Dieu a créé toute chose en couple, une paire avec deux éléments qui sont distinctement différents. S’ils ne sont pas absolument opposés dans tous les sens, il n’empêche que les objets de la création sont faits essentiellement d’une chose et de son binôme, son contraire quelquefois même. Comme le chaud et le froid. Au Nord, les pays sont en été alors qu’au Sud, nous sommes en hiver. Le jour et la nuit, autre couple, se succèdent jusqu’à ce que ce sera l’été, ici, et l’hiver, là-bas, dans six mois.
Froid
La période hivernale est arrivée, même s’il y a des jours où on se croirait encore en été dans certaines régions, surtout sur la côte. Au même instant, dans les hauteurs, il arrive qu’il fasse un froid glacial, surtout s’il y a du vent et de la pluie. Alors qu’il peut briller un doux soleil dans l’est, il se peut qu’à l’autre bout du pays, un épais brouillard couvre les versants du plateau central. Mais en général, à Maurice, c’est bien l’hiver qui nous frappe maintenant et pourra persister encore quelque temps avec une possibilité de températures assez basses. Très loin de celles qui provoquent des canicules dans l’hémisphère nord, au même moment.
Nos ainés nous rappellent, lorsque nous nous plaignons du froid, qu’il y a environ 40 ans seulement, les dents se claquaient tant il faisait froid à Forest-Side. Une légère vapeur blanche pourrait accompagner aussi chaque expiration matinale à l’époque, comme certains jours de juillet et d’août à Midlands ou à Nouvelle-France. Sortir de chez soi à Vacoas ou Floréal n’était pas une mince affaire sans porter des habits chauds. Se rendre à Trou-aux-Cerfs ou à Plaine-Champagne ne se faisait pas pour le plaisir tant on grelottait. S’il n’a jamais neigé, plusieurs fois des tombées de grêle ont été rapportées dans le sud. Certains Portlouisiens avaient développé une certaine phobie de l’hiver des hautes Plaines-Wilhems et ne rendaient jamais visite à leurs proches en cette saison.
Aujourd’hui, les statistiques ne prouvent pas qu’il fait plus froid. Mais une sensation qui est perçue par beaucoup de gens est que l’hiver de cette année est plutôt difficile, voire douloureux. Et ce n’est pas uniquement une population vieillissante qui s’exprime en ce sens. Est-ce à cause d’une certaine acclimatation à des températures plus élevées, et assez récentes ? Le corps humain a une mémoire de la température et se pourrait-il que notre perception de confort soit davantage liée à un climat plus tempéré, voire chaud ?
Certains disent ouvertement qu’ils préfèrent l’été à l’hiver. Toutefois, il y a beaucoup aussi qui sont d’un différent avis. Cela ne se discute pas. De toute façon, il faut remercier Dieu, car nous n’avons pas des extrêmes de chaleur et de froid, comme ailleurs. Pour une année, rarement y a-t-il une maximale de plus de 37°C et une minimale de moins de 11°C, la moyenne oscillant autour de ce qui fait le bonheur d’une île tropicale. Cependant, avec le dérèglement climatique, la chaleur au fil des années semble augmenter sensiblement. Surtout, le temps devient très imprévisible avec un phénomène prononcé de microclimats.
Déboisement
Sur le plateau central, mais pas seulement, il y a eu un déboisement massif au cours des dernières décennies. Logiquement, cela aurait dû faire monter le mercure, mais il faut prendre en compte un autre effet. Lorsqu’il y a des vents conséquents, ce qui arrive assez souvent, les arbres ne sont pas là pour nous protéger de la froideur du vent. Et avec quoi a-t-on remplacé les forêts ? Souvent, avec des routes qui agissent comme un tunnel pour accélérer les soufflements de vents glacés vers les habitations. Et surtout, il y a eu une multiplication de constructions en béton qui ont une particularité. Une masse bétonnière conserve la chaleur comme elle conserve le froid. En fait, la chaleur comme la froid ne sont que deux faces d’une même propriété : c’est la température ambiante qui décide dans quelle direction l’énergie thermique s’écoulera. Ainsi, avec le béton, nous souffrons en été comme en hiver.
Il est connu qu’au Nord, le chauffage est indispensable en hiver, car il peut même y avoir des températures de moins de 0°C. Au Sud également, c’est courant d’allumer le chauffage, en Afrique du Sud par exemple, avec une implication grave sur la capacité de fournir de l’électricité au pays sans risque de délestage. C’est le cas à la Réunion pareillement où le chauffage est responsable d’une demande de pointe plus élevée en hiver qu’en été.
À Maurice, nous ne sommes pas dans une culture énergétique où nous puisons de la chaleur pour notre confort à partir de l’électricité. Ni encore se chauffer avec d’autres sources d’énergie, même si dans un passé lointain cela se faisait avec du charbon de bois. Les cheminées de certaines maisons coloniales à Curepipe ou les réchauds de nos grand-mères qui vivaient dans la misère en témoignent. Toutefois, il faut faire attention. Passer d’un climatiseur en mode été à un chauffage lorsqu’il fait froid sur le même appareil n’est qu’une question d’une touche sur une télécommande. Pire, certains pourront vite adopter un « heater » à la moindre vague de froid, ne serait-ce que sous la forme d’une couette dite « électrique ». La facture du CEB tout comme l’impact sur l’environnement ou le danger d’accident, tout le monde ne s’en soucie pas.
Alternatives
Mais nos ancêtres avaient raison par rapport à comment résister au froid. D’abord, ils avaient un savoir-vivre qui ne les permettait pas de gaspiller le peu d’argent et de moyens qu’ils avaient dans des solutions qui ne sont que temporaires, sinon non-essentielles. Aujourd’hui, à la moindre publicité, on finit par s’endetter pour s’acheter un radiateur électrique qui servira pendant quelques jours réellement. Nos aînés, d’abord, résistaient au froid autant que possible. Est-ce leur alimentation saine ou leur mentalité qui les rendait si « résilients », comme on dirait aujourd’hui ? Si le froid persistait, ils prenaient les sacs de « gouni » et les transformaient en couvertures. En ingénierie du textile de l’ère moderne, c’est à peu près cela qu’on a trouvé aujourd’hui comme l’ « innovation » la plus efficace.
Certes, il ne faut pas s’attendre à ce que nous nous habillions en « gouni », mais l’idée est qu’il faut combattre le froid qui ne durera qu’un temps par des vêtements chauds. Le commerce international, y compris avec les produits contrefaits, vrais et faux, a rendu abordable pour la plupart des Mauriciens des jackets, pull-overs, tricots, joggings, bonnets, polos, chaussons, bottes, écharpes et autres tenues hivernales qui jadis étaient réservées aux riches. Il fut un temps où il fallait attendre qu’un proche revienne de l’Europe pour avoir un habit chaud en cadeau.
Pour terminer, il ne faut pas également oublier les aliments qui nous aident à mieux faire face à l’épreuve du froid. Il y a les soupes et tisanes chaudes, à commencer par le thé bien mauricien, mais aussi toute une panoplie de végétaux qui réchauffent et consolident notre système, allant du thym au gingembre. Les changements de saison peuvent être l’occasion d’épidémies comme celle de la grippe, et il faut s’armer de suppléments nutritionnels, naturels et locaux autant que possible. En ce temps hivernal actuel, non seulement il y a une abondance de légumes sur le marché, mais les prix sont devenus relativement raisonnables.
Imaginons qu’il n’y avait que l’hiver, pas d’été. Ou que du chaud, jamais aucun froid. L’être humain, ingrat, n’est nullement reconnaissant envers Le Créateur, qui a créé toutes les choses en paires. Et nous a aussi épargnés les extrêmes. L’intelligence de l’homme lui a fait comprendre qu’il y a une température singulière qui est le zéro absolu, rien de plus bas, en dessous de laquelle l’existence physique est impossible. N’est-ce pas là un signe évident… pour ceux qui ont la foi en un Dieu Unique, qui n’a rien comme pair, contrairement à toute Sa création ?
Par PROF. KHALIL ELAHEE