Thursday , 28 March 2024

International Terrorist Groups/PoTA revisited : Que Maurice dresse sa liste seule, sans influence ou diktat étranger !

Pris par des affaires et responsabilités familiales mais également par mes engagements professionnels, je n’ai pas eu l’occasion jusqu’ici, malheureusement, d’étudier les amendements apportés à la Prevention of Terrorism Act (PoTA) et d’écouter et lire les interventions de nos parlementaires ainsi que les leaders d’opinion sur le sujet.Cela dit, il est évident qu’en tant que pays souverain, l’État mauricien ne devra pas établir une quelconque liste de groupes ou d’organisations terroristes (« international terrorist group ») sous le diktat, de quelque manière, d’aucune organisation internationale, d’aucun État étranger et encore moins, de quelque autre groupement.

En tant qu’État souverain, Maurice devra, SEULE, établir sa liste de « international terrorist groups, APRES consultation et discussions – si besoin est – avec des organisations internationales et régionales et dans des cas bien précis, avec quelques États étrangers, si le besoin se fait sentir. C’est ainsi que nous sommes extrêmement surpris de voir que dans les amendements proposés, il existe la clause selon laquelle la liste de « any instrument of the Council of the European Union” et « in any Resolution of the United Nations Security Council » dans une loi totalement mauricienne ! On peut toujours débattre de la référence à la liste des Nations-Unies (l’ONU n’est pas parfaite mais il existe des possibilités d’avoir voix au chapitre), mais le Conseil de l’Europe est un organisme politique régional, étranger, avec qui Maurice n’a pas d’affiliation politique quelconque, sauf des accords commerciaux de grande importance pour certains secteurs de l’économie mauricienne.

« Ennemie de personne, amie de tout le monde »

Mais la vérité est que Maurice suit normalement la tendance occidentale et elle est une élève très politiquement correcte, sur le plan régional et international. L’autre vérité, c’est qu’avec la devise de « ennemie de personne et amie de tout le monde », Maurice fait souvent plaisir non seulement à des pays « amis » tels la France, l’Inde, les États-Unis, la Chine etc. mais aussi aux organismes politiques « amis » tels l’Union européenne, la Banque mondiale, le FMI etc. Maurice se différencie rarement, très rarement même, sur le plan international, de ses pays et organismes « amis », pour ne pas les blesser ou susciter leur colère ou répression de quelque manière.

Deux exceptions très actuelles, cependant, nous donnent à penser que Maurice peut réagir différemment, par moments : sur la douloureuse question de la Palestine et sur les Chagos, avec l’affrontement frontal avec le Royaume-Uni, surtout, mais, par ricochet, avec les États-Unis d’Amérique également.

Sous Navin Ramgoolam III (2010 à 2014) et sous Sir Anerood Jugnauth VI (2014 à ce jour), Maurice n’a jamais affiché aussi fortement son « propalestinisme », jusqu’à des échanges officiels entre nos deux pays – Armoogum Parsuramen avait, dans les années 90, établi des ponts entre la Palestine et Maurice déjà – et la visite historique du vice-Premier ministre Xavier-Luc Duval, en Palestine, l’an dernier etc. Jamais Maurice n’a affiché son soutien aussi visible et audible (pour paraphraser Jean-Claude de l’Estrac) à la Palestine !

Idem sur la question de plus en plus controversée des Chagos où le Premier ministre Jugnauth n’hésite pas à utiliser la manière forte pour dénoncer le Royaume- Uni, sur le plan international (Inde, Francophonie, Afrique- Chine etc.), et particulièrement, aux Nations-Unies, sur le « vol » de notre souveraineté sur cet archipel qui abrite depuis plusieurs décennies maintenant, une des plus importantes bases militaires étasuniennes – du jamais vu ces derniers temps ! Sir Anerood est connu pour avoir botté la Banque mondiale hors du circuit mauricien, en 1983-84, mais en 2001, la Banque mondiale est revenue, sous SAJ, et elle s’est même installée chez nous, il y a quelques années, sous Navin Ramgoolam…

Maurice, État souverain absolu

Tout cela pour dire que Maurice peut, si elle veut, être totalement souveraine dans sa démarche et on ne peut que souhaiter que l’État mauricien décide, sans aucune influence onusienne, européenne, française, indienne, chinoise, saoudienne etc. de la liste officielle de groupes internationaux de terroristes qu’il entend proclamer.

Et cette liste, pour faire l’unanimité, doit être rendue publique et devrait avoir l’aval du leader de l’opposition et de la Présidence, bien entendu, car il y va de la souveraineté de Maurice et de son image sur la scène internationale. Nous regrettons ici que l’Alliance sociale de 2005 à 2010, n’ait pas mis en place un des points forts de son programme électoral qui était la mise en place d’un Foreign Affairs Parliamentary Committee où les questions de politique étrangère devaient être discutées et adoptées, à l’unanimité, un peu à la manière du comité parlementaire sur les Chagos.

Pour cela, l’État mauricien doit s’entourer non pas seulement de hauts fonctionnaires et des responsables des forces de sécurité et de renseignements mais aussi de spécialistes et d’experts mauriciens sur les questions et disciplines autour du terrorisme et de la politique internationale, avec le soutien d’étrangers – si besoin -sur une base ponctuelle, jamais permanente. Les pays et organismes « amis » pourront toujours conseiller mais il nous faudrait toujours être sur nos gardes car leur puissance de lobbying (ils ont et peuvent avoir des intérêts très différents de Maurice) est très forte et leur soft power, énorme. Pour que la souveraineté de Maurice ne soit pas entamée de quelque manière, enlevons ou modifions vite les clauses (b) et (c) des propositions apportées à la PoTA section 10(4) ! Merci, Monsieur le Premier ministre ; merci, Madame la Présidente !

Shafick Osman
Docteur en géopolitique (Paris-Sorbonne)
Membre, IORG (Australie), SIOS (Inde)

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