Il y a un problème de fond au sein du Mouvement socialiste militant (MSM) et Nando Bodha ne serait pas le seul à s’être senti mal à l’aise. C’est ainsi que Jean Claude de l’Estrac, observateur politique, ancien ministre et ancien rédacteur en chef, commente la démission du ministre des Affaires étrangères.
Pour Jean Claude de l’Estrac, citant « de bonnes sources », le déclic entourant la démission de Nando Bodha serait la réunion du conseil des ministres de ce vendredi 5 février. « Le Premier ministre lui aurait lancé un appel pour démentir les rumeurs dans la presse et au sein de l’opposition entourant sa démission d’une part et qu’il exprime sa solidarité avec le gouvernement d’autre part. Tout avait déjà été orchestré par ‘lakwizinn’ pour recueillir la déclaration de solidarité de Nando Bodha. C’était [cependant] très mal joué de leur part. Ils n’ont pas réalisé qu’il y a un problème de fond au sein du parti et il n’y a pas que Nando Bodha », explique l’ancien ministre.
Jean Claude de l’Estrac est d’avis que toute personne pourvue du sens du devoir et des principes et qui ont intégré la politique pour le bien commun ne peut rester passive pendant longtemps face à la situation actuelle. « C’est d’ailleurs ce que fait comprendre Nando Bodha dans son communiqué. Ils ont essayé de le coincer et ils ne lui ont pas laissé le choix. Il a donc décidé, à juste raison, de partir », dit-il.
Un départ qui, selon l’ancien rédacteur en chef, honore Nando Bodha et le place de facto dans l’opposition. « Car, ce n’est pas uniquement une démission du gouvernement pour siéger en indépendant mais c’est un discours d’opposant qu’il a tenu. Son communiqué est une prise de position hostile à la gouvernance du MSM », souligne Jean Claude de l’Estrac.
Opposition
Cela dit, notre interlocuteur considère que des membres de l’opposition vont un peu vite en besogne en annonçant le début de la fin. « Mes informations c’est que Nando Bodha n’a pas obtenu de grande marque de solidarité de la part des autres collègues du conseil des ministres », tient-il à préciser.
L’observateur politique juge néanmoins que cette démission fragilise davantage le gouvernement qui serait depuis longtemps déjà victime d’une série de faiblesses. « La première faiblesse a été son élection parce que c’est quand même un gouvernement qui est au pouvoir avec une minorité des suffrages de la population. Ce qui explique la défiance qui existe dans le pays. Sans compter les propres fautes du gouvernement, n’en déplaise au Premier ministre, ses scandales. C’est d’ailleurs ce gouvernement qui fournit à l’opposition et à la presse des munitions [contre lui]. Et maintenant, il y a un début d’implosion. C’est une nouvelle fragilisation », dit-il.
Amedée Darga : «Bodha a la possibilité d’offrir un nouvel espoir à la population»
L’ancien ministre Amedée Darga juge la décision de Nando Bodha de « très honorable » et estime que cette décision vient ouvrir de nouvelles possibilités de leadership pour le pays.
En effet, Amedée Darga est d’avis que sur l’échiquier politique, la démission de Nando Bodha représente une excellente perspective pour débloquer le dilemme auquel la population doit faire face depuis un certains temps entre deux leaders qui, selon lui, n’ont plus vraiment l’adhésion populaire, à savoir Pravind Jugnauth et Navin Ramgoolam. « Nando Bodha vient donc ouvrir une nouvelle perspective qui peut résoudre ce dilemme s’il parvient à rassembler autour de lui une nouvelle équipe composée autant de personnalités compétentes, honnêtes et d’expérience de certains partis existants, aussi bien que certains de ses collègues députés qui sont encore dans le MSM ainsi que quelques nouvelles têtes. Nando Bodha a donc la possibilité d’offrir un nouvel espoir à la population mauricienne qui se retrouve aujourd’hui dans une situation où elle ne voit pas le devenir, mais qui surtout est en train de favoriser une culture du mal, de l’incompétence et de la voracité au plus haut niveau », dit-il.
Amedée Darga dit souhaiter que Nando Bodha relève ce défi, qui selon lui, peut être réalisé très bientôt. « Qu’il puisse ainsi être le chef de file d’un gouvernement de transition jusqu’aux prochaines élections et ensuite, le leader d’un gouvernement constitué d’une équipe de l’espoir et de l’avenir pour le pays », conclut-il.
Réactions
Avinash Teeluck : « Qu’il assume ses responsabilités vis-à-vis de l’histoire »
« Il a fait le choix de démissionner et de partir. Il a motivé sa décision dans un communiqué qu’il a émis. Je pense que c’est à lui de s’expliquer. Ce n’est pas à nous de le faire. A notre niveau, le travail continue. (…) Il devra assumer ses responsabilités vis-à-vis de l’histoire, car en ce qui nous concerne, nous travaillons dans l’intérêt de la population et du pays. Nous faisons le maximum, malgré une situation difficile. Le parti n’est pas constitué d’une personne seulement. Le parti est constitué d’un groupe de personnes. Et autant que je sache, nous sommes solidement toujours là. (…) Nous sommes sereins more than ever ».
Adrien Duval : « Bodha est le bienvenu dans nos rangs »
Adrien Duval, porte-parole de l’aile jeune du PMSD, dit saluer la décision de Nando Bodha. « Nous le saluons avant tout, car il ne faut pas oublier que c’était un membre important du MSM et du gouvernement. Sa démission survient après de nombreux appels de l’Opposition parlementaire et extra-parlementaire suite aux retombées de scandales et surtout de l’affaire Kistnen. Nando Bodha a un rôle important à jouer dans notre combat et il est le bienvenu dans les rangs des patriotes qui se battent pour ce pays. Il pourra éclairer les zones obscures dans lesquelles nous nous trouvons aujourd’hui », lance Adrien Duval. Il dit souhaiter que Nando Bodha participe à la marche citoyenne qui sera organisée par l’opposition le samedi 13 février à Port-Louis. Il invite les autres membres du gouvernement à soumettre également leur démission.
Arvin Boolell : « Le gouvernement doit démissionner »
Le leader de l’opposition, Arvin Boolell, affirme avoir eu vent de l’éventuelle démission de Nando Bodha. « J’avais le renseignement que Nando Bodha allait démissionner, et cela coule de source. […] Il a été une cheville ouvrière du MSM. Il a été l’enfant gâté de sir Anerood Jugnauth et il a été loyal envers l’ancien leader du MSM », commente Arvin Boolell. « Ce n’est pas une branche qui a été coupée mais une racine », considère-t-il. Il ajoute que selon lui, ce sont les scandales politico-financiers, dont l’affaire d’emploi fictif allégué impliquant le ministre Yogida Sawmynaden, qui seraient la cause de la démission de Nando Bodha. Le leader de l’Opposition estime que « le gouvernement doit démissionner ». « La voix du peuple est une grande chose. La marche du 13 février va accélérer la chute du gouvernement qui n’a pas de droit moral. Même si Yogida Sawmynaden démissionne, il est trop tard. D’autres (membres du gouvernement) vont démissionner », prévoit-il.