Thursday , 18 April 2024

Samioullah Lauthan – Le combattant du mal

Samioullah Lauthan ou ‘Bhai Sam’, comme on l’appelle affectueusement, a toujours prôné la droiture. Ancien ministre de la Sécurité sociale et travailleur social engagé, le septuagénaire poursuit son inlassable combat contre la drogue et aussi contre tous les maux qui rongent notre société. Il a bienveillamment accepté de nous raconter son parcours, son enfance, ses débuts dans l’arène politique ainsi que des anecdotes pimpantes…

Ses débuts dans la vie n’ont pas été faciles. Mais grâce à la persévérance et une volonté de fer, Sam Lauthan s’en est finalement bien sorti. Homme droit et adroit, il a toujours eu un faible pour les mal lotis et ceux prisonniers de l’enfer de la drogue. Son combat contre ce fléau a débuté il y a très longtemps et il ne compte pas s’arrêter en cours de route. Ainsi, après les études secondaires au collège Trinity, il rejoint ce même établissement comme enseignant et enseigne l’anglais, le français, l’art et ‘social studies’. « Peu après, j’ai entendu parler de l’excellent travail qu’accomplissait Père Geoffrey dans les faubourgs et dans le quartier de Barkly notamment pour lutter contre la drogue. À cette époque, j’étais membre de plusieurs clubs et j’avais décidé de rejoindre le Mouvement Social de Plaine-Verte afin d’avoir un aperçu de ce qui se passait sur le terrain. Petit à petit, on a pu mobiliser une équipe soudée et on a commencé à travailler ensemble pour combattre les fléaux de la société. C’est ainsi que nous sommes venus de l’avant avec le groupe Goomany avec l’apport de plusieurs volontaires comme les Drs Ghanty, Beehary, Abdool ainsi que le regretté Dr Hyderkhan et tant d’autres », se rappelle-t-il.

Or, un événement particulier allait changer le cours de sa vie. En 1985, alors qu’il travaillait au collège, un policier vint le voir et lui dit que le Premier ministre voulait le rencontrer. « J’étais drôlement étonné et je me souviens avoir dit au policier qu’il s’était trompé de personne. Il m’avait répondu qu’il ne pouvait pas me dire les raisons de cette convocation mais qu’il fallait aller à la rencontre du PM. Une fois au bureau de Sir Anerood Jugnauth, il me lança de son ton habituel : ‘ah ben garson, ki to pé fer de bon kumsa. Mo trouver to ti ena raison kan to ti pe prévenir nou lor sa zafer la drogue-là’. À l’époque, l’affaire Amsterdam avait éclaté et la commission Rault allait être mise sur pied », raconte ‘Bhai Sam’ avec un certain enthousiasme et ajoute qu’il était impressionné par la taille des dossiers qu’avait compilés la NIU sur lui. « Je n’avais aucune idée que la police avait compilé tous ces dossiers sur mes interventions contre la drogue à travers le pays. C’est ainsi que j’ai été nommé au sein de la commission d’enquête sur la drogue quelque temps après », précise-t-il.

Le centre Dr Idrice Goomany

Homme de terrain, Samioullah Lauthan poursuit son travail pour aider et sensibiliser les gens contre les effets néfastes de la drogue. Il se souvient qu’après les heures de travail, les autres volontaires et lui se donnaient rendez-vous dans le jardin à la rue Magon pour rencontrer les gens. « Nous étions dans une petite salle à côté du centre Goomany d’aujourd’hui. À l’époque, le bâtiment comme nous le connaissons aujourd’hui n’avait pas encore été construit. Comme les gens venaient en grand nombre, nous avions de plus en plus de difficulté à les accueillir. C’est ainsi qu’on me délégua pour aller rencontrer le lord-maire de Port-Louis d’alors, Cassam Uteem, et lui expliquer qu’on voulait avoir un lieu bien structuré pour rencontrer et consulter les personnes. Il avait tout de suite agréé à notre proposition. Par la suite, j’étais allé rencontrer Dinesh Ramjuttan qui était ministre de la Sécurité sociale et qui était aussi mon camarade de classe et on s’asseyait sur le même banc à l’école. Sans hésiter, il a donné son aval pour construire le centre Dr Idrice Goomany. Je me souviens que la construction avait coûté Rs 2,1 millions », raconte notre interlocuteur.

Ses débuts en politique…

Les débuts de Sam Lauthan dans l’arène politique sont atypiques. Il se souvient qu’en 1995, Raffick Goolfee était venu le voir pour lui dire « ki Paul Bérenger bizin ou ». « Je lui avais dit que j’étais nullement intéressé à faire de la politique mais Raffick Goolfee m’avait dit de rencontrer le leader du MMM pour au moins échanger quelques paroles. J’avais longuement réfléchi et j’avais finalement accepté de le rencontrer », se rappelle-t-il. Ainsi, lors de cette première rencontre, il a fait part à Paul Bérenger de son manque d’intérêt pour la politique. « Mo pou revine vers ou », m’avait-il promis. En effet, quelques jours après, le leader des mauves est revenu à la charge pour tenter de convaincre Sam Lauthan d’intégrer le MMM à seulement deux mois des élections générales. « Il m’avait dit ‘ou ene drôle dimoune ou bhai Sam. Ena pe mett laké pou gagne ticket, ena pé payer pou gagner, ou ou pé gagn sa dan plato, ou pe refize sa’ . Je lui avais dit que j’allais y songer. Or, le lendemain, on avait publié cet épisode dans les journaux. Quelques bons amis étaient venus me voir et m’avaient fait comprendre que c’était peut-être la volonté d’Allah de me donner l’occasion d’aider les gens à un niveau supérieur. Je n’y avais pas pensé auparavant et ce n’est qu’après avoir accompli le namaz Istikhara que j’ai fait mes débuts en politique », souligne-t-il.

Les documentations et la lecture

Samioullah Lauthan est un homme qui a un emploi du temps extrêmement chargé. Si on pense qu’il jouit d’une retraite paisible, on se trompe lourdement sur son compte. En effet, il passe le plus clair de son temps à se documenter et à faire des recherches dans plusieurs domaines. D’ailleurs, dans sa demeure à Sorèze, papiers, pochettes et autres documents tapissent le salon et les autres pièces de la maison. « Il y a des compilations à faire et il me faut classifier des documents par thèmes. Ce qui fait que toute la maison est couverte de différentes sections de ces compilations. C’est un travail qui prend une bonne partie de mon temps », souligne-t-il. Et ses rares moments libres, Sam Lauthan les consacre à la lecture ou à s’occuper de son jardin. « Il y a un jardinier qui entretient la pelouse et les fleurs, mais j’aime bien mettre la main à la terre aussi », ajoute-t-il. Passionné par l’art du portrait, il regrette de n’avoir désormais plus le temps pour s’adonner à ce passe-temps.

Combat contre le gothisme

Depuis quelques années déjà, Sam Lauthan s’est engagé dans un combat contre le gothisme. Il nous raconte que tout a commencé quand un parent est venu le voir pour lui raconter que sa fille avait changé de comportement de façon drastique. « J’étais perplexe en entendant le témoignage de ce parent. Elle me racontait que sa fille ne manquait ja¬mais d’accomplir toutes les prières obligatoires et surérogatoires mais que par la suite, elle avait tout délaissé et avait commencé à se disputer avec ses proches. Par la suite, plu¬sieurs autres parents sont venus me rencontrer et tous me racontaient la même chose. Mais le seul point commun que j’avais pu établir est le fait que ces jeunes écoutaient de la musique hard rock avec des paroles sataniques qui faisaient allusion aux suicides, à la révolte contre Dieu et les parents », souligne-t-il. Si la situation s’est apaisée depuis, Sam Lauthan reste sur ses gardes et nous affirme que cette tendance existe encore à Maurice. Il nous informe que plusieurs crimes ont été commis ces dernières années par des jeunes qui étaient sous l’emprise d’une certaine force occulte. « Ces jeunes sont vic¬times d’un lavage de cerveau par leurs soi-disant ‘gurus’ sur le net. Ces derniers ont sub¬tilement changé la vision et le comportement de ces jeunes sans que ces derniers ne s’en rendent compte. Les parents ont le devoir de surveiller leurs enfants et les imaams doiv¬ent aborder ces sujets plus fréquemment. Il faut un lien entre le mimbar et le trottoir », affirme Sam Lauthan.

1968 : la bagarre raciale

Sam Lauthan avait 23 ans quand la bagarre raciale éclata. Il se souvient encore de ce triste épisode entachant l’histoire de Maurice. « Les voisins ne voulaient pas qu’on quitte le quartier. Plusieurs d’entre eux venaient rassurer ma mère que rien ne pouvait nous arriver. Néanmoins, après mûre réflexion, nous avions décidé de quitter l’endroit car la situation devenait de plus en plus inquiétante. Je me souviens encore d’une anecdote quand le camion de déménagement était venu récupérer nos effets. Un ami qui s’appelait Albert et qui était un type très robuste s’était interposé et empêchait le chauffeur de démarrer. Il ne voulait pas qu’on déménage et il avait même des larmes aux yeux. Mais au final, nous sommes tout de même partis à Plaine-Verte où une toute autre vie commença. Auparavant, nous étions entourés de gens de toutes les communautés et à Plaine-Verte, ce n’était plus le cas », relate-t-il.

Issu d’une famille modeste

Si Sam Lauthan a brillamment réussi dans sa vie professionnelle et politique, il nous raconte qu’il n’a pas connu une enfance de tout repos. Né le 13 janvier 1945 à la rue Motais à Port-Louis, Samioullah grandit aux côtés de ses quatre autres frères. Il nous raconte que son père, Mohamed, travaillait comme storekeeper au Mauritius Sewage Department au Caudan et comme il percevait un maigre salaire, il agissait aussi comme gardien de nuit. « Mon père travaillait une année entière sans jamais avoir de congé. Il faisait d’énormes sacrifices pour nourrir la famille. Il était très sévère, discipliné et veillait à ce que nous étions toujours sur le droit chemin. Quant à ma mère, Bibi Amina, c’était une femme formidable et a consacré sa vie à grandir mes frères et moi. Nos parents ont dû attendre 12 ans après leur mariage pour avoir des enfants et qui ont finalement eu cinq garçons d’affilée », nous raconte-t-il. C’est ainsi qu’entouré des gens de toutes communautés que le petit Samioullah a passé son enfance. « Nous habitions dans une petite maison qui se situait dans une cour où vivaient également d’autres personnes. À cette époque, on ne faisait pas de distinction entre les gens issus des différentes communautés religieuses. Il y avait une entente cordiale entre tous les voisins. Avez-vous déjà entendu parler de ‘bol cari traverse miraille’ ? C’est pour vous dire la solidarité qui y régnait », relate l’ex-ministre. C’est à l’école de Cassis qu’il a fait ses études primaires avant de rejoindre le collège Trinity, établissement où il a, par la suite, été enseignant et recteur. « J’ai eu la chance de fréquenter l’école de Cassis où j’ai vraiment appris à vivre avec plusieurs communautés. Cela m’a grandement aidé plus tard dans ma vie. J’ai eu toutefois le malheur de perdre mon père en 1962 alors que j’étais encore au collège », ajoute-t-il avec un brin de tristesse. Il nous raconte aussi une petite anecdote de son enfance : comment il économisait le pétrole de la lampe en allant faire ses devoirs à la lueur des lampadaires des rues.

Ex-Mr Plaine-Verte

Si à 71 ans, Sam Lauthan affiche toujours la grande forme, c’est parce qu’il a été un excellent athlète et sportif durant sa jeunesse. En effet, adepte du culturisme, il s’entraînait plusieurs fois par semaine pour avoir un corps finement sculpté. « Je m’entraînais dans la salle de sport de ‘Bahim Coco’. Au départ, je pratiquais cette discipline pour garder la forme. Or, en 1984, Bahim Coco est venu me voir et m’a demandé de participer à la compétition Mr Plaine-Verte. J’avais refusé et il était revenu à la charge l’année suivante et j’avais une fois de plus décliné son offre. Mais en 1986, sur son ultime insistance, j’avais concouru et remporté le titre de Mr Plaine-Verte », se souvient ‘Bhai Sam’ qui n’a rien perdu de ses biceps et avant-bras joliment définis. En 1987, il nous raconte qu’il avait aussi participé au concours Mr Port-Louis et avait terminé second dans sa catégorie. « Le sport est essentiel dans notre vie. Si aujourd’hui à cet âge, j’ai préservé les muscles c’est parce que je n’ai jamais utilisé de fortifiants synthétiques ou autres produits dopant le métabolisme. Au cas contraire, tous mes muscles auraient rétréci », précise l’ex- Mr Plaine-Verte.

Deux projets à venir

Samioullah Lauthan compte bien concrétiser deux projets qui lui tiennent à coeur. Primo, il lancera dans un proche avenir, un manuel pour les travailleurs sociaux et autres bénévoles. « Ce livre s’intitulera ‘Manual for Grassroot Workers’ et aidera à combattre la marginalisation. « Je me suis inspiré des différents événements qui ont eu lieu ces dernières années comme la création de l’État Islamique ou encore d’Al-Qaida. Il nous faut impérativement venir en aide aux personnes cloisonnées, voire marginalisées, car ce sont ces gens-là qui sont victimes d’un lavage de cerveau très efficace de la part des manipulateurs et c’est ainsi que plusieurs d’entre eux rejoignent des sectes religieux comme Daesh. Donc, ce manuel tentera d’expliquer comment contrer ce fléau », estime notre interlocuteur. Son deuxième projet est le lancement d’un autre manuel destiné aux travailleurs sociaux musulmans et il tentera d’expliquer comment tacler les maux de la société et la pression des pairs. Par ailleurs, l’ex-ministre nous apprend qu’il dispose de plusieurs modules et espère pouvoir s’en servir pour aider la société. « J’ai un module qui explique comment pénétrer et approcher les gens des ghettos. Cela pourrait aider bien des gens dans leur démarche à casser les barrières entre les couches de la société », explique-t-il.

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