Thursday , 28 March 2024
Hassam Simrick

Métier d’antan : Hassam Simrick, 81 ans, un tailleur qui défie le temps

Soucieux du détail et du travail bien fait, Hassam Simrick, 81 ans, est tailleur, un métier en voie de disparition.

Hassam Simrick confectionne d’une main de maître un pantalon noir dans son petit atelier bleu construit avec des feuilles de tôle. Hassam est au service de quiconque veut raccommoder sa veste de travail, porter un habit élégant, ou encore s’offrir du sur mesure pour les grandes occasions.

Bien niché près de la route principale, son atelier est fréquenté par une clientèle venant principalement de Pointe-aux-Piments et des villages voisins comme Triolet, Trou-aux Biches, Grand-Baie. Il n’est pas inhabituel de voir aussi chez lui des gens de passage et les proches parents de ses clients qui habitent des endroits lointains.

Seul tailleur encore actif à Pointe-aux-Piments, Hassam déplore le fait que les jeunes aient tourné le dos à ce métier. En effet, de nombreux jeunes qui ont appris le métier chez lui sont partis travailler dans les usines. « Ils  manquent totalement de confiance en eux-mêmes. Ils préfèrent obtenir un salaire fixe.  Pour moi, c’est tout à fait différent. Même si je gagne cent roupies après avoir travaillé une journée entière, je m’en satisfais. Je pense que la patience se paie éventuellement après maintes années d’efforts,”  avoue Hassam Simrick.

Je ne peux jamais oublier ces jours d’antan où je pédalais ma bicyclette de Pointe-aux-Piments à Port-Louis pour apprendre ce métier

La morphologie de chaque client intéressant au plus haut point tout couturier, pour Hassam aussi chaque client est unique et il lui faut bien étudier la structure de son corps avant de passer à la découpe et à la confection du vêtement. Ce n’est qu’ainsi qu’il peut être sûr du rendu de sa création au moment de l’essayage. Pour notre interlocuteur, c’est un travail à la fois de précision, de technique et d’expérience.

Son parcours

Pour contrer la compétition avec les nouveaux modèles de vêtements qui se vendent dans les magasins de nos jours, Hassam a dû garder le rythme avec l’évolution. « J’avais les techniques de base et ce sont seulement les ajustements que j’ai dû  faire  avec le temps pour satisfaire les demandes de jeunes qui viennent chez moi,» confie-t-il. Son oncle Hamzah Simrick lui a envoyé un livre professionnel de couture de France. Il s’est servi du livre pendant toutes ces années comme une référence de couture.

Hassam ajoute qu’il a l’intention de tenir dans ce métier jusqu’à ses derniers jours. « Ce métier me rend heureux et me garde loin du stress. Je ne peux pas imaginer ne pas poser mes pieds un seul dans mon atelier,» souligne Hassam.

Hassam Simrick manie les ciseaux depuis six décennies. Mais il n’a pas été tout le temps tailleur. « Je ne peux jamais oublier ses jours d’antan où je pédalais ma bicyclette de Pointe-aux-Piments à Port-Louis pour apprendre ce métier. C’était une époque très dure car je n’obtenais aucun sou pour mon labeur. Mais tous ces sacrifices m’ont rapporté beaucoup plus par la suite  dans ma vie,” raconte-t-il.

Le collège étant payant à l’époque, les parents de Hassam n’avaient pas les moyens de l’y envoyer. Après le cycle primaire, son oncle Hamza Simrick a demandé à sa mère de l’envoyer apprendre le métier de tailleur. Sans hésitation, Hassam a accepté l’offre même s’il n’aurait pas un sou comme apprenti tailleur car il ne voulait à aucun prix travailler sur la propriété sucrière comme son père.

« Au début, c’était dur de voyager autant au quotidien, mais comme l’ami qui m’accompagnait apprenait lui le métier de mécanicien, je me sentais soutenu. Nous travaillions de six heures du matin à 17h00, » précise-t-il. Quand son oncle s’est envolé pour la France, il a continué à faire ses gammes chez un autre tailleur à Triolet. Finalement, 1956, il a décidé de se mettre à son compte.

Rs 3 pour un pantalon

Son père a négocié avec un commis de localité pour lui céder une petite place pour opérer son atelier. Il a touché le gros lot presque immédiatement. Très vite en effet le nombre de ses clients a augmenté et il devait travailler jusqu’à tard le soir pour  confectionner les vêtements. « À cette époque,  je payais Rs 60 par an comme frais de loyer. Je réclamais Rs 3 pour un pantalon et Rs 5 pour une chemise », dit-il.

Avec ses  économies, Hassam a acheté un terrain pour cultiver la canne à sucre. Étant pris par son métier, il a préféré employer des laboureurs pour travailler dans son champ. “J’ai su investir intelligemment. Tout cela m’a beaucoup rapporté. Ce qui m’a permis de faire des progrès. Toutefois depuis une dizaine d’années, j’ai abandonné la culture de la canne à sucre car le prix du sucre a chuté.  Les incendiaires aussi vous découragent, » souligne-t-il.

Hassam a su investir aussi dans l’éducation de ses cinq enfants. Deux d’entre eux sont établis en France tandis que les trois autres se sont lancés dans le commerce. La retraite ? Hassam n’y pense même pas. « C’est un peu trop tôt pour en parler ! », laisse-t-il entendre.

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