Dans quelques jours, le bonus de fin d’année sera versé à tous les employés du pays. Un revenu additionnel que certains choisissent de dépenser, du moins en partie, pour de bonnes causes. STAR a interrogé des associations et ONG afin de connaître la tendance des contributions effectuées durant le mois de décembre. Il apparaît que les opinions divergent…
Nusayhah Aumeer, de Maison Dawah : « On espère venir en aide à un plus grand nombre de familles »
Cela fait20 ans maintenant que Maison Dawah organise chaque décembre des collectes de produits alimentaires et des dons pour offrir des colis alimentaires à des familles nécessiteuses. Nusayhah Aumeer, Administrative Assistant de l’ONG, indique que le montant des fonds collectés chaque année était en hausse constante jusqu’à l’avènement de la pandémie de la Covid-19 (voir tableau). « En 2019, soit juste avant la pandémie, nous avions collecté Rs 849 000. À Rs 1000 le colis alimentaire cette année-là, nous avion pu venir en aide à 849 familles », indique-t-elle. Mais l’année ensuite, soit en 2020, l’argent collecté avait permis à Maison Dawah d’acheter des colis alimentaire à 625 familles seulement. « 2021 reste toutefois l’année la plus catastrophique. Nous avions eu de quoi acheter des colis alimentaires pour 317 familles seulement », fait-elle ressortir.
Mais depuis, Nusayhah Aumeer se réjouit que ce chiffre repart de nouveau à la hausse. En effet, l’année dernière, 365 colis alimentaires avaient été distribués. « Nous espérons, par la grâce d’Allah, que nous pourrions venir en aide à un plus grand nombre de famille cette année. Nous visons environ 650 familles, contre 600 en 2020 », espère-t-elle.
Ainsi, cette année encore, Maison Dawah appelle à la générosité de ceux qui peuvent contribuer, du 20 au 30 décembre, sous forme de dons ou de produits alimentaires de première nécessité et non périssable (riz, lait, grains secs, boîtes de conserve, huile, etc.). « Depuis l’année dernière, nous acceptons aussi les dons par virement bancaire. Les personnes intéressées peuvent ainsi faire un transfert sur notre compte en banque à travers l’application Juice de la Mauritius Commercial Bank », indique notre interlocutrice, précisant qu’un coli alimentaire a été évalué, pour cette année, à Rs 1450. « Les donateurs peuvent cependant verser le montant qu’ils souhaitent », souligne-t-elle.
Cinq point de collectes ont été désignés (Port-Louis : Rabita Hall, Maison Dawah et Dream Price de Vallée-des-Prêtres, Dream Price de Beau-Bassin et Nalla Store à Rose-Hill).
Riyaad Peertum, d’Al Hudaibiyyah Funeral & Islamic Centre : « Les dons sont nécessaires pour maintenir le service »
Riyaad Peertum d’Al Hudaibiyyah Funeral & Islamic Centre soutient lui aussi avoir noté une baisse dans le montant alloué à partir du boni de fin d’année depuis la Covid-19. « Des hommes d’affaires qui avaient l’habitude de contribuer mettent en avant des difficultés qu’ils rencontrent dans leurs business. Quant à ceux qui ne disposaient pas de grands moyens mais qui faisaient néanmoins un effort, se retrouvent eux-mêmes en situation compliquée », dit-il.
Par conséquent, notre interlocuteur indique que le centre a été contraint de revoir les aides accordées. « Par exemple, kot ti pe donne Rs 10, nous pe donne zis Rs 5. Et kot nou ti pe prend 2 mois pour aide enn dimoune, aster nous pe prend 4 mois. Plus concrètement, alors que nous venions en aide à 120 familles chaque mois, ce chiffre est passé à 40 », se désole-t-il.
Or, le responsable d’Al Hudaibiyyah Funeral & Islamic Centre indique que ces dons sont ô combien importants. « En ce qui nous concerne, c’est nécessaire pour que nous puissions maintenir notre service funéraire gratuit d’une part et de poursuivre avec les aides, en termes de colis alimentaires, aux personnes dans le besoin », dit-il.
Areff Bahemia, de ZamZam islamic centre : « La communauté trouve toujours le moyen de contribuer »
L’Amiir de ZamZam Islamic Centre, Areff Bahemia, pour sa part, dit ne pas avoir constaté de changement dans les habitudes des Mauriciens en termes de donation durant la fin de l’année. « Même si les prix des produits flambent ou que la situation financière n’est pas au beau fixe, la communauté trouve toujours le moyen de contribuer selon sa capacité », soutient-il. Parmi, il y aurait des personnes qui feraient des dons de manière régulière. « Ena vini, kit Rs 5000, Rs 10 000. Mais il y a aussi des contributions ‘one-off’ », dit-il.
En sus d’être réguliers dans leur volonté d’aider, les musulmans auraient tendance à mettre encore plus la main à la poche lorsqu’il y a des catastrophes naturelles, la guerre ainsi que d’autres événements dans le monde, à en croire Areff Bahemia. Pour preuve, il indique que depuis que le conflit entre Israël et le Hamas a éclaté le 7 octobre dernier, Zamzam a transféré quelque Rs 3 millions, obtenues en donation, en faveur des habitants de Gaza. « Ce qui m’amène à dire que le public, musulmans et non musulmans confondus, est ‘conscious minded’ et contribue généreusement », dit-il.
Durant le mois décembre, si ZamZam avait pour habitude de récolter des fonds en faveur des moins fortunés de la société, Areff Bahemia considère qu’à l’heure actuelle, la priorité doit être accordée aux Gazaouis qui, dit-il, sont en train de souffrir d’un génocide. « Il y a eu quelque 17 000 morts jusqu’ici, des centaines de milliers de sans-abris, qui n’ont rien à se mettre sous la dent », rappelle-t-il.
Abdallah Mahadoo, du Centre de Documentation et de Dialogue : « Cela dépend de la classe sociale de la personne »
Abdallah Mahadoo, du Centre de Documentation et de Dialogue (CDD), est lui aussi d’avis que la pandémie de la Covid-19 n’aurait pas vraiment eu un impact sur les dépenses faites pour la bonne cause par la communauté, suivant la réception de leur boni de fin d’année. « Tou letan la kominote doné. Les hommes d’affaires que nous côtoyons disent, au contraire, que l’après-Covid a été bénéfique pour les affaires », dit-il. Mais pour ceux aux bas de l’échelle, il indique que la priorité est souvent accordée à l’achat des matériels scolaires pour les enfants, les dépenses récurrentes pour les véhicules, entre autres. « Cela dépend vraiment de la classe sociale de la personne », dit-il.
Pour Abdallah Mahadoo, la volonté de partager une partie de ses revenus, des ses biens ou de sa richesse aux autres dépendrait, dans certains cas, de l’éducation reçue par la personne. « Si depuis son enfance, il a obtenu une formation qui le pousse à contribuer pour une cause, quelconque, il va le faire, quel que soit le moyen dont il dispose », dit-il. L’aspect émotionnel entourant un événement serait une autre raison qui pourrait motiver les gens à faire des contributions. « Comme ce qui se passe en ce moment à Gaza, par exemple. Si couplé à cela, les rappels du vendredi sont axés sur le sujet, la personne serait plus encline à mettre la main à la poche », dit-il.
Selon l’analyse de notre interlocuteur, les organisations qui peuvent plus facilement mettre en avant ses activités seraient celles qui parviendraient à attirer le plus de donations. « Li arriver touche plis dimoune, donc li gagne plis donation », dit-il.
En ce qui concerne le CDD, qui se concentre sur la présentation de l’Islam, Abdallah Mahadoo indique que les dons reçus d’une poignée de donateurs qui croient dans la « Dawah » sont utilisés pour l’achat de Quran avec traduction, l’impression des dépliants informatifs, entre autres.
Shakeel Anarath, d’Al-Ihsaan Islamic & Funeral Centre : « La communauté se montre toujours généreuse »
Shakeel Anarath, de l’organisation Al-Ihsaan Islamic & Funeral Centre, abonde dans le même sens. « La communauté dans son ensemble s’est toujours montrée généreuse, et ce, quelle que soit la période de l’année. « Ces dernières années, surtout avec les restrictions de mouvement, les contributions financières ont accrue pendant le mois de décembre », soutient-il.
Ainsi, cette année encore, Shakeel Anarath demande au public d’avoir une considération pour les plus vulnérables, que ce soit à Maurice ou à l’étranger, en contribuant à partir de leur boni de fin d’année dans les actions humanitaires que mène Al-Ihsaan Islamic & Funeral Centre dans de nombreux pays à travers le monde. « À Maurice, les donations récoltées seront utilisés pour les aides alimentaires quotidiennes et mensuelles, les aides sociales, le patronage de l’éducation des enfants issus de familles nécessiteuses, pour des aides médicales, entre autres », dit-il.
Pour les aides à l’étranger, Shakeel Anarath indique que l’argent sera utilisé pour des aides alimentaires, médicales, les abris temporaires, l’eau, l’éducation, aux orphelins, l’éducation islamique, entre autres. Parmi les pays ciblés, la Palestine, dont Gaza, la Syrie, le Yémen, l’Afghanistan, Madagascar, le Liban, le Bénin, le Pakistan, la Lybie, l’Uganda, le Nigéria, la Somalie, parmi tant d’autres, ainsi que le peuple rohingya.
Dépenser pour la bonne cause
Les bienfaits et les récompenses
Les prêcheurs sont unanimes à dire que toute dépense faite dans le chemin du Créateur n’est pas vaine. Bien au contraire, les bénéfices sont multiples, aussi bien dans ce monde ici bas que pour l’au-delà.
Le prêcheur Ehshane Jowaheer estime qu’il est toujours recommandé d’avoir une pensée et de dépenser en faveur des moins fortunés, voire ceux qui sont dans des situations difficiles, que ce soit à Maurice ou ailleurs. « Le Créateur dit que si vous vous montrez reconnaissant, Il augmentera Ses faveurs sur nous. Et un des moyens de montrer notre reconnaissance au Tout Puissant, c’est en redistribuant ce qu’Il nous a donné à ceux qui sont dans le besoin. En retour, Allah nous accorde Ses bénédictions en faisant en sorte que nous soyons satisfait du peu dont nous disposons d’une part et que nous n’aurons pas à faire des dépenses additionnelles d’autre part », explique-t-il.
Le fait de contribuer une partie de ce dont on dispose permet aussi d’effacer nos péchés, ajoute le prêcheur. « Tout le monde commet des péchés. Mais lorsque nous faisons preuve de générosité, Allah les efface. Ainsi, nous parvenons à sortir victorieux dans ce bas monde ainsi que dans l’au-delà », dit-il.
Le Khateeb de la masjid Al Aqsa à Maurice, Mohsin Nujurally, souligne l’importance de penser aux autres et de ne pas être centré sur soi. « Le prophète Muhammad (pssl) a dit que tous ceux qui ont la foi en Allah et dans le jour du Jugement dernier ne peut aller se coucher sachant que dans son entourage, il y a des personnes qui sont parties se coucher le vendre vide », dit-il, soulignant l’importance de penser aux autres et de ne pas être centré sur soi.
Dépenses inutiles
Pour Mohsin Nujurally, il est faux de croire qu’en dépensant dans le chemin d’Allah, cela apportera une diminution de notre richesse. « Foder pas penser cass pou diminuer. Au contraire, Allah accordera Ses bénédictions. Ayez donc confiance qu’Il multipliera toute dépense faite dans Son chemin », dit-il.
Mohsin Nujurally fait ressortir que le boni peut devenir un moyen pour se rapprocher d’Allah, avec l’objectif ultime d’obtenir le paradis. « Mais ce même bonus peut aussi vous éloigner d’Allah », prévient-t-il.
À cet effet, Ehshane Jowaheer met en garde contre les risques de gaspillage du boni. « Durant la période de fin d’année, il y a une tendance à mal dépenser son argent, notamment sur des choses inutiles qui ne vont nous profiter en rien. D’où mon conseil aux frères et sœurs d’utiliser judicieusement leur argent que, je vous rappelle, est une faveur d’Allah. Pa gaspiye dans satisfaire Shaytwaan cot au lieu gagne recompense, nou gagne péché », prévient-il.