travail de grande responsabilité qui demande une grande discrétion. C’est ma foi profonde qui m’a aidée dans mon travail et ma conscience m’a guidée dans la prise de décisions. Mon Créateur c’est mon guide », laisse-t-elle en­tendre.

Discrétion oblige, elle reste à l’écart des activités mondaines pour éviter de se mêler aux gens. « J’ évitais de prendre des cas où mon époux Razack et mon fils Assad paraissaient comme avocats. Mon époux faisait de la politique et je ne voulais pas que les gens fassent l’amalgame », nous indique-t-elle. Shaheda Peeroo a connu beaucoup de bons moments dans sa carri­ère comme juge mais sa joie réside surtout dans les bons jugements qu’elle a rendus et qui sont cités comme référence. L’ancien juge a toujours gardé de très bonnes rela­tions avec tous les avocats et les a traités avec égards sur un même pied d’égalité sans préférence aucune. « Pour être un bon juge il faut avoir confiance dans la jus­tice et de son côté le juge doit donner confi­ance aux avocats pour garder l’image de l’institution. Le travail d’un juge ne s’arrête pas après les heures de bureau mais très tard dans la nuit », souligne-t-elle. Sha­heda Peeroo nous révèle qu’en plusieurs occasions, elle s’est réveillée à 2 heures du matin pour faire des recherches.

L’ex-juge a toujours pris à coeur son rôle d’épouse et de mère de famille malgré l’immense responsabilité sur ses épaules. Elle remercie son époux Razack qui l’a tou­jours aidée à diminuer le fardeau de tâches ménagères. Quand son époux faisait de la politique, elle ne dormait pas avant son arrivée tard dans la nuit.

 Le verset coranique que l’ex-juge Shaheda Peeroo conserve dans son bureau et dont elle s’inspire pour ren­dre justice : « O ye who believe stand out firmly for justice, as witness to God, even as against yourselves, or your parents ,or your kin, whether it be (against) rich or poor for God can best protect both. Follow not the lusts (of your hearts), lest ye swerve, and if ye distort ( justice ) or de­cline to do justice verily God is well – acquainted with all that ye do». Chapter 4 verse 135.
Épouse et mère

Mère de 2 fils avocats, Assad et Jamsheed, l’ex juge est grand-mère de 3 adorables petit-fils. Avec son époux elle a accompli le hajj et en 3 occasions l’umrah. Maintenant qu’elle a pris sa retraite, elle prendra un repos bien mérité avant de rejoindre les Peeroo Chambers comme consultante. Shaheda Peeroo est l’un des 3 juges qui ont siégé au tri­bunal administratif de l’Union Africaine. Elle a assisté de nombreuses conférences sur la constitution et les droits humains comme représentante de la Cour suprême. L’ex-juge conseille aux jeunes avocats de travailler avec intégrité pour préserver la noblesse de la profession et d’être toujours courtois envers la cour. Elle demande aux avocats de respecter la justice et aux magistrats de respecter la profession légale tout en étant «Firm but Fair ». Shaheda Peeroo conseille aussi aux avocats de défendre l’intérêt de leurs clients et de ne pas être leur porte-parole. « La justice est quelque chose de sacré et n’est pas à vendre. Justice must not only be done but must seen to be done”, rappelle-t-elle. Comme citoyenne, Shaheda Peeroo est très concernée par la dégradation des moeurs et par la situation dans le pays . “Il faut analyser la situation et voir pourquoi notre société va dans cette direction », dit-elle.

 

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