Considéré comme ayant été l’homme fort derrière l’organisation des 10es Jeux des Îles de l’océan Indien, le Permanent Secretary du ministère de la Jeunesse et des Sports, Mubarak Boodhun dit ressentir une fierté légitime après le sacre de Maurice. Pour le premier vice-président du Comité d’organisation des Jeux des îles (COJI), ces JIOI ont surtout servi à fédérer la nation mauricienne autour d’un seul concept : le sport.
Après dix éditions, Maurice est enfin sacré pour la toute première fois. Vous qui avez été la cheville ouvrière derrière l’organisation, considérez-vous cela comme une victoire personnelle ?
Je dirais que c’est une fierté personnelle, je dois l’avouer. A humble pride. Mais c’est aussi le travail de toute une équipe. Il est vrai que je suis à la tête du ministère comme le secrétaire permanent mais j’ai pu compter sur le soutien indéfectible de tout le personnel. Toutes les fédérations ont également joué le jeu en collaborant avec nous de manière exemplaire. Aujourd’hui, nous récoltons les fruits de notre dur labeur. Je ressens une grande fierté pour moi et pour tout le staff.
Vous attendiez-vous à une razzia de la part des sportifs mauriciens ?
Certainement. Nous étions préparés à cela. D’ailleurs, au départ, nous avions visé la barre des 100 médailles d’or. Puis, nous avons revu nos prévisions en visant entre 80 et 90 médailles d’or et ce, pour diverses raisons. Nous tenions en compte toutes les situations auxquelles nous aurions pu être confrontés et qui allaient nous causer des problèmes. Par exemple, en badminton, notre meilleure joueuse a été suspendue et dans d’autres disciplines, il y a eu des blessés. Cela dit, nous avons concerté avec les fédérations et fixé les objectifs. Donc, nous nous attendions à cette belle moisson.
… un événement extraordinaire qui restera à jamais gravé dans l’histoire de notre pays»
Vous avez été au four et au moulin pendant plus de deux ans pour l’organisation de ces JIOI. Etes-vous totalement satisfait de la manière dont se sont déroulés les Jeux ?
Pour ces Jeux, nous avions mis en place une organisation colossale avec les différentes commissions, les fédérations, le Chief Executive, entre autres. Nous savions tous que pour une organisation de cette envergure, lorsque la machinerie se mettrait en place, il y aurait quelques ratés. J’avais moi-même fait comprendre à tous les membres du COJI qu’il fallait se parer à toute éventualité. Mais toute la différence allait se faire dans la capacité de notre back-office à résoudre ces problèmes. Le public, les sportifs et tous ceux venus pour ces Jeux n’avaient pas à savoir tel ou tel problème. Aujourd’hui, je peux vous dire que je suis extrêmement satisfait que nous ayons pu organiser un événement extraordinaire qui restera à jamais gravé dans l’histoire de notre pays. D’ailleurs, des délégués internationaux se sont dits impressionnés par l’organisation et l’engouement populaire que ces Jeux ont créé.
N’empêche qu’il y a eu aussi pas mal de critiques par rapport à l’organisation…
Il existe des situations sur lesquelles nous n’avons aucun contrôle. À titre d’exemple, pour la demi-finale de football, nous n’avions pas le contrôle sur la météo. Mais dans d’autres cas, on a pris en considération toutes les possibilités auxquelles nous aurions pu nous retrouver. Les imprévus sont des variables que nous ne maîtrisons pas. Je vous donne un simple exemple : en athlétisme, nous avons constaté que des spectateurs n’avaient pas une bonne visibilité de ce qui ce passait sur la piste. Sur le champ, on a décidé de faire installer deux écrans. Dans bien des cas, ce n’est que lorsque le problème surgit, qu’il faut trouver la situation aussitôt.
La polémique autour des billets aura duré jusqu’à la fin des jeux. D’où a surgi ce problème ?
Pour tous les sites de jeux, il y a une possibilité de mettre en vente environ 115 000 à 120 000 billets. Mais dans ces billets mis en vente, il y avait des répartitions à faire par exemple les quotas pour les VIP, les VVIP, les sponsors, les délégations étrangères, les parents des athlètes, les fédérations, entre autres. Tout cela constitue une quantité importante de billets et occupe une bonne partie des sièges disponibles sur les sites des jeux. C’est ainsi que nous avons mis presque 83 000 billets en vente. Mais pour les épreuves où Maurice était engagé, il y avait un engouement incroyable. Je n’hésite pas à dire que le COJI est victime de son propre succès. Jusqu’à la dernière minute, des gens recherchaient des billets et je suis triste pour ceux qui n’ont pu en avoir.
Dans quelques années, Maurice pourra rivaliser avec l’élite africaine et même internationale»
Considérez-vous que la polémique autour des billets ait été le point noir des JIOI ?
Non. Pas le point noir mais peut-être le seul « hic ». Cela a été un « bon » problème qu’on a eu à gérer. Mais cela nous a fait réaliser qu’il est temps de revoir certaines de nos infrastructures car nous avons créé un engouement pour ramener le public au stade. Aujourd’hui, le stade George V peut accueillir 5146 personnes mais j’ai discuté avec mes collègues et nous allons proposer au gouvernement d’agrandir toutes les infrastructures sportives afin de pouvoir accueillir un plus grand nombre de spectateurs. Dans la foulée, il va aussi falloir créer les conditions nécessaires pour que les Mauriciens retournent vers les stades et autres gymnases.
Comment le ministère compte-t-il s’y prendre ?
Le ministère a mis en place une National Sport and Activity Policy basée sur trois axes principaux. L’un d’eux est le sport compétitif. Lorsque nos sportifs sont bien préparés et que le public constate le bon travail accompli, il est indéniable que les Mauriciens vont apporter leur soutien. Le problème de délaissement des stades ne date pas d’hier. Pour recréer cet engouement, cela va prendre du temps. Mais je suis certain que dans quelques années, Maurice pourra rivaliser avec l’élite africaine et même internationale. Cela va à coup sûr ramener les Mauriciens vers le sport. Dans la région, nous avons déjà démontré notre supériorité.
Concernant le stade George V, l’état de la pelouse a été décrié par tous. Un sacré coup pour l’image même du pays, n’est-ce pas ?
J’ai fait partie de l’équipe organisatrice des JIOI de 2003 et si vous regardez quelques séquences de la finale de cette-là, nous allez voir que ce problème existait déjà à l’époque. Tout le monde est en train de taper sur le contrat de Rs 94 millions alloué pour la rénovation du stade. Il faut comprendre que cette somme n’était pas destinée uniquement pour la pelouse mais pour la rénovation complète de toute la structure. Mais il ne faut oublier que Maurice fait de plus en plus face à des accumulations d’eau et des inondations lors des averses. Auparavant, tel n’était pas le cas. Nous avions aussi résolu les problèmes de drain mais après 48 heures de pluie, la pelouse a été malheureusement saturée. Après les Jeux, nous allons nous pencher sur le cas du stade George V et surtout l’aspect de la pelouse.
Regrettez-vous que le complexe sportif de Côte-d’Or n’ait pas pu accueillir plus d’épreuves pour ces JIOI ?
Côte-d’Or, c’était une course contre la montre. Mais ce projet s’insère aussi dans un cadre bien spécifique car nous voulons faire du sport un pôle de développement économique. Pour les JIOI, il était impossible d’organiser plus de disciplines à Côte-d’Or pour la simple et bonne raison que les Jeux doivent s’étendre sur tout le territoire et toucher tous les Mauriciens. Si la majorité des disciplines étaient concentrées là-bas, beaucoup de Mauriciens n’auraient pu venir suivre les épreuves pour diverses raisons comme le manque d’un moyen de transport par exemple.
Craignez-vous que la ferveur patriotique et le mauricianisme s’éteignent avec la clôture des Jeux ?
Non pas du tout. Au ministère, on se réjouit que les Jeux aient pu fédérer toute une nation autour d’un même concept qu’est le sport. On a vu que le Mauricien peut être Mauricien dans la réalité. J’ai pris l’exemple du match de football de Maurice contre Madagascar où nous étions menés d’un but. Dans le stade, chacun à sa façon a prié pour que Maurice égalise. Quand l’hymne national retentit, ce n’est pas le sport qui est en jeu, mais le pays !