Friday , 29 March 2024
Mosadeq Sahebdin

Mosadeq Sahebdin, président de la CAP : «Prévoir un budget n’est pas dans la culture des Mauriciens»

Le président de la Consumer Advocacy Platform (CAP), Mosadeq Sahebdin, met en garde contre les dépenses inutiles en cette période de fin d’année. Il estime que les Mauriciens n’ont généralement pas l’habitude de prévoir un budget pour leurs achats, surtout durant les périodes de fête.

Chaque année, durant cette période, il y a une ruée vers les magasins, supermarchés etc… Y-a-t-il une explication psychologique à cela ?
Dans une certaine façon, oui, il y a une explication psychologique car il existe un « feel good factor ». Durant cette période de l’année, les gens ont plus d’argent en poche et se permettent de faire des achats qu’ils n’auraient pas pu faire durant les mois précédents. Néanmoins, de nombreux consommateurs ont tendance à acheter des choses dont ils n’ont pas vraiment besoin. Ce sont principalement les acheteurs impulsifs qui sont concernés.

Bien souvent, ces acheteurs impulsifs sont ciblés par les commerçants. Existe-t-il un mécanisme pour protéger ce genre de consommateurs ?
Il n’y a pas de mécanisme car c’est une maladie, voire un problème comportemental qui requiert un encadrement spécifique. Ces acheteurs impulsifs ne réfléchissent pas avant de faire un achat quelconque et il est vrai que les commerçants et les chaînes de distribution ciblent ces consommateurs. Bien souvent, dans les supermarchés, des produits – qui ne sont pas forcément de première nécessité – sont présentés en tête de gondole afin d’attirer ces acheteurs impulsifs. C’est donc à l’acheteur de se contrôler pour ne pas se laisser tenter à faire des achats inutiles car il n’y a pas un réel mécanisme pour les empêcher d’acheter.

«La carte de crédit est une source de problème, voire un piège, pour les personnes qui ne savent pas gérer leurs dépenses.»

La carte de crédit est également très utilisée en cette période. Quels en sont les dangers pour les consommateurs ?
Aujourd’hui, je constate que certaines banques ont adopté une stratégie de marketing agressif pour persuader les gens à utiliser la carte de crédit. D’autres opérateurs offrent même la carte gratuitement. Cette carte est une source de problème, voire un piège, pour les personnes qui ne savent pas gérer leurs dépenses. Si le détenteur ne fait pas une utilisation judicieuse de sa carte de crédit, il pourrait vite se retrouver dans une spirale d’endettement. Et s’il n’arrive pas à rembourser la somme due, les intérêts augmenteront. Au niveau de la CAP, nous avions déjà fait une étude sur l’utilisation des cartes de crédit et nous avons pu constater que les détenteurs ne connaissent même pas les conditions rattachées à la carte. Je suis même au courant d’un cas où une personne qui ne travaille pas est détentrice d’une carte. Comment va-t-elle faire pour rembourser chaque mois ?

En parlant de l’endettement, quelle est la situation à Maurice ?
Tout le monde sait que les Mauriciens sont endettés. Une étude de l’Association pour la Protection des Emprunteurs Abusés (APEA) a démontré qu’environ 65% des Mauriciens sont endettés et 55% le sont à cause des jeux de hasard. La situation est ainsi à Maurice car les consommateurs ne prennent pas en compte leur capacité de remboursement avant de contracter une dette et aussi en raison du fait que l’éducation financière des consommateurs est insuffisante. On ne peut plus dépendre sur les associations des consommateurs pour faire l’éducation financière des consommateurs. C’est la Banque centrale qui aurait dû faire ce travail en collaboration avec les associations car elle a plus de ressources.

 «Le mois de janvier est réputé pour être très dur. Je conseille aux Mauriciens d’épargner une partie de leur boni pour les dépenses…»

Comment prévenir les dépenses inutiles ?
Le maître-mot, c’est le budget. Mais malheureusement, prévoir un budget n’est pas dans la culture des Mauriciens. La plupart des consommateurs vont dans les supermarchés sans avoir au préalable rédigé une liste de produits qu’ils doivent acheter. Ainsi, ils se retrouvent à acheter des choses inutiles. Donc, pour éviter les dépenses inutiles, prévoyez un budget familial avec toutes les dépenses mensuelles et ensuite, si vous avez les moyens, épargnez une partie de vos revenus.

Pensez-vous que les vraies « promotions » existent à Maurice ?
Dans les grandes distributions, il y a de vraies « promos » car comparativement, on note une baisse du prix réel. Mais il y a actuellement un débat des instances internationales pour les promotions pour savoir si elles ne sont pas anti-concurrentielles. Dans certains pays, la vente au-dessous du prix coûtant est illégale car elle vise à attirer une plus grande part du marché au détriment d’autres compétiteurs. Maurice étant un petit pays, on n’arrive pas vraiment à déterminer de telles pratiques. Mais c’est à la pratique du prix d’appel que nos autorités doivent faire attention. Cela aurait dû être illégal à Maurice. Malheureusement, il nous est difficile de rapporter ce genres de cas en l’absence d’une vraie loi pour la protection des consommateurs.

Nombreux sont les Mauriciens qui ont déjà reçu leur boni de fin d’année. Que leur conseillez-vous pour éviter toute dépense inutile ?
Comme je vous l’ai dit, la clé c’est de prévoir un budget que ce soit pour l’achat des jouets, des vêtements neufs, des uniformes pour les enfants et les fournitures scolaires. Le mois de janvier est réputé pour être très dur et je conseille aux Mauriciens d’épargner une partie de leur boni pour les dépenses en janvier surtout avec la rentrée scolaire.

«Les consommateurs ont plus de choix et ont plus de produits de qualité à leur disposition.»

Comment peut-on aussi investir intelligemment le boni de fin d’année ?
En général, il n’y a malheureusement aucune incitation pour investir le boni de fin d’année actuellement. Aussi, le taux d’intérêt n’est pas suffisamment fort pour inciter les gens à épargner.

Par ailleurs, de nombreux parents sont actuellement à la recherche de jouets pour leurs enfants. Quels sont les précautions d’achat à respecter ?
Pour l’achat des jouets, j’ai toujours dit qu’il faut privilégier la qualité. Les parents doivent chercher des jouets qui sont conformes aux normes internationales. Il est vrai qu’ils vont coûter plus cher mais ils sont durables contrairement aux jouets qui sont fabriqués pour se casser ! Néanmoins, il faut reconnaître que certaines familles ne peuvent se permettre d’acheter des jouets chers. Aussi, je conseille tout le temps aux parents d’acheter des jouets éducatifs qui favorisent le développement intellectuel des enfants et l’esprit d’équipe. De nos jours, je constate que les parents ont tendance à opter pour les tablettes ou consoles de jeu vidéo. Mais c’est une forme de dépendance à la technologie, voire une sorte d’esclavage.

Sinon, comment voyez-vous l’évolution du secteur de la consommation à Maurice ?
Nous avons constaté une hausse du nombre de centres commerciaux et autres grandes surfaces au cours de ces dernières années. C’est une bonne chose pour la concurrence car les consommateurs ont plus de choix et ont plus de produits de qualité à leur disposition. Les prix sont également devenus plus compétitifs. Par exemple, de nos jours, nous avons plusieurs marques de fromage sur le marché et les prix varient. Aussi, nous avons d’autres chaînes de distribution qui proposent des produits de moyen de gamme à un prix plus bas. Mais ce qu’il faut pouvoir déterminer, c’est la pratique de l’imposition du prix de revente. C’est une pratique courante mais qui est difficile à prouver dans la grande distribution à Maurice. Et en parlant d’évolution, on a également pu constater la fermeture de plusieurs petits commerces. Ils n’arrivent plus à survivre en raison de la rude concurrence face aux chaînes de distribution. Certains ont pu changer leur « business model » et arrivent encore à attirer des clients.

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