Très actif dans le domaine du travail social et dévoué à la cause des personnes en situation de handicap, Ali Jookhun a passé 25 ans de sa vie à œuvrer et à militer pour les droits des handicapés. Il revient sur son inlassable combat qui a débuté en 1993.
Figure emblématique du combat pour les personnes en situation de handicap, Ali Jookhun se passe de toute présentation. Philanthrope dans l’âme, il n’a jamais hésité une seconde à s’engager auprès des plus vulnérables. Celui qu’on appelle affectueusement ‘Chili’ célèbre cette année les 25 années de son engagement dans le domaine du travail social. Il estime qu’il tient cela de sa mère qui accordait une bonne partie de son temps aux nécessiteux. « Je me suis également toujours inspiré du maulana Abdul Aleem Siddiqui qui a beaucoup œuvré dans ce sens », nous dit Ali.
Membre fondateur et président de l’association U-Link et vice-président de la Down Syndrome Association, notre interlocuteur s’est lancé dans le travail social en 1993 peu après la naissance de ses jumelles, Umraana et Irfaana.
« Mes deux filles sont nées avec une infirmité cérébrale. Trois phases importantes de ma vie m’ont conduit à emprunter cette voie. Le premier a été le choc en découvrant le handicap de mes jumelles. Deuxièmement, c’est l’acceptation, c’est-à-dire quand j’ai reconnu mes enfants pour ce qu’elles sont. Troisièmement, c’est en ressentant la joie de vivre à leurs côtés. Mais, malheureusement cette joie a été de courte durée car je suis condamné à vivre avec une grande tristesse toute ma vie après leur disparition », nous confie Ali. En effet, il a perdu une de ses jumelles en 1999 et la deuxième est décédée en 2001. Mais depuis, il s’est résolu à venir en aide aux enfants en situation de handicap. «Cela fait partie de ma vie. Je veux être aux côtés de ces nombreux enfants et je les considère comme les miens », ajoute-t-il. Il passe également beaucoup de temps avec son fils, Irfaan, qu’il considère comme un ami.
Une rencontre anecdotique
Ali Jookhun partage avec nous une anecdote lors d’un récent voyage au Nairobi au cours duquel il a fait la rencontre d’un homme en situation de handicap, Kim Bany, originaire du Sud-Soudan.
« Je n’ai rencontré Kim qu’un fois. La chaîne d’information Al-Jazeera avait réalisé une vidéo sur lui auparavant. Lorsque nous nous sommes parlé, il m’a exprimé toute sa gratitude pour mon travail auprès des handicapés. Il m’a déclaré que mon parcours l’a encouragé à s’engager à son tour dans le domaine du travail social pour aider les personnes en situation de handicap. Cela m’avait fait extrêmement plaisir », confie Ali.
Ainsi, le travailleur social estime que le travail social ne consiste pas uniquement à organiser des ateliers ou à faire des voyages à l’étranger pour assister à des séminaires. « C’est surtout une question de travail sur le terrain. La lutte pour le droit des handicapés, c’est avant tout le partage. Un bon travailleur social doit être un bon être humain », souligne Ali. Il saisit l’occasion pour remercier ses amis et proches collaborateurs, à savoir MM. Hosany et Ragen, ainsi que les membres de l’association U-Link and Down Syndrome. Il rend aussi hommage à ses amis, Nazim et Soovan, qui l’ont toujours soutenu dans son combat. « J’ai aussi une pensée spéciale pour toutes les personnes vivant avec un handicap », conclut-il.
Ses réalisations
Après la naissance de ses jumelles, Ali Jookhun raconte que sa vie et celle de son épouse ont changé drastiquement. Il estime qu’à cette époque, ils ont été l’un des rares parents à avoir élevé seuls des enfants handicapés. « Il fallait nous débrouiller par nous-mêmes et par nos propres moyens financiers. Nous n’avons bénéficié d’aucun type d’allocation ou de pension à l’époque », soutient notre interlocuteur. Il se dit néanmoins très fier que, suite aux suggestions qu’il a faites à l’ancienne ministre de la Sécurité sociale, à savoir Fazila Jeewa-Daureeawoo, la pension d’invalidité a connu d’importants changements dans le budget de l’année dernière. « C’est un signe de progrès et c’est très positif pour Maurice. Je suis ravi que les parents puissent bénéficier de cette pension et que les critères de revenus ne soient plus pris en considération », avance-t-il.
Cela dit, Ali Jookhun est d’avis que le combat doit continuer. Il estime que tous les parents et aussi les enfants handicapés doivent bénéficier d’une aide financière de l’État. « C’est le Conseil médical (Board) qui décide si un enfant est handicapé ou pas. Vous devez d’abord obtenir un certificat du Board pour pouvoir bénéficier de la pension. Cependant, la Convention des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées stipule que nous devons adopter une approche axée sur les droits sociaux et humains contrairement à l’approche médicale et caritative comme c’est le cas à présent », fait-il ressortir. Il ajoute qu’il est essentiel d’avoir un Conseil différent pour prendre toute décision concernant les personnes handicapées. « Chili » se dit, par ailleurs, très fier de son combat mené pour que les handicapés puissent avoir droit à leur propre aire de stationnement dans les endroits publics.