Friday , 29 March 2024
Iqbal Aubdool

Iqbal Aubdool de la DIF : «La mentalité des automobilistes sur nos routes doit changer»

Iqbal Aubdool, membre exécutif de la Driving Instructors Federation (DIF) et membre de l’Association des Moniteurs d’Auto École (AMAE) est d’avis que les automobilistes doivent changer de mentalité sur nos routes. Selon lui, les usagers de la route continuent à faire la sourde oreille en dépit des nombreuses campagnes de sensibilisation.

Pourquoi l’AMAE est en train de multiplier les campagnes de sécurité routière ?
Il semble que les Mauriciens n’ont pas reçu le message quant au nombre d’accidents fatals sur nos routes. Les automobilistes continuent à faire la sourde oreille en dépit des nombreuses campagnes de sensibilisation. C’est pourquoi dans la soirée du mercredi 18 avril, nous avons organisé une énième campagne avec le parrainage d’All Sports. Il est déplorable de voir comment les gens sont en train d’ignorer carrément les messages sur la sécurité routière. J’ai également pu remarquer que devant les postes de police, il y a des messages pour interpeller et conscientiser les gens.

« La flotte de véhicules à Maurice comprend encore de très vieilles voitures. »

En temps que moniteur d’auto-école, comment expliquez-vous tous ces accidents sur nos routes ?
Il y a plusieurs facteurs qui peuvent expliquer les accidents sur nos routes. Mais je suis stupéfait de voir que la flotte de véhicules à Maurice comprend encore de très vieilles voitures. La semaine dernière, j’ai vu un père de famille au volant d’une voiture qui date des années 90. La voiture était remplie et l’homme roulait à plus de 100 km/h. Je n’ai rien contre les vieux véhicules mais n’empêche qu’ils ne sont pas équipés des dernières technologies comme l’assistance au freinage. C’est pour vous dire que les anciens véhicules sont plus vulnérables et susceptibles de provoquer des accidents. Il y a aussi le facteur de la vitesse qui contribue à un nombre important d’accidents sur nos routes. Je constate également que les gens utilisent de plus en plus leurs téléphones portables au volant. Ce sont autant de facteurs qui peuvent provoquer des accidents.

L’incivisme devient de plus en plus courant sur nos routes. Pourquoi selon vous ?
Aujourd’hui, tout le monde est pressé. Le matin, chacun est pressé de se rendre au travail et de ce fait, on s’énerve pour un rien lorsqu’on est au volant. Je pense que le stress joue un rôle important dans le comportement des automobilistes. Cela peut paraître banal mais c’est un fait. Mais la situation semble s’empirer. Pour vous donner un exemple, j’étais en voiture avec un élève cette semaine et un homme qui était au volant de sa voiture nous a fait un doigt d’honneur en nous doublant. C’est désolant.

«Il ne faut pas que nous soyons égoïstes au volant.»

Le non-respect du code de la route est également banalisé de nos jours. Comment en est-on arrivé là ?
En effet, c’est devenu un gros problème. Il faut faire très attention lorsqu’on s’approche des feux de signalisation. Certains automobilistes brûlent le feu rouge comme bon leur semble et cela peut provoquer de graves accidents. Le mieux, c’est que les gens sortent de chez eux 15 minutes en avance le matin et ainsi ils pourront conduire sans stress. Je dis toujours à mes élèves qu’il faut penser aux autres lorsque nous sommes au volant. On conduit pour soi mais également pour les autres usagers de la route.

Pensez-vous que les infrastructures sont également à blâmer dans certains cas d’accidents de la route ?
Assurément. Plusieurs de nos routes se trouvent dans un état déplorable. À certains endroits, le goudron s’est même désagrégé. Il y a des nids de poule un peu partout sur nos routes. Et maintenant, lorsqu’il pleut, les routes sont submergées par l’eau de pluie. Le gouvernement doit savoir à qui il alloue les contrats d’asphaltage de nos routes car elles peuvent être une source de danger pour les automobilistes.

Selon vous, comment mettre un frein à l’hécatombe ?
La mentalité des automobilistes doit changer sinon les accidents de la route perdureront. La courtoisie au volant est une denrée rare de nos jours. Il ne faut pas que nous soyons égoïstes au volant. Il faut penser aux autres usagers de la route. Nous avons une population éduquée mais cela ne se reflète pas sur nos routes quand nous voyons le comportement de certains automobilistes.

«La courtoisie au volant est une denrée rare de nos jours.»

Les nombreuses campagnes de sécurité routière menées au cours de ces dernières années semblent ne pas porter leurs fruits. Faut-il des mesures répressives ?
Je ne pense pas que l’adoption de mesures répressives va remédier à la situation. Nous avons souvent entendu parler de la révocation de la licence à vie mais avons-nous pensé aux pères de famille qui pourront voir leur vie basculer à cause de ces mesures ? L’erreur est humaine. Les automobilistes peuvent commettre quelques erreurs lorsqu’ils sont au volant. Cela arrive. Mais si ces erreurs commencent à devenir récurrentes, il faut alors prendre les mesures qui s’imposent.

Pensez-vous que la police joue suffisamment son rôle pour faire respecter la loi ?
Dans une certaine mesure, je dirai que oui car la police fait de son mieux pour mettre un frein à l’hécatombe sur nos routes. Mais il y a un autre gros problème qui semble échapper au contrôle de la police. Cela concerne les motocyclistes qui apportent des modifications à leurs motocyclettes et plus particulièrement aux pots d’échappement. C’est une véritable pollution sonore le soir. Le port des gilets fluorescents par les motocyclistes est également une mesure qui n’est pas respectée par beaucoup. Or, cela peut causer des accidents. La police doit se pencher sur ces deux aspects au plus vite.

Sinon, en tant que moniteur, quels sont les principes de base que vous enseignez aux élèves ?
Avant que l’élève ne prenne le volant, je lui explique tout ce qu’il doit savoir comme futur chauffeur. Je lui enseigne les bases de la bonne conduite ainsi que le code de la route. Ce n’est qu’après cet exercice que je lui laisse prendre le volant. Des fois, j’ai pu remarquer que certains de mes élèves reçoivent des appels téléphoniques durant les cours et qu’ils essaient de retirer leur téléphone de leur poche. Je les recadre tout de suite en leur expliquant que ce simple geste peut être fatal car ils ont perdu leur concentration.

«Les chauffeurs mauriciens oublient qu’ils étaient aussi des ‘learners’ au début.»

Pensez-vous que c’est une bonne chose que d’ouvrir l’accès à l’autoroute aux appentis-conducteurs à une certaine heure de la journée ?
Oui. C’est une bonne chose car bien souvent juste après avoir décroché leur licence, les nouveaux chauffeurs ne savent pas conduire sur l’autoroute. Au niveau des auto-écoles, nous avons aussi reçu des demandes de la part des élèves pour des leçons de conduite sur l’autoroute. Mais les automobilistes doivent respecter les ‘learners’ et garder une distance convenable entre leurs véhicules et ceux des élèves. Les chauffeurs mauriciens oublient qu’ils étaient aussi des ‘learners’ au début.

Un mot sur les auto-écoles qui opèrent dans l’illégalité ?
C’est quelque chose qui a tout le temps existé à Maurice. Les membres des fédérations des moniteurs d’auto-école ont attiré l’attention des autorités sur ce problème et je constate que la police est en train de faire son travail. Tant mieux.

L’avènement de la moto-école viendrait-il résoudre les problèmes sur nos routes ?
Dans les moto-écoles, les aspirants motocyclistes vont apprendre les principes de base. Lors des leçons, ils vont rouler avec précaution et vont respecter les codes de la route. Mais il faut se demander s’ils feront de même une fois qu’ils auront obtenu leur licence. C’est aussi le cas pour les auto-écoles. Au risque de me répéter, je dirais que la mentalité des automobilistes sur nos routes doit changer.

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